Hiro’a n°183 – Trésor de Polynésie
Trésor de Polynésie – Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha Faufa΄a Tupuna
« Henry Adams et les Mémoires de Ariitaimai », un colloque inclusif à l’université
Rencontre avec Florent Atem, maitre de conférences en langues et littérature anglaise et anglo-saxonnes, spécialiste de civilisation américaine l’université de la Polynésie française. Texte : Paumine Stasi – Photos : archives
Spécialistes émérites internationaux, chercheurs locaux et même descendants de Ariitaimai, tous étaient réunis à l’université de la Polynésie française du 27 février au 2 mars à l’occasion du colloque international, intitulé « Henry Adams et les Mémoires de Ariitaimai ». Centré sur l’œuvre autobiographique de l’illustre descendante du puissant clan des Teva et de l’historien Henry Adams, cet événement d’envergure se démarque par son côté inclusif.
Pendant quatre jours, du 27 février au 2 mars, les noms de la cheffesse polynésienne Ariitaimai et de l’écrivain américain Henry Adams ont résonné à de nombreuses reprises dans l’amphithéâtre de l’université de la Polynésie française (UPF) à l’occasion du grand colloque international « Henry Adams et les Mémoires de Ariitaimai ». Rédigés par l’auteur américain, ces mémoires de la cheffesse constituent l’un des documents importants de l’historiographie tahitienne, autant par son intérêt informatif, culturel, que littéraire. Loin d’être un colloque organisé sous un format « classique » habituel, cet événement d’envergure se démarque par le côté totalement inclusif qu’ont souhaité lui donner Florent et Carole Atem, en faisant intervenir des personnes aux profils divers et issues d’horizons variés.
Perspectives américaine, océanienne et francophone
Parmi la quinzaine d’intervenants, étaient présents quatre professeurs d’universités nord-américaines, une universitaire de Hawaii, ainsi que plusieurs enseignants chercheurs et doctorants de l’université de la Polynésie française. Leurs origines mettent en exergue les perspectives américaine, océanienne et francophone et permettent d’aborder des thématiques de recherche en civilisation, histoire, littérature et éducation. « Ce colloque est l’occasion pour ces différents intervenants de présenter le résultat de leurs plus récentes recherches sur la personnalité de Ariitaimai et son statut de grande dame de la société polynésienne, ainsi que son rôle politique qui a déterminé le cours de l’histoire de son pays, la genèse des mémoires et la technique narrative utilisée par l’auteur, sans oublier les circonstances qui ont motivé le périple dans les mers du Sud de l’historien américain », précise Florent Atem, spécialiste de civilisation américaine à l’UPF. Outre ces professeurs, chercheurs et doctorants, de nombreux descendants de la cheffesse Ariitaimai étaient également présents : « Nous avons aussi le privilège d’accueillir des descendants de l’illustre cheffesse des Teva et de la reine Marauta΄aroa, pour dévoiler à l’occasion de ce colloque des éléments extraits de leur patrimoine familial, jusqu’à présent absents de l’historiographie polynésienne », indique l’expert, espérant que ces dialogues et échanges puissent, pourquoi pas, faire l’objet de nouvelles recherches. ◆
PRATIQUE
• Colloque international « Henry Adams et les Mémoires de Ariitaimai »
• Trois journées de communication :
Lundi 27 février : accueil, cérémonie d’ouverture
Mardi 28 février et mercredi 1er mars , Amphithéâtre Hina-marama (A1) de l’université de la Polynésie française.
Jeudi 2 mars : Sortie culturelle, visite des sites historiques à Papara en rapport avec les Mémoires de Ariitaimai.
HT
Par Carole Atem, maitre de conférences en Langue et littérature françaises à l’université de la Polynésie française
Ari΄itaimai, dernière cheffesse du clan des Teva
Née en décembre 1821 à Papeari et décédée le 24 juin 1897 à Papeete à l’âge de soixante-quinze ans, Ari΄itaimai était la petite-fille du grand Chef Tati par son père Tapua Ta΄aroa ΄i te ra΄i Maru, et la descendante du grand Chef de Moorea par sa mère Ari΄imanihinihi a Marama.
Adoptée par la veuve du roi Pomare II, Teremoemoe, dite aussi Teri΄itaria, elle devint la sœur adoptive de Pomare III et de la future reine Pomare IV, ΄Aimata, avec qui elle entretint toujours des liens affectifs étroits. C’est lors de son mariage, en 1842, avec Alexander Salmon, commerçant londonien d’origine juive arrivé à Tahiti l’année précédente, que le nom de Ari΄itaimai, « Prince venu de la mer », fut donné aux deux époux, conformément à la coutume tahitienne, et que celui de Ari΄itaimai Vahine fut particulièrement attribué à la cheffesse du clan des Teva. Pour permettre le mariage de sa soeur adoptive avec le marchand anglais, la reine Pomare IV dut d’ailleurs lever pendant trois jours l’interdit de la loi du 1er mars 1837, qui n’autorisait pas les unions entre Européens et autochtones. Cheffesse des districts de Ha΄apiti et Teavaro à Mo΄orea, Ari΄itaimai succéda à son père en 1855 à la tête du district de Papara, dont elle assura le développement par son mode de gouvernance favorable aux relations avec l’extérieur. Elle s’illustra par divers traits de générosité qui témoignent de sa politique d’ouverture et d’échange, comme le don de plusieurs parcelles de terre à l’Église protestante et la cession d’un terrain destiné à l’installation du consulat américain. Elle reste, à plusieurs titres, une figure remarquable de l’histoire tahitienne : au rang élevé qu’elle occupa dans la dynastie des Teva, à la prospérité .économique qu’elle sut instaurer dans ses terres, s’ajoute son influence pacificatrice déterminante dans les moments de crise qui jalonnèrent le processus de l’implantation française. Dès l’époque de l’établissement du Protectorat français, elle joua un rôle politique et diplomatique important : en 1842, pendant la période qui se solda par la signature du traité, c’est elle qui servit de médiatrice entre les représentants de la France et la reine Pomare IV, alors exilée volontaire à Mo΄orea. En 1846, elle mena encore avec succès les négociations indispensables au retour de la paix lorsque culminèrent les tensions qui opposaient le gouverneur Bruat aux chefs tahitiens. En l’absence de la reine, réfugiée à Ra΄iatea, elle refusa la couronne de Tahiti que lui proposait le gouverneur Bruat, et accepta d’être son intermédiaire auprès des souverains des îles Sous-le-Vent ainsi que de la reine elle-même, qu’elle parvint à convaincre de revenir à Tahiti. Ari΄itaimai et Alexander Salmon eurent neufs enfants ensemble.