Hiro’a n°186 – Trésor de Polynésie

Trésor de Polynésie – e Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des îles (MTI)

Les sept pièces uniques de Cambridge

Rencontre avec Marine Vallée, assistante de conservation au Te Fare Iamanaha.

Texte et photos : Lucie Rabréaud

Une vingtaine de pièces ont été prêtées par le Musée du quai Branly – Jacques Chirac, par le Musée d’Archéologie et d’Anthropologie de Cambridge et le British Museum. Si l’intérêt médiatique et public s’est porté sur les plus connus comme la sculpture A΄a, le costume du deuilleur ou encore la représentation du dieu Rongo, les sept objets de Cambridge méritent notre attention.

Sept pièces ont été prêtées au Te Fare Iamanaha par le Museum of Archeology and Anthropology de Cambridge pour trois années. Deux ornements d’oreille, un tambour, un linteau sculpté, un maillet à tatouer, une lampe en pierre et un to΄o. « Tous ces objets ont été choisis par le Musée de Tahiti et des îles, avec l’accord du Musée d’Archéologie et d’Anthropologie de Cambridge, en fonction de leur état de conservation qui pouvait ou non supporter un transport et un prêt de longue durée », explique Marine Vallée, assistante de conservation au Te Fare Iamanaha. Car évidemment, déplacer de tels objets est un défi et leur état peut être un obstacle le voyage étant particulièrement long et les possibilités de restauration moins accessibles qu’en Europe.

En juillet 2022, la direction du musée avait accueilli Sir Nicholas Thomas pour une visite du chantier. Le directeur du Museum de Cambridge, personnalité reconnue pour son expertise des collections océaniennes, a tout de suite apporté son soutien aux sollicitations du Musée de Tahiti et des îles pour recevoir des pièces et les exposer dans sa nouvelle salle. À l’occasion de sa visite, les modalités de  convoiement et d’installation des pièces avaient été évoquées avec les équipes de conservation. « Comme pour tout prêt, il s’agissait de fournir les éléments prouvant que ces objets allaient être conservés selon les normes internationales, puis organiser la logistique quant à leur convoiement, qui s’est opéré en partenariat avec le British Museum. » Ces sept pièces ont été choisies également par rapport à leur intérêt historique et culturel : « Le choix des objets s’est porté sur des éléments qui ne sont pas illustrés dans les collections du Musée, qui représentent un intérêt patrimonial important par leur caractère unique, ou encore parce qu’ils renvoient à des collectes anciennes, liées notamment aux voyages du Capitaine Cook. » Cinq d’entre eux sont associés avec certitude aux voyages du Capitaine Cook. La lampe en pierre est liée aux collectes missionnaires de la London Missionary Society, notamment celles de George Bennet, et le to΄o a été acquis par le Musée de Cambridge au début du XXe siècle lors d’une vente aux enchères de la maison Freeman. « On manque d’informations sur une provenance claire de cette pièce mais elle renvoie typiquement aux collectes missionnaires des premières décennies du XIXe siècle. On sait que Pōmare II, suite à sa conversion au christianisme, s’était séparé de plusieurs effigies qu’il avait remises aux missionnaires ou détruites. »

 Au-delà du prêt des pièces, l’intérêt est de diversifier les coopérations scientifiques, comme l’avait déjà expliqué la directrice du Te Fare Iamanaha : « C’est une collaboration qui va dans les deux sens : les Polynésiens ont des savoirs et les musées attendent leurs avis, leurs remarques. Pouvoir observer les pièces de visu est une possibilité de mieux les connaitre, pour nous et pour eux. » Et effectivement, toute l’équipe de conservation espère que les publics, artistes et les chercheurs, viendront admirer ces objets. ◆

PRATIQUE

• Le Musée est ouvert du mardi au dimanche, de 9 heures à 17 heures.

• La journée du mardi (ouvert de 8 heures à 16 heures) est destinée aux scolaires, aux groupes et aux associations culturelles qui doivent réserver leur visite. Pour réserver, les scolaires doivent aller sur le site internet où se trouve un fichier de réservation à remplir. Pour les groupes et les associations, il faut adresser un mail à [email protected]

• Billetterie en ligne ou sur place.

