Hiro’a n°193 – Dossier

Maison de la culture – Te Fare Tauhiti Nui (TFTN)

Fifo 2024 : une nouvelle décennie s’ouvre… avec le plein de réalisations océaniennes !

Rencontre avec Laura Théron, déléguée générale du Fifo, Miriama Bono, présidente de l’Afifo, et Mareva Leu, membre du comité de sélection. Texte : SF – Photo : SF

La 21e édition du Festival international du film documentaire océanien se tiendra du 2 au 11 février prochains à la Maison de la culture. Pour la troisième année, il sera hybride : en présentiel et en ligne. Le Fifo ouvre une nouvelle décennie avec un jury très féminin et océanien, représentant plusieurs cultures et langues. Une édition qui voit aussi le retour du Pitch.

C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Après les 20 ans du Fifo l’année dernière, le festival entre dans sa troisième décennie avec quelques nouveautés. D’abord, une nouvelle déléguée générale, un visage familier de l’événement : celui de Laura Théron. La trentenaire, qui travaille pour la manifestation depuis trois ans, prend la suite de Mareva Leu. Son objectif : valoriser et développer l’industrie audiovisuelle polynésienne et océanienne. Cela tombe bien puisque cette année, le Fifo fait le plein de productions et réalisations océaniennes. Au total, 147 films inscrits et visionnés par le comité de sélection. Trente films ont été choisis pour la sélection : 10 sont en compétition, 13 hors compétition et 7 courts-métrages documentaires. « On est très heureux de retrouver des chiffres d’avant-Covid, avec une représentation importante des pays de l’Océanie. On voit le retour de Timor, de Guam, des îles Marshall… », explique Laura Théron. Ces films abordent plusieurs thèmes, qui reviennent régulièrement au fil des éditions du Fifo. Le premier et le plus présent reste celui de l’environnement, un habitué désormais du festival. Changement climatique, politique environnementale, nucléaire dans le Pacifique… Plusieurs angles sont abordés au travers des films de la sélection. Les questions de l’identité reviennent aussi avec l’adoption, l’identité récompensée, la reconstruction… L’histoire, la culture artistique et les problèmes de violence sont également au cœur des réalisations de cette 21e édition. « On est très fier de cette sélection, confie Mareva Leu qui, après sept ans en tant que déléguée générale, fait désormais partie du comité de sélection. Elle est à l’image de l’Océanie et aborde plusieurs thèmes. Les sujets comme leur traitement sont plus originaux qu’à l’accoutumée. Le comité a été très touché et sensible à ce traitement. Il y a un aspect authentique des histoires racontées. »

Un jury de choix

Le jury du Fifo 2024 aura donc fort à faire. Très océanien et féminin, il représente plusieurs expressions artistiques. « Ce n’est pas un jury qui s’exprime seulement dans le visuel mais aussi à travers la linguistique et l’art », précise Miriama Bono, présidente de l’Afifo. La présidente du jury est Briar Grace Smith, une réalisatrice, productrice et écrivaine māori. Descendante des tribus Ngāti Hau et Ngātipuhi, elle a écrit, coréalisé et joué dans le film Cousins, adapté du roman de Patricia Grace et diffusé au Fifo 2022. Elle est entourée pour cette édition de l’Australien Allan Clarke, qui a remporté le prix spécial du jury en 2022 avec son film The Bowraville Murders, de la réalisatrice néo-zélandaise Corinna Hunziker, Grand Prix du Fifo 2023 avec No Māori Allowed, du journaliste et documentariste de Nouvelle-Calédonie la 1ère Patrick Durand-Gaillard, de Hetereki Huke, un chercheur originaire de Rapa Nui et spécialisé dans l’étude des cultures autochtones du Pacifique. Deux Polynésiens viennent compléter le jury : Carmen Doom, responsable d’édition à Polynésie la 1ère, et l’artiste marquisien Heretu Tetahiotupa, le plus jeune des membres et surtout un enfant du Fifo. « On souhaite donner la parole à la jeune génération, explique Miriama Bono. Et, c’est la première fois qu’on accueille un Marquisien dans le jury, qui a aussi une forte représentation de Nouvelle-Zélande. » Un jury qui aura donc la lourde tâche de juger les 10 films en compétition cette année.

