Hiro’a n°192 – Le saviez-vous ?

Le saviez-vous ? – Direction de la culture et du patrimoine (DCP) – Te Papa hīro΄a ΄e Faufa΄a tumu

Taputapua-tea : à qui appartient la sépulture mise au jour ?

Rencontre avec Anatauarii Tamarii, archéologue et chef de la cellule du « patrimoine culturel » à la Direction de la culture et du patrimoine. Texte : Jenny Hunter – Photos : DCP

Une troisième campagne de fouille programmée se tient actuellement sur le site du marae Taputapuātea, à Ōpōa sur l’île de Ra’iātea. Après avoir découvert une sépulture à quelques mètres du tahua marae Taputapuātea, les archéologues vont minutieusement l’examiner, espérant lever les secrets qui l’entourent.

Le marae de Taputapuātea, classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2017, fourmille de secrets. Actuellement et jusqu’au 15 décembre, une troisième campagne de fouille programmée se tient sur le site. La mission menée par la Direction de la culture et du patrimoine (DCP), co-dirigée par l’archéologue Anatauarii Tamarii et Louis Lagarde, maître de conférence en archéologie de l’Océanie à l’université de la Nouvelle-Calédonie, porte essentiellement sur une sépulture mise au jour en 2021 et qui n’avait jusqu’alors jamais été détectée malgré de nombreuses opérations archéologiques in situ depuis les années 1990. « Nous allons fouiller une sépulture avec l’expertise de madame Frédérique Valentin (anthropobiologiste, spécialiste du contexte funéraire, NDLR). Aujourd’hui, nous considérons cela comme une véritable source d’informations inédites. On y va principalement pour cela », se réjouit Anatauarii Tamarii.

À partir d’une anomalie détectée

Si les deux premières campagnes de fouille menées en 2019 et 2021 s’étaient essentiellement consacrées à la datation de certains marae abrités par le complexe de Taputapuātea, l’épidémie de coronavirus avait freiné les scientifiques dans leurs recherches sur place. Aussi, en 2020, avaient-ils décidé de procéder autrement pour mener à bien leurs travaux. Une prospection non invasive par géoradar avait été lancée afin d’identifier des « anomalies » souterraines et invisibles depuis la surface. Et cette opération a permis d’obtenir une cartographie générale de la plaine où se trouve le site. En 2021, le géoradar capte des éléments en sous-sol. « Nous avons vérifié l’anomalie en question et nous avons découvert qu’il s’agissait d’une sépulture. Cette sépulture n’avait encore jamais été découverte. C’est inédit. Mais en l’absence d’anthropobiologiste, une personne spécialisée dans la fouille et l’analyse des phénomènes funéraires, on a préféré arrêter la fouille et attendre cette année », souligne l’archéologue de la DCP.

« Pas n’importe qui »

Il est donc question, tout d’abord, de dater la sépulture, puis, autant que possible, de définir le sexe de la personne inhumée, sa tranche d’âge et d’essayer de déterminer les raisons de son décès ainsi que le contexte de son inhumation. « Le fait de l’avoir mise au jour à quelques mètres seulement du tahua du grand marae Taputapuātea indique nécessairement qu’il ne s’agit pas de n’importe qui. Cette personne a été inhumée là-bas pour une raison précise et particulière. Maintenant, à nous de savoir pourquoi. Derrière tout cela, il y a tout un lot de questions sur les pratiques cérémonielles et funéraires qui devaient se passer sur les marae de manière générale, en particulier sur celui de Taputapuātea », explique Anatauarii Tamarii.

Sur place, les chercheurs s’attellent à des micro-analyses et micro-prélèvements pour faire toute la lumière sur cette découverte funéraire. S’il n’est pas rare pour les archéologues de réaliser de telles trouvailles, la technologie et les méthodes de recherche ayant évolué, les scientifiques attendent davantage de ces fouilles. « C’est assez commun de trouver des sépultures pour tout un tas de raisons qui lient le marae au Te Pō, l’espace des ancêtres et des divinités. Cela arrive. On a même parfois retrouvé des sépultures dans l’enceinte d’un marae. Là, la sépulture que nous allons examiner est à l’extérieur du marae, c’est aussi un élément à prendre en compte dans l’interprétation des données », souligne l’archéologue.

Perspectives

Une fois ce travail de fourmis effectué, ce sera le temps des analyses des résultats, de l’interprétation, de la valorisation et la vulgarisation des travaux. Bien entendu, après la campagne de fouille, les membres de l’équipe réensevelissent tout afin de préserver les lieux. « Nous n’avons vraiment aucune idée de qui cela peut être. Nous savons que c’est un adulte, mais c’est tout. Le reste, c’est un mystère. Cela va nous apporter des éléments clés au regard de Taputapuātea. Il est important pour nous de mieux comprendre ce site », soutient l’archéologue. Et de conclure : « Pour nous, pour la Polynésie française, on se doit d’avoir une meilleure connaissance de ce site-là en particulier, maintenant qu’il est reconnu à l’échelle internationale. » Si cette mission est dédiée à la fouille de la sépulture, les archéologues n’oublient toutefois pas leurs autres buts, à commencer par la chronologie d’occupation et d’abandon du site. En parallèle à cette opération, une fouille préventive est également en cours, en prévision des aménagements qui doivent être entrepris sur le complexe. ◆

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Un centre politique, cérémoniel, funéraire et religieux

Le marae Taputapuātea se caractérise par la présence de plusieurs marae aux fonctions bien distinctes. Au centre du complexe se trouve le marae Taputapuātea lui-même, qui est dédié au dieu ΄Oro et est l’endroit où le monde des vivants (Te Ao) croise le monde des ancêtres et des dieux (Te Pō). Il exprime également le pouvoir et les relations politiques. L’importance croissante de Taputapuātea est liée à la dynastie des ari΄i (chefs) Tamatoa et à l’expansion de leur pouvoir. Taputapuātea était le centre d’une alliance politique qui réunissait deux régions étendues, englobant la majeure partie de la Polynésie. L’alliance fut maintenue grâce aux rassemblements réguliers de chefs, de guerriers et de prêtres qui venaient d’autres îles pour se réunir à Taputapuātea.

Source : Unesco

Lég

C’est grâce à une prospection non invasive par géoradar que la sépulture a pu être découverte.

Anatauarii Tamarii, archéologue de la Direction de la culture et du patrimoine, co-dirige la mission.

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