• Entrée : 1 000 Fcfp pour les adultes et gratuit pour les moins de 18 ans et les étudiants.

• Audioguide (français, anglais, espagnol et tahitien) : 500 Fcfp sauf celui en tahitien qui est gratuit.

• Les visites guidées ont repris : une semaine sur deux, le samedi ou le mercredi, de 10 heures à 11h30. Il faut réserver à l’avance car elles sont limitées à 25 personnes.

• Tarif : 2 000 Fcfp pour les adultes et 1 000 Fcfp pour les moins de 18 ans et les étudiants.

• https://billetterie.museetahiti.pf/index.php?page=events

Légendes

Ornement d’oreille. Îles de la Société. Perles (Pinctada maxima) et cheveux humains. Premier voyage de Cook. Collection Trinity College. Et ornement d’oreille composé de trois graines de pitipiti΄ō (Abrus precatorius) et cheveux humains. Îles de la Société. Premier voyage de Cook. Collection Trinity College.

« Aux îles de la Société, les ornements d’oreille en perles (poe), étaient de grande valeur et portés par les femmes de haut rang, à une seule oreille. Joseph Banks mentionne ses vaines tentatives d’acquérir un ornement en perle de ce type malgré son offre de l’échanger contre quatre cochons (N. Thomas et al, Artefacts of Encounters, Dunedin, Otago University Press, 2016, 300). »

Lampe en pierre. Îles de la Société. Roche volcanique, fibres végétales (pandanus, Pandanus tectorius ou banane plantain, Musa troglodytarum). Collecté par G. Bennet, London Missionary Society.

Maillet à tatouer. Îles de la Société. Bois (Ficus sp. ou bois de fer, Casuarina equisetifolia). Collecte liée aux voyages de Cook.

« Ce maillet et plusieurs peignes à tatouer auxquels il est associé dans les collections du Musée d’Archéologie et d’Anthropologie de Cambridge, ont peut-être été remis par leur propriétaire tatoueur, soit à l’un des participants aux voyages de Cook, soit à Cook lui-même. En effet, celui-ci le remit ensuite au comte Sandwich, son mécène, qui en fit, par la suite, don au Trinity College à Cambridge, avant qu’il ne soit plus tard transféré au Musée d’Archéologie et d’Anthropologie de Cambridge (voir N. Thomas in Artefacts of Encounters, 2016 : 97). »

Linteau sculpté. Tahiti. Bois (Ficus sp.). Premier voyage de Cook. Collection Trinity College. 

« Ce linteau sculpté a été collecté en 1769 à Tahiti lors de la première expédition de James Cook. Il serait ainsi la première sculpture figurative recueillie par un Européen en Océanie. Son usage n’est pas clairement établi mais l’on pense qu’il s’agit d’un fragment de sculpture, surmontant la porte d’entrée de la maison d’un personnage de haut rang. Elle est datée de la toute fin du XVIIe ou début XVIIIe siècle de notre ère.

Ce linteau représente deux figures anthropomorphes et la troisième est probablement un chien. Il constitue un objet unique dont aucun autre exemplaire n’a jamais été collecté. La rangée de chevrons qui orne sa partie inférieure se retrouve sur des planches et poutres sculptées des îles Australes.

S’il est certain qu’il a été collecté à Tahiti, l’objet pourrait avoir été réalisé par un sculpteur de l’archipel des Australes. Il attesterait de la proximité des styles artistiques entre les archipels de la Société et des Australes aux XVIIe et début du XVIIIe siècle. De larges réseaux d’alliances et d’échanges de biens et de personnes existaient alors entre ces îles. »

To΄o, effigie divine. Fibres végétales (bourre de coco, Cocos nucifera), bois (Ficus sp.) ou bois de fer (Casuarina equisetifolia).

Tambour. Îles de la Société. Bois (pu΄a Fragraea berteroana ou revaCerbera manghas), peau de requin, fibres végétales (bourre de coco). Premier voyage de Cook. Collection Trinity College.

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