Le retour du Pitch

C’est la grande nouvelle de cette édition : le retour du Pitch au sein du festival. Après dix ans d’arrêt, l’Oceania Pitch est donc relancé avec un nouveau format. Entre quatre à six porteurs de projets sont sélectionnés sur candidature et bénéficient d’une formation technique au Pitch et également au Pitch Impact grâce à une semaine de travail avec des professionnels. « C’est un moment précieux du programme professionnel de cette édition. À la fin de cette semaine de travail, les candidats pitcheront leur projet à un jury de professionnels de la région océanienne et d’Europe », précise la déléguée générale, Laura Théron. Le meilleur pitch obtiendra un prix de 200 000 Fcfp, un prix qui vient donc s’ajouter aux autres prix du festival. Six prix récompenseront les films de la sélection officielle. Deux seront décernés par le jury parmi les dix films en compétition. On retrouve bien entendu le traditionnel Prix du public, qui comptabilise les votes du public pour les films en et hors compétition. Et les prix des meilleurs courts-métrages (documentaire et fiction) sont, eux aussi, désignés par les votes des spectateurs. ◆

La sélection 2024

10 films documentaires :

Circle of silence (Australie et Timor) de Luigi Acquisto et Lurdes Pires

Éloi Machoro, itinéraire dun combattant (Nouvelle-Calédonie) d’Éric Beauducel

Family Faith Footy – A Pasifika Rugby Story (Aotearoa) de Fa’alavau Nanai Jeremiah Tauamiti

Kaugere : A Place Where Nobody Enters (Australie – Papouasie Nouvelle-Guinée) de Stephen Dupont

Kindred (Australie) d’Adrian Russell Wills, Gillian Moody

Merveille de la nature : Daintree, lAustralie des origines (France) de Grégory Maitre

The Giants (Australie) de Laurence Billiet et Rachel Antony

Tribal Sisters (Papouasie Nouvelle-Guinée) de Verena Thomas et Jackie Kauli

Walkatjurra : Our Actions Will Never Stop (Australie, Chili, France) de Francisca Silva Bravo

  • William Albert Robinson, la derni.re traversée (Polynésie française) de Paul Manate et Denis Pinson

13 films hors-compétition :

Troisième feuille (Polynésie française) de Virginie Tetoofa

Abebe – Butterfly Song (Australie) de Rosie Jones

Entendez-nous ! Violences intrafamiliales en Polynésie (France et Polynésie française) de Laurence Generet

Gardiens de la forêt, le temps des solutions (France) de Marc Dozier

Gloriavale (Aotearoa) de Noel Smyth, Fergus Grady

Mining The Pacific Ocean (Qatar) de Lucy Murray, Drew Ambrose

Monica In The South Seas (Finlande) de Sami Van Ingen, Mika Taanila

Ms Information (Aotearoa) de Gwen Isaac

Nations Of Water (Nouvelle-Calédonie) de Géraldine Giraudeau, Valérie Baty

Secteur 5 (Nouvelle-Calédonie) de Stéphane Ducandas

Te Mekameka O Te Pā Maunga (Aotearoa et îles Cook) de Liam Koka’ua

Uncle Bullys Surf Skool (Hawaii) de Leah Warshawski, Todd Soliday

  • Wallis et Futuna, aux frontières de la mer (France) de Claire Marchal, Sébastien Thiébot

7 courts-métrages documentaires

Homestead – Mahika (Aotearoa) de Piata Gardiner-Hoskins

Taonga An Artist Activist (îles Cook) de Glenda Tuaine

De la crête au tombant – La mangrove et le platier tradewinds (Nouvelle-Calédonie) de Thomas Decros, Elisabeth Auplat

Tradewind (Guam) de Kyle Perron

Une île un artiste – Temoana In Exile (USA – îles Marshall) de Nathan Fitch

  • Puisque cest possible : itinéraires scientifiques en Nouvelle-Calédonie (France) de Jean-Michel Boré

13 courts-métrages de fiction

The Polycees (Aotearoa) de Celia Jaspers

Hafekasi (Australie) de Annelise Hickey

Big Question (Aotearoa) de Liam Maguren

O2 (Polynésie française) de Lino Cosso

Taumanu (Aotearoa) de Taratoa Stappard

Milk (Aotearoa) de Celia Jaspers

Aikāne (Hawaii) de Daniel Sousa, Dean Hamer, Joe Wilson

Good Girl (Aotearoa) de Dean Hewison

• Dialogue (Polynésie française) de Matteo Damesin

Blue Cooler (Hawaii) de Laura Margulies

  • Freedom Fighter (Aotearoa et Samoa) de Tusi Tamasese

Trois questions à Laura Théron, déléguée générale de l’Afifo

Laura Théron est le nouveau visage du Fifo. Enfant de Tahiti ayant grandi à Arue, elle a baigné dans la culture polynésienne et océanienne. Partie dans l’Hexagone à ses 18 ans pour faire des études d’histoire et de gestion des biens et des activités culturelles, elle est revenue au fenua il y a sept ans. Elle a collaboré à différents projets, en particulier sur le salon du livre et le Fifo.

