Hiro’a n°190 – L’œuvre du mois
L’œuvre du mois – Direction de la culture et du patrimoine – Te Papa Hiro’a ‘e Faufa ‘a tumu (DCP)
Un regard neuf porté sur les tāura
Rencontre avec James Tuera de la Direction de la culture et du patrimoine. Texte : Delphine Barrais
La Direction de la culture et du patrimoine publie des livrets gratuitement consultables. La collection « Te Hono ‘a U’i » compte déjà plusieurs parutions qui traitent, par exemple, des hīmene tārava ou encore de la plante ΄ava. C’est au tour des tāura mā΄ohi ou totems de faire l’objet d’une parution.
Le nouveau livret de la Direction de la culture et du patrimoine est intitulé Te Mau Tāura, la tradition des totems (ou esprits protecteurs). Sa sortie est prévue fin septembre. Tāura, tuputupuā, tūpāpa΄u, vārua ‘ino sont les termes qui désignent un revenant, un fantôme, un esprit malin ou bien un animal protecteur. Le tāura peut symboliser un clan, un peuple, un groupe dont la relation est fraternelle et respectueuse. Il est chargé de protéger le groupe de parenté auquel il est rattaché et avec lequel il entretient un lien fort. Les tāura sont associés, en Polynésie française, à des sites cérémoniels comme les marae. Ce sont des créatures marines comme des poissons, des requins ou des tortues. Aux temps anciens, ils pouvaient également inclure des espèces terrestres comme le cochon, le chien, le rat, mais aussi les insectes comme les grillons, papillons ou sauterelles. Le concept de tāura n’est pas propre à la Polynésie française, il existe ailleurs dans le Pacifique. Par exemple, des divinités semblables sont connues dans les îles hawaïennes sous le nom de kaula.
Archives et terrain
La nouvelle publication de la Direction de la culture et du patrimoine est le fruit d’un récolement de données. Ce livret, trilingue (français, reo tahiti, anglais), s’appuie sur l’expertise de l’archéologue Mark Eddowes qui a compilé des écrits relatifs à la thématique. Il a fouillé les archives. Il a également puisé dans son propre savoir issu d’enquêtes et découvertes de terrain. Il donne des exemples de totems zoomorphiques. Le zoomorphisme étant défini comme la tendance à attribuer à quelque chose des caractéristiques animales. Ce sont plutôt des animaux marins qui sont présentés. Ils sont l’incarnation de divinités polynésiennes ou de concepts polynésiens, au travers desquels le lien de l’homme avec le monde océanique était renforcé dans les temps anciens. « En soi, ce n’est pas un sujet nouveau, mais cette analyse peut apporter du nouveau dans l’ensemble des croyances et des pratiques populaires polynésiennes qu’on pourrait appeler le monde non matériel », commente James Tuera, responsable logistique de la DCP. Le livret a vocation à susciter des réflexions sur un thème qui reste peu décliné.
L’édition de ce livret a été pensée et initiée en 2022 lors des 20 ans du sanctuaire des mammifères marins incluant Tainui tea, la grande aire marine de Polynésie française. Il s’agit d’un espace protégé recouvrant l’ensemble de la Zone économique exclusive (ZEE). « Cela a été l’occasion de rappeler l’histoire des mesures de protection et de gestion durable, de défendre des concepts mā΄ohi de protection et de gestion des espaces et des espèces, le tout inspiré des savoirs et savoir-faire traditionnels », précise James Tuera. Le livret fait partie d’une collection qui traite de thématiques diverses, comme les hīmene tārava ou la plante ΄ava parus cette année. Au préalable, les parutions ont concerné des activités comme le temps du lever des Pléiades. Il y a eu également des dépliants relatifs à Taputapuātea. Le prochain aura pour sujet les teintes, les teintures et leur symbolique. ◆
PRATIQUE
• Le livret gratuit est disponible en téléchargement sur le lien : https://www.service-public.pf/dcp/livrets-a-theme/.
Il peut être consultable en version papier en salle de documentation à la Direction de la culture et du patrimoine, à Nu΄uroa, Punaauia.
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Mark Eddowes, archéologue, chercheur, auteur
Autorité et chercheur aujourd’hui reconnu en Polynésie, c’est Mark Eddowes qui a produit le contenu de ce livret. Originaire de Nouvelle-Zélande, il est arrivé pour la première fois à Tahiti en 1988 en tant qu’étudiant diplômé en anthropologie de l’université d’Auckland, invité à se joindre à une fouille sur la rive nord de l’île. Le projet a duré quatre ans. À l’issue de cette mission, Mark Eddowes, n’a pu se résoudre à rentrer, passionné par la Polynésie. Il a pris la direction de plusieurs fouilles archéologiques sur des sites anciens dans tout l’archipel de la Société, aux Australes et aux îles Marquises. En 1993, il est devenu assistant professeur d’archéologie et ethnohistoire à l’université française du Pacifique tout en continuant à étudier les vestiges culturels de la Polynésie, qu’il s’agisse de la vallée de la Papeno΄o, de l’île de Huahine à laquelle il porte une attention toute particulière, de Tetiaroa ou des îles Marquises. En 2006, il a reçu le titre de National Geographic expert en archéologie de la Polynésie française et aux Îles Cook. Il a également été invité à diriger un comité de recherche archéologique chargé de classer le site historique de Taputapuātea sur l’île de Ra’iātea en tant que site du patrimoine mondial de l’Unesco. En 2016, il a entrepris le chantier de restauration du site classé de Maha’iātea sur lequel il a passé cinq années. Il a poursuivi en même temps les restaurations des vestiges archéologiques de ΄Ōpūnohu à Mo΄orea et des marae de Huahine. Ses contributions à la connaissance des premières colonisations du sud de la Polynésie sont importantes. Ce livret participe à la diffusion de ces connaissances.