Hiro’a n°186 – Le saviez-vous ?
Le saviez-vous ? – Service de l’Artisanat traditionnel – Te pū ohipa rima΄ī (ART )
Raviver la créativité et les techniques grâce aux formations
Rencontre avec Marielle Gausserand, chargée du développement et d’animation au service de l’artisanat tra ditionnel et Vanessa Cuneo, responsable développement,
animation et contrôle, en charge de la communication. Texte : Lucie Rabréaud – Photos : ART
Trois formations sur des techniques artisanales se sont déroulées dans les îles au mois d’avril et mai. Le Service de l’artisanat espère ainsi « raviver la créativité et apporter un souffle nouveau » au secteur. Des formations générales de gestion de son activité sont également proposées pour accompagner les artisans dans leur professionnalisation.
La première formation sur des techniques de l’artisanat s’est déroulée à Fatu Iva, aux Marquises, du 27 mars au 6 avril. Quatorze stagiaires ont découvert ou se sont perfectionnés à la gravure sur os. « C’est la présidente de l’association qui regroupe les artisans qui avait constaté que ce savoir-faire se perdait sur son île. Elle a souhaité qu’on mette en place cette formation pour raviver cette pratique et remettre ce savoir-faire au goût du jour », explique Marielle Gausserand, chargée du développement et d’animation au Service de l’artisanat traditionnel. C’est ainsi que les thèmes de ces formations, proposées régulièrement par le service, sont choisis. Les associations font remonter des besoins et le service reste attentif aux problématiques du secteur comme une pénurie de matière première ou la disparition d’une technique. Le formateur qui s’est déplacé à Fatu Iva n’a pas eu à aller très loin, car il est originaire de la vallée où s’est déroulée la formation.
Sur Ahe, c’est Mareva Orbeck, artisane experte dans l’utilisation de coquillages, qui a animé la session dédiée aux coquillages. Du 3 au 14 avril, 22 stagiaires ont suivi ses conseils. Ici également c’est la présidente de l’association locale qui a demandé cet axe de formation. Les participants sont d’abord allés faire du repérage sur les plages, ramasser les coquillages, les morceaux de nacre cassés avant d’apprendre à les nettoyer et confectionner de la décoration, des bijoux. « Ils ont découvert par exemple l’effet coloré de certaines petites nacres qu’ils n’utilisaient jamais auparavant. Un savoir-faire nouveau pour eux et facile à mettre en place car la matière est là, chez eux. » C’est exactement ce qui est recherché par le Service de l’artisanat avec ces formations : « Proposer de nouvelles techniques, raviver la créativité et apporter un souffle nouveau » au secteur. « À la fin de la formation sur Ahe, une exposition a été organisée à la mairie où les participants ont montré tout ce qu’ils avaient créé pendant ces journées de formation. Il y avait des pièces de toutes sortes : des diadèmes, des lampes, des miroirs… » raconte Vanessa Cuneo, chargée du développement, d’animation et contrôle, en charge de la communication. Ils ont également appris à utiliser le kere dans leurs créations mais également pour les emballer. « C’est merveilleux quand on voit qu’ils sont heureux et satisfaits. » De quoi effectivement remotiver tout un secteur ! Le Service de l’artisanat assure également un suivi des participants. Ils doivent répondre à un questionnaire utilisé par le service pour adapter les formations et les modifier si besoin. Suite aux formations, ils viennent présenter leur travail sur les salons organisés à Tahiti. « C’est pour cette raison que les formations sont organisées en début d’année, pour qu’ils soient prêts pour les salons. Nous attendons des résultats concrets avec leur production et eux aussi ont des résultats avec des techniques qui leur permettent de laisser libre cours à leur création et leur imagination. » Des objets originaux, travaillés et sophistiqués : c’est l’assurance de faire des ventes.
Les formations concernent aussi la préparation des matières premières comme le nī’au blanc ou la fibre de coco. Les pénuries dans le pandanus et la difficulté à trouver du nī’au blanc ont poussé le Service de l’artisanat à proposer une formation sur la préparation et l’utilisation de cette matière très délicate. « C’est important de maintenir ces savoir-faire et surtout d’expliquer les bonnes méthodes de découpe des feuilles, car si c’est mal fait on peut tuer le cocotier. » Le nī’au blanc est utilisé pour des coiffes, des colliers, des couronnes, des chapeaux… Le tressage est très fin. « Ce sont des matières longues à préparer et donc un peu laissées de côté. » Une formation spécifique sur cette matière doit avoir lieu sur l’île de Niau en août prochain. Au mois de mai, sur l’île de Anaa, c’est le tressage raraga mātua qui a été enseigné à treize personnes. Un tressage très particulier avec lequel on peut faire des objets beaux et solides. C’est Tevahine Teariki, experte dans cette technique, qui se déplace pour l’enseigner. Quatre formations techniques auront lieu en 2023. « Cela permet de donner un coup de pouce aux artisans. Ces formations sont ouvertes à tous : les personnes qui n’y connaissent rien comme celles qui souhaitent se perfectionner. Il y a un aspect insertion professionnelle pour les nouveaux artisans qui se lancent. » Le programme de formation est établi en concertation avec les associations d’artisans chaque fin d’année. ◆
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Des formations générales pour gérer son activité
Le Service de l’artisanat traditionnel propose également des formations générales pour apprendre ou mieux gérer son activité. Comptabilité, communication, technique de vente étaient les trois modules de l’année 2022. Cette année, la création d’une TPE a remplacé la communication. Ces modules de trois heures chacun se tiennent sur les salons historiques, les grands événements artisanaux récurrents que sont les salons des Marquises, des Australes, des Tuamotu-Gambier et Te Noera a te Rima’i. Les artisans viennent exposer et peuvent également profiter de ces formations. « Cela nous permet ainsi de toucher les artisans des îles. » Ce sont des centres de formation de Tahiti, Activ Result et Api Formation, qui assurent les modules. Ils sont ouverts à tous : les jeunes qui se lancent comme les anciens bien assis dans la profession. « Parfois, les artisans sont en association alors que leur chiffre d’affaires leur permettrait de prendre une patente. C’est une démarche assez lourde et certains sont mal renseignés ou ne se sentent pas capables d’affronter ces enjeux. Ces formations sont faites pour les informer de leurs obligations et les accompagner pour sauter le pas. » Une fois qu’ils sont patentés, d’autres aides se mettent en place et d’autres formations également pour approfondir ces sujets. « Les formations sur les salons plaisent beaucoup et nous avons de très bons retours. Ils sont un peu sceptiques au début puis ils se rendent compte de la vraie plus-value pour leur activité. Certains reconnaissent qu’ils en ont vraiment besoin. C’est satisfaisant d’entendre ces retours », explique Vanessa Cuneo. Et le Service de l’artisanat reste à l’écoute en modifiant, si nécessaire, les formations en fonction des besoins des artisans.