Vous êtes la nouvelle déléguée générale de l’Afifo. Qu’est-ce que représente ce poste pour vous ?

« J’ai grandi dans une famille qui s’est toujours intéressée à la culture, mon parrain néo-zélandais fait également partie du programme professionnel du Fifo depuis vingt ans. J’ai découvert le Fifo dès la première édition, j’avais 15 ans. Le festival fait partie pour moi des grands événements et des grands projets culturels qui m’ont donné envie de voyager et partir à la découverte du monde, des autres, des cultures, des langues… Et, évidemment, de travailler dans la culture. »

Après les 20 ans, l’année dernière, une nouvelle décennie s’ouvre pour le Fifo… Comment l’abordez-vous ?

« Cette nouvelle décennie doit être au service de la culture et de l’audiovisuel, mais je voudrais surtout remettre au centre du Fifo la création audiovisuelle de la jeunesse polynésienne. On prépare des projets très ciblés. Le Fifo est un festival international, il doit être tourné vers l’Océanie, mais c’est aussi un festival pour les Polynésiens. Après ces trois ans perturbés par la Covid, il faut repartir dans les îles avec des projets pour encourager la jeunesse à la création audiovisuelle, et se rendre compte de l’infinité des histoires que l’on peut raconter grâce aux différents formats. L’année dernière par exemple, nous avions mis en place un atelier avec un des TikTokeurs les plus connus du pays. Ce projet me tenait à cœur et nous aurons des projets similaires cette année. Ce qui m’intéresse, c’est que dans la création audiovisuelle, et notamment dans les ateliers, on arrive à décomplexifier la notion d’audiovisuel et de storytelling. »

Cette année, le Pitch fait son retour au Fifo avec un prix et des formations…

« Le retour du Pitch s’inscrit dans ce projet de remettre la création audiovisuelle à l’échelle polynésienne et océanienne, avec cette notion de collaboration internationale. L’idée est d’encourager les projets, on souhaite que le Fifo soit au cœur des projets de l’audiovisuel océanien, à la fois en tant que marché et rencontre annuelle de l’industrie chez nous, mais aussi en tant que propulseur de projets. On veut vraiment se positionner comme ça. On a cette double casquette : être à la fois Océanien et à la fois Français, on a donc un pied en Europe, c’est un atout en plus. On veut ouvrir le marché français et européen à travers le Fifo. »

Briar Grace Smith : « J’ai l’intention d’aborder ce rôle avec un esprit très ouvert ! »

Briar Grace Smith est une réalisatrice, productrice et écrivaine māori. Descendante des tribus Ngāti Hau et Ngātipuhi, elle a écrit, co-réalisé et joué dans le film Cousins, adapté du roman de Patricia Grace et diffusé au Fifo 2022. Elle est lauréate de la Fondation des arts māori, récipiendaire de la bourse Merata Mita et membre du collège des réalisateurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences (Académie des Oscars). Briar Grace Smith est la présidente du jury de la 21e édition du Fifo.

Que représente ce festival pour vous ?

« Le Fifo Tahiti est un festival que j’aime… de loin. J’ai été invitée à venir à Tahiti en 2022 avec notre film Cousins, mais en raison des restrictions frontalières autour de la Covid, j’étais présente mais par Zoom. L’Océanie est une partie du monde diverse et dynamique et, malgré les différences, nous faisons tous partie du même vaste océan – nous partageons une histoire ancienne de liens et beaucoup de préoccupations communes. Le Fifo est une merveilleuse façon de se réunir et de partager nos expériences. C’est un honneur pour moi d’avoir été invitée à faire partie du jury de cette édition. En tant que présidente du jury, j’ai l’intention d’aborder ce rôle avec un esprit très ouvert ! »

Qu’est-ce qui vous touche en premier dans un documentaire ?

