Hiro’a n°179 – Un visage, des savoirs
Un visage, des savoirs
SERVICE DE L’ARTISANAT TRADITIONNEL – PU OHIPA RIMA’I (ART)
Rencontre avec FabiolaTupana, artisane. Texte et photos : Lucie Rabréaud
« J’ai tout appris toute seule »
Fabiola Tupana participe à l’opération ΄Ete. Couturière depuis toujours mais dans le tressage du pandanus depuis une dizaine d’années, elle a tout appris toute seule, en observant, faisant et défaisant.
Elle en est encore toute contente. Les derniers ateliers qu’elle a animés ont été un vrai succès : « Cinquante-six personnes étaient présentes !, raconte-t-elle, ravie. Ça me conforte dans l’idée que les gens sont intéressés et veulent apprendre. C’est important de voir des gens s’attacher à notre travail. » Tous ces participants étaient venus à la Maison de la culture pour apprendre le tressage du pandanus et fabriquer un panier marché avec Fabiola Tupana. Si elle aime tant ces moments, c’est qu’elle n’a pas eu cette chance d’avoir un professeur. Ses grands-parents paternels sont des Australes et sa grand-mère vivait du tressage à Rurutu ; malgré les demandes de sa petitefille, pas question de le lui enseigner. Si Fabiola veut connaitre ce savoir-faire, elle doit se débrouiller toute seule. « J’avais envie d’apprendre mais je ne savais où aller. » Elle laisse tomber pendant plusieurs années et se met à la couture, mais on lui fait la même réponse : « Mes deux tantes couturières ont refusé de m’aider. Elles m’ont dit de prendre une robe, de tout découdre et de refaire toute seule. Je ne les ai pas écoutées, j’étais très déçue et fâchée. » Mais cette fois, elle s’accroche. Elle achète des mètres de tissu à bas prix et commence à coudre, seule. Elle se débrouille et finit par y arriver et devenir couturière. Alors qu’elle tient un stand à la mairie de Papeete qui organise une exposition des artisans en 2012, elle voit des mamies tresser et de nouveau son envie d’apprendre refait surface. « J’ai bien regardé, tout observé puis je suis allée acheter mon matériel et j’ai tressé. J’y ai passé la nuit mais j’ai réussi. » Le premier panier marché terminé, elle ne s’est plus arrêtée. Aujourd’hui, elle fait un peu de tout : couture, tressage, bijoux, tīfaifai… « Tous les savoir-faire que je connais, je les ai acquis seule. Je me suis débrouillée. J’aurais aimé que l’on m’apprenne. Quand je parle aux personnes âgées de l’artisanat, elles me disent que c’est de cette façon qu’elles-mêmes ont appris. » Mais ce n’est pas pour autant qu’elle approuve cette pédagogie à l’ancienne. Désormais, elle anime des stands et quand on lui demande d’apprendre, elle enseigne avec plaisir. « Je n’ai pas envie de refuser aux gens de transmettre un savoir-faire, ce que j’ai moi-même vécu. Mes grands-parents ne m’ont pas donné leur savoir-faire et c’est dommage. » Des choses se perdent… Fabiola voit bien certains artisans refuser de transmettre par peur d’être volés mais elle voit aussi l’importance, pour ces personnes venues apprendre, le travail qui se cache derrière une pièce. Elle rigole en repensant à ces élèves des derniers ateliers : « Pour certains, c’est difficile, mais pour d’autres, ça va tout seul. Je ne suis jamais fiu mais ce sont eux qui sont fiu de moi car je passe mon temps à répéter ! » Et sa grande fierté est d’avoir vu ces deux petites-filles animer les ateliers de tressage en nī΄au. Chez Fabiola, la transmission est bien assurée.
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