Hiro’a n°188 – L’œuvre du mois
Direction de la culture et du patrimoine – Te Papa hiro’a ‘e Faufa ’a tumu (DCP)
Faire connaitre les différentes voix des tārava
Rencontre avec Mike Teissier, responsable de la cellule des langues polynésiennes à la Direction de la culture et du patrimoine. Texte : Lucie Rabréaud – Visuels : DCP
La Direction de la culture et du patrimoine a édité un deuxième livret, après celui sur le ΄ava ou kava, dédié cette fois aux hīmene tārava. L’auteur, Mike Teissier, responsable de la cellule des langues polynésiennes et ancien enseignant en chant au Conservatoire, souhaitait mieux faire connaitre la variété et la richesse de ces chants traditionnels.
Alors que les groupes de chants faisaient résonner leurs voix dans l’enceinte de To΄atā à l’occasion du Heiva i Tahiti, la Direction de la culture et du patrimoine a édité un livret sur les hīmene tārava. Distribué gratuitement au public et en téléchargement libre sur le site de l’établissement (www.service-public.pf/ dcp), il permet de mieux comprendre l’histoire de ces chants traditionnels, leur fonction et leurs spécificités en fonction de leurs aires géographiques. « L’objectif était de mettre en avant tous les noms vernaculaires utilisés dans le domaine du hīmene pour décrire les différentes voix, les connues et les autres. Dans chaque tārava, il y a des voix semblables mais qui ne sont pas appelées de la même manière. Par exemple, en tārava Tuhaa Pae, le hā΄ū est appelé le marū pua΄atoro. » Pour chaque tārava, l’auteur, Mike Teissier, responsable de la cellule des langues polynésiennes et ancien enseignant en chant au Conservatoire, donne les noms des voix et leur ordre d’arrivée, leur fonction, leur force, leur puissance, leur genre aussi. « C’est important d’expliquer ce que sont les hīmene tārava, sinon on va tout simplement les oublier. Les chanteurs eux-mêmes ne connaissent pas le nom de toutes ces voix. Enseigner ces noms au public et aux chanteurs, c’est un minimum pour que tous soient conscients de la richesse des tārava. »
Un trésor sonore à préserver
Mike Teissier, grand passionné et connaisseur des chants, se désole quand il entend que « les hīmene, c’est pour les vieux. Mais pas du tout ! Les chants sont un bon moyen pour véhiculer les langues vernaculaires. Aujourd’hui au Heiva i Tahiti, pour participer à un groupe de chant, il faut avoir 16 ans minimum. Moi j’ai chanté au Heiva, j’avais 11 ans ! Il n’y avait pas de limite d’âge à l’époque. J’ai suivi mes tantes, j’ai fait le hā΄ū et ça m’a plu. Je voyais les perepere au-dessus de moi. Il faut s’y prendre très tôt pour éveiller l’intérêt des jeunes. Si on ne le fait pas, à 14-15 ans, ils ont honte et ils ne veulent pas venir. Il faut s’y prendre tôt. Pourquoi il n’y a pas de Heiva des écoles en chant ? Les enfants sont bercés par les tārava, il faut juste donner une impulsion ! »
Ce livret permet d’éveiller la curiosité des novices aussi bien que de renforcer les connaissances des confirmés. « Avec la description des voix des trois tārava, la personne qui connait bien le tārava Tahiti peut apprendre des choses sur le tārava Raromata΄i ou Tuha΄a Pae ou inversement. »
Pour Mike Teissier, ce livret va contribuer à la préservation des hīmene tārava : « C’est un trésor sonore. Nos anciens chantaient comme ça bien avant l’arrivée des Européens. S’il y a bien un art qu’on continue à utiliser, ce sont bien les chants. On retourne en arrière en chantant les hīmene. Bien sûr, le tārava n’a pas cessé d’évoluer. Ces apports des missionnaires sont devenus des traditions aujourd’hui, on est en perpétuelle évolution, mais la mélodie initiale des tārava reste figée, donc les voix restent figées. » D’autres livrets sur d’autres chants feront partie des projets de la DCP. « Le public est chanceux ! À l’époque j’aurais aimé tomber sur un livre comme ça et vite apprendre ! Tout ce qui est là, c’est dix ans d’expérimentation avec différents groupes, c’est mon vécu personnel. Ce sont aussi mes lectures, mes rencontres avec les personnes ressources », conclut, enthousiaste, son auteur. ◆