Hiro’a n°192 – Dix questions à

Dix questions à – Marc E. Louvat et Éric Bourgeois, de la Direction de la culture et du patrimoine, en charge de la plateforme Tahiti VOD

Tahiti VOD, la Polynésie

du XXe siècle en streaming

Propos recueillis par Lucie Ceccarelli – Photos : Tahiti VOD

La plateforme de streaming Tahiti VOD a été lancée il y a huit mois par la Maison de la culture, en partenariat avec les chaînes télévisées locales et le ministère de la Culture. L’année touchant à sa fin, vient le moment de dresser un premier bilan de l’activité de cette médiathèque virtuelle, gérée par Marc E. Louvat et Éric Bourgeois, de la Direction de la culture et du patrimoine. Après avoir rempli leurs objectifs pour 2023, ils s’attaquent maintenant aux ambitions de 2024, à savoir une meilleure visibilité auprès du grand public, et toujours davantage de contenus culturels et historiques… À retrouver sur le site www.tahitivod.pf.

Comment est née la plateforme Tahiti VOD ?

Marc : «  Au départ, on travaillait sur une médiathèque physique, mais quand on a vu que ce projet aurait du mal à sortir de terre, on a eu l’idée de faire une médiathèque en ligne. Tahiti VOD est une plateforme de streaming où l’on peut retrouver tout ce qui est passé à la télévision, et même avant, et qui n’est plus diffusé aujourd’hui. C’est comme une photographie de la Polynésie du XXe siècle à travers des images vidéo, que ce soit des interviews, des clips musicaux, des documentaires, des archives brutes, des téléfilms… »

Quel est l’objectif de ce projet ?

Éric : « Il s’agit de rendre aux gens leur patrimoine audiovisuel, avec un accès gratuit car cela leur appartient. On l’a vu pendant des années lors des séances de Cinematamua, c’est quelque chose à laquelle la population est particulièrement sensible. Maintenant qu’on peut regarder ces vidéos dans de bonnes conditions, puisque les réseaux sont beaucoup plus efficaces aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a une quinzaine d’années, on a voulu remettre à disposition ce patrimoine à travers un site internet. »

Comment procédez-vous ?

Éric : «  Avec Marc, on a beaucoup travaillé sur les archives, nous connaissons bien les fonds de l’ICA (Institut de la communication audiovisuelle, aujourd’hui fermé, NDLR) et ce que TNTV et RFO avaient produit  à l’époque… Donc c’était plus facile pour nous d’aller chercher et trier les vidéos car, dans la plupart des cas, non seulement on les connaît mais très souvent, on les a faites, moi en tant que producteur, Marc en tant que réalisateur. On sait ce qui est intéressant et où aller le chercher. Notre objectif, cette année, était de mettre en place une procédure qui nous permette de mettre en ligne le plus possible de vidéos et ce, de manière régulière. Les films sont traités et améliorés avec une intelligence artificielle, donc c’est quand même un processus qui est relativement long. Il y a beaucoup de vidéos dont la qualité est meilleure aujourd’hui, plus qu’elles ne l’étaient à l’époque ! »

Combien de vidéos avez-vous mises en ligne cette année ?

Éric : « Au lancement de Tahiti VOD en avril, il y en avait 250. Là, on va finir l’année avec 750 vidéos en ligne. C’est l’objectif qu’on s’était fixé. Puis on en mettra a minima 750 nouvelles chaque année. Si on peut en mettre plus, on le fera ; cela a quand même un coût et notre budget n’est pas sans limite. Mais on veut continuer à enrichir perpétuellement cette chaîne patrimoniale, qui est mise à la disposition de tous gratuitement. »

Combien y a-t-il d’utilisateurs sur la plateforme ?

Marc : À Mi-novembre, il y avait 6 222 inscrits. Il faut rentrer son adresse mail et choisir un mot de passe pour y accéder. Cela permet notamment de contrôler la bande passante et de tranquilliser les ayants droit. »

Quelle période couvrent les vidéos disponibles ?

Marc : « Les plus anciennes vidéos, que l’on vient d’avoir et qui seront mises en ligne pour la fin de l’année, proviennent du fonds Roger Parry. Elles datent de 1931. Les plus récentes se situent aux alentours de 2010. Il peut y avoir quelques exceptions mais on reste dans l’idée du patrimoine, on ne veut pas concurrencer les chaînes de télévision. »

Quels types de contenus peut-on trouver aujourd’hui ?

Marc : « Il y a toujours un côté patrimonial, historique et culturel, avec un peu de sport et de culturel aussi, parce que ça fait partie de la vie locale. Il n’y a pas de politique ni d’actualités, ce n’est pas notre propos. »

Éric : « Dans le cadre de la Hawaiki Nui (qui s’est tenue le mois dernier, NDLR), on a mis en ligne les premières courses de 1993 et 1995, ainsi qu’un petit sujet qu’on avait fait sur Pirae Va΄a Mobil à cette occasion. Ce sont des archives qui ont pratiquement trente ans. On essaye à chaque fois de coller à l’actualité, par exemple récemment, quand il y a de la danse, avec le Hura Tapairu. »

Avez-vous prévu une programmation spéciale pour Noël?

Marc : « Oui, on a une dizaine de produits pour Noël. Ce ne sont pas des fictions mais il y a des clips musicaux, une messe, des émissions protestantes qu’on faisait à l’époque à l’ICA, des chants de Noël, des textes… J’aurais bien aimé mettre l’émission “Zigzag du Père Noël” mais je ne l’ai pas encore retrouvée. Ce ne sera pas pour cette fois-ci ! »

Quelles sont les vidéos les plus regardées ?

Marc : « Les téléfilms de fiction. Ensuite, c’est assez homogène. Quand on publie quelque chose sur Facebook, on sait qu’on va avoir une dizaine de vues qui vont suivre. »

Éric : « Les vidéos de danse ont bien marché pendant le Heiva. Les films de Henri Hiro marchent bien aussi, mais ce sont aussi des fictions. La fiction fonctionne bien mais le problème, c’est qu’il n’y a pas énormément de films qui ont été tournés ici et pour lesquels on peut avoir des droits. On en a acheté quelques-uns à l’INA (Institut national de l’audiovisuel, NDLR) mais ça coûte cher. »

Quelles sont les nouveautés prévues en 2024 ?

Éric : « On va essayer d’améliorer la promotion de la plateforme au travers de deux choses : d’une part via Facebook, en publiant des extraits de vidéos, et d’autre part en utilisant le système de newsletter que permet la plateforme. Ça sera les deux grands axes sur lesquels on va travailler l’année prochaine. »

Marc : « On est en train de restaurer un film de Henri Hiro, Eulalie, qui doit être inédit depuis trente ans. Eulalie, c’est le prénom d’une femme de ménage de la Maison de la culture à l’époque qui, tout en passant le balai, se souvient de son île. On va le sortir début 2024. Il nous arrive aussi parfois de récupérer des vidéos par hasard, comme récemment avec le fonds Roger Parry. Voilà le genre de choses qu’on fait ! »

Éric: « L’idée, c’est aussi de permettre aux gens de se revoir, de voir leurs parents ou grands-parents. On a des images, des interviews de personnes qui ont disparu, des pans de l’histoire de la Polynésie… C’est ça qui est toujours extraordinaire.. ◆

Légendes

Recherche Tahiti VOD – clip musical.

Roger Parry à Ra’iātea – 1931.

Restauration Eulalie – Henri Hiro.