Hiro’a n°177 – Trésor de Polynésie
Trésor de Polynésie
Rencontre avec Jayson Tuihaa, chef de bureau du DPAMI au Service du patrimoine archivistique et audiovisuel. Source Archipol n°17 – Fonds d’archives conservés au SPAA
En ce mois de juillet, nombreux sont les Polynésiennes et les Polynésiens qui vivent au rythme des festivités du Heiva i Tahiti. Danse, chants, sports traditionnels, courses de va’a, courses hippiques… les manifestations sont nombreuses ; mais saviez-vous qu’elles évoluent au fil des ans, certaines même disparaissant. Autrefois, parmi les grands rendez-vous des Fêtes du Tiurai, aujourd’hui dénommées Heiva i Tahiti, il y avait la parade des pirogues ornées. Chaque commune concourait pour la plus belle embarcation devant un public enthousiaste.
La pirogue a toujours été un élément important des festivités de juillet. Bien avant les fêtes annuelles et patriotiques insufflées par les Européens, la pirogue était d’ailleurs déjà en bonne place dans les célébrations polynésiennes. Si aujourd’hui ce sont les courses de V1 à V16 qui retiennent notre attention pendant le Heiva i Tahiti, il existait autrefois des concours de pirogues doubles ornées, à l’image des chars de carnaval, mais paradant sur l’eau. Dans l’Archipol numéro 17 consacré aux origines du Heiva i Tahiti, plusieurs témoignages documentent cette manifestation décrite pour la première fois en 1892 dans Le Message de Tahiti de Léonce Brault (no 416 du 23/07/1892) : « Le 13 à trois heures de l’après-midi ont commencé les réjouissances par l’exhibition et la promenade en rade des pirogues doubles, montées par quarante rameurs, hommes ou femmes. Deux partis se présentent : Paea, dont l’équipage nautique est recouvert d’un dais gracieux en écorces de purau effilées en manière de franges et teintes d’une couleur semblable au safran très prisée de la population indigène, pour laquelle le jaune est un culte. »
Un succès populaire
La parade des pirogues doubles ornées est très appréciée de la population qui semble venir nombreuse pour admirer, commenter et surtout soutenir son district : c’était le véritable clou du spectacle sur le port de Papeete. En 1895, voici ce qu’on raconte : « 4heures – la foule se précipite vers le quai de la Manutention. Ce sont les pirogues doubles qui arrivent, superbement décorées et montées chacune, ainsi que le veut le programme, par 40 indigènes au moins, hommes et femmes, costumés à l’ancienne mode du pays. »
Les embarcations représentant vraisemblablement des scènes de vie, des paysages de districts, des héros légendaires, etc, hauts en couleurs devaient défiler devant une tribune où siégeaient les arbitres du concours. Il s’agissait pour ces derniers d’admirer et de noter les détails, sans doute de façon très subjective. Parmi ces détails, on retrouve généralement une représentation animale. En 1892, dans son compte-rendu Le Message de Tahiti décrit ainsi les pirogues de Pā’ea et Mo’orea : « sur le dais, plane un énorme oiseau, génie symbolique du district de Paea, battant des ailes d’un mouvement mécanique régulier. A l’avant un quadrupède de chien ou mouton également de dimensions fantastiques repose sur les deux pirogues. Le deuxième parti provient de Moorea : pirogue à peu près semblable à celle de Paea, moins le dais. L’animal symbolique tient du cheval et les rameurs sont uniformément recouverts de costumes indigènes en écorce de purau. »
En 1948, les concours de pirogues doubles ornées étaient encore au programme des festivités de juillet ; qui sait si ces embarcations, véritables petites îles flottantes ne feront pas à nouveau leur entrée dans le port de Papeete pour porter haut les couleurs d’une commune, d’un quartier.