« Le public cherche généralement (inconsciemment) à entrer dans une histoire. Pour moi, l’attrait émotionnel prend souvent la forme d’un personnage, mais l’accroche peut aussi être la question que pose le documentaire, ou le sujet et le monde qu’il explore. »

Selon vous, qu’est-ce qu’un « beau » documentaire ou un documentaire « réussi » ?

« C’est un documentaire qui, en utilisant tous les pouvoirs de la narration à l’écran, m’entraîne dans un monde et/ou une perspective que je connaissais peu ou pas du tout auparavant. Un bon documentaire doit toucher son public d’une manière ou d’une autre et susciter une compréhension plus profonde et un changement. Ce changement peut se produire à un niveau personnel ou avoir une portée beaucoup plus large. »

Pour les jurys, le Fifo représente souvent un lieu et des moments d’échanges intenses. Comment voyez-vous la relation et les échanges avec les autres membres du jury ?

« J’aime la collaboration. C’est tellement enrichissant de pouvoir embrasser les différentes compétences et perceptions d’un groupe de personnes pour atteindre une vision commune. Le jury est composé d’un mélange très intéressant de réalisateurs et, même si je suis sûre qu’il y aura des discussions animées, ces échanges permettent de s’assurer que tous les films sont bien pris en compte. »

Oceania Pitch et ateliers, les candidatures sont ouvertes

L’Oceania Pitch

Le Fifo relance cet événement clé de son histoire après dix ans d’arrêt, avec une nouvelle édition prévue pour le Fifo 2024. Le paysage audiovisuel océanien ayant évolué, le Pitch a été repensé, offrant ainsi un nouveau format de ce rendez-vous professionnel.

L’Oceania Impact Pitch for Indigenation propose aux porteurs de projets de documentaires engagés de présenter leurs pitchs à un panel de professionnels et de décideurs venus d’Océanie et d’Europe (festivals, producteurs, financeurs, diffuseurs), offrant l’opportunité de sensibiliser, dénoncer, inspirer et trouver des partenaires et des financements pour des projets alignés avec les valeurs du Fifo, contribuant à la préservation et à la valorisation des cultures autochtones de l’Océanie.

Les Ateliers

Comme chaque année, plusieurs ateliers sont proposés au grand public.

• Création d’un story-board (animé par Nyko PK16) :

Les participants de cet atelier apprendront à écrire de courtes histoires et à les mettre en image dans un story-board. À l’aide des intelligences artificielles (IA), ils pourront se former à développer des scénarios et des story-boards uniques.

• Tournage et montage d’un minimétrage (animé par Nyko PK16) :

Cet atelier pratique offre une plongée immersive dans l’art du tournage et du montage vidéo avec un smartphone. Animé par Nyko PK16, les participants pourront apprendre à tourner un minifilm avec les différentes techniques de prises de vue de base ainsi que monter leurs projets grâce au logiciel Cap Cut.

• Atelier autoportrait poétique (animé par Virginie Raba) :

« Du selfie à l’autoportrait poétique » est un atelier pour aborder la notion de sensibilité artistique dans la réalisation d’un film. Chaque personne devra réaliser un autoportrait de trois minutes maximum, en plan-séquence, au téléphone portable. Une façon de redéfinir le storytelling et de se raconter autrement.

• Écrire un synopsis documentaire (animé par Ève Chems De Brouwer) :

Après avoir regardé des extraits de films documentaires et observé les différents types de films et approche des réalisateurs, chaque participant exposera à l’oral le projet de film qu’il a en tête.

• Poly 3D :

Une expérience immersive au cœur de la créativité audiovisuelle. Cet atelier unique offre une opportunité exceptionnelle de découvrir et de maîtriser les techniques avancées de la production en 3D.

• Accompagnement à la création d’une bible de série (animé par Sydélia Guirao sur 4 jours) :

L’atelier écriture de bible de série TV est un accompagnement pour permettre à des personnes motivées, quel que soit leur âge, d’apprendre à présenter une série TV et de la réfléchir pour qu’elle entre dans des critères de production. Elle permet aussi de développer les univers de chacun.

Pour les ateliers, un formulaire d’inscription sera disponible sur le site Internet www.fifotahiti.com à partir du 3 janvier.

Pratique

FIFO

• Du 2 au 11 f.vrier

• À la maison de la culture

• Et en ligne sur www.fifotahiti.com

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