Hiro’a n°177 – Dossier
Dossier
Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui
Service de l’Artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa rima΄i
Rencontre avec Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la Culture, Manouche Lehartel, présidente du jury du Heiva i Tahiti 2022, Yann Teagai, directeur de la Maison de la culture, Rodolphe Apuarii, président de la Fédération tahitienne de va΄a, Leilanie Laughlin, secrétaire de la Fédération des jeux et sports traditionnels. Texte : Lucie Rabréaud – Photos :
Le Heiva i Tahiti est de retour !
Enfin ! Après une annulation en 2020 et l’absence de concours en 2021 remplacé par un festival, c’est un grand soulagement de retrouver un Heiva i Tahiti dans sa forme classique : concours de chants et de danses, artisanat, tū΄aro mā΄ohi, courses hippiques, va΄a… Une édition qui promet d’être enthousiasmante. De quoi effacer les mauvais souvenirs de la pandémie.
Le ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu avait le sourire ce mardi 24 mai lors de la conférence de presse à la Maison de la culture. Il pouvait enfin annoncer le retour du Heiva i Tahiti. Le festival existe depuis 1881 et les années 2020 et 2021 ne sont pas les seules années difficiles pour ce grand rendez-vous culturel : la grippe espagnole, les deux guerres mondiales, des événements qui ont également eu des répercussions. En 2020, annuler le Heiva a été « une décision difficile à prendre », puis en 2021, la situation était encore trop incertaine pour organiser un concours, mais un festival a pu se tenir sur To΄atā, permettant aux artistes et au public de se régaler de chants et de danses. Mais ça y est, la situation s’est apaisée et le Heiva i Tahiti peut de nouveau se tenir dans sa forme classique. « On est content de retrouver To΄atā avec ces formations et je remercie les groupes qui vont faire battre à nouveau le cœur du Heiva, le cœur de la Polynésie », affirme le ministre. Pour lui, « le Heiva i Tahiti est une rencontre tout en émotion. Une rencontre avec nous-mêmes. C’est un plongeon dans notre culture séculaire, faite de grâce et de vivacité, de festivités et de compétitions, de diversité et d’unité. Des dualités certes, qui nous rassemblent pourtant : le Heiva i Tahiti est assurément la plus belle expression de la culture polynésienne. Le temps est venu de lui redonner toute sa place ! »
Cette année, 19 groupes sont inscrits au concours : 10 formations en chant et 9 en danse, ce qui représente près de 2 500 artistes ! Cinq soirées sont programmées et la première s’ouvrira avec la cérémonie du Rāhiri. « Les inscriptions ont été ouvertes en septembre et nous n’étions pas encore tirés d’affaire à propos de la Covid. Plusieurs groupes qui avaient des velléités de se présenter ont dû renoncer », précise Manouchel Lehartel, présidente du jury, satisfaite du nombre de groupes participants. « C’est encore plus difficile que d’habitude. Certains ont attendu que le ciel soit complètement éclairci pour être sûr que la compétition ait lieu. Le temps s’est rétréci et donc ils sont tous à fond. Ce sera juste magique car ils sont extrêmement motivés. » Pour Heremoana Maamaatuaiahutapu, ces artistes, qu’ils soient auteur, chorégraphe, musicien, chanteur, danseur, ΄ōrero, mais aussi costumier- designer, fournisseur de matière première, fabricant d’instrument comme de décors, sont « les gardiens de notre culture qui tissent inlassablement des liens intemporels entre notre passé et aujourd’hui. Ils nous enracinent et nous enrichissent dans notre identité ».
Refonte du règlement
Les deux années sans Heiva n’ont pas été perdues, elles ont favorisé une refonte du règlement. Un travail mené avec tous les chefs de groupe et une longue réflexion qui a permis de se mettre d’accord sur des textes modernisés. Ce sera donc le premier Heiva avec ce règlement tout neuf. Le jury ira à la rencontre des groupes afin de faire le point sur le respect de ces nouvelles règles, qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises. « Il y a des petits détails qu’ils n’ont pas forcément en tête, bien qu’ils les aient validés. On a fait de nombreuses réunions. Toutes les modifications ont été faites à partir de leur suggestion, c’est leur réflexion qui a provoqué des aménagements de ce règlement », précise Manouche Lehartel. Le jury s’appuiera sur des fiches de notation revues. « Le jury, ce ne sont pas simplement neuf personnes qui regardent le spectacle les bras croisés et qui fonctionnent à l’affectif. C’est extrêmement difficile car on parle d’art. On n’est pas en train de parler d’une course ou d’un match de football où il n’y a pas de contestation, c’est le premier arrivé, des buts rentrés ou pas. Juger l’art est beaucoup plus complexe car il y a une part d’appréciation qui est éminemment subjective car elle dépend du vécu et de l’histoire de chacun d’entre nous. Les fiches de notation et le règlement sont faits pour essayer de canaliser les choses pour que le jury réponde sur des critères d’une manière aussi objective que possible mais l’objectivité totale n’existe pas en matière d’art. D’où les débats… » On a évidemment hâte que les percussions traditionnelles résonnent sur To΄atā, de sentir les effluves de la végétation utilisées pour les costumes, d’avoir des frissons et de suivre avec attention les décisions du jury. ΄Ia Heiva te Heiva !
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Encadré 1
Un jury présidé par Manouche Lehartel
Le jury, composé de neuf personnalités du monde de la culture, sera présidé par Manouche Lehartel. Il aura le privilège d’être le premier jury à utiliser les nouvelles fiches de notation après la révision du règlement du Heiva i Tahiti. Manouche Lehartel, passionnée de ΄ori Tahiti et grande danseuse, a dirigé le musée de Tahiti et des îles pendant vingt ans. Depuis 1999, elle juge divers Heiva et concours de ΄ori Tahiti dans le monde et elle a créé, avec Tumata Robinson, les ΄Ori Tahiti Nui compétitions. Elle a également participé à la refonte du règlement du Heiva i Tahiti. Elle fait partie du jury en qualité d’experte en danse et a été nommée présidente par les autres membres. Victor Teriitahi, Jean-Marie Biret et Tuarii Tracqui sont les autres experts en danse. Dayna Tavaearii, Frédo Tihoni et Mélia Tavita Avae sont les experts en chants traditionnels. Et enfin, Poehei Temaiana sera l’expert en compositions musique et chant et Tonyo Toomaru, celui de l’écriture.
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Encadré 2
Yann Teagai, directeur de la Maison de la culture
« C’est beaucoup de travail technique en amont »
L’organisation du Heiva i Tahiti est toujours un grand challenge pour la Maison de la culture ?
C’est le plus gros événement de l’année et l’événement culturel phare du Pays. C’est effectivement beaucoup de travail pour les équipes. On vient d’enchainer des séquences pour le Blue Climate Summit et, à 2 heures du matin, en démontant la scène du concert qui a clôturé l’événement, il a tout de suite fallu faire les aménagements pour le Heiva. C’est une grande préparation en amont car les groupes doivent pouvoir venir faire leurs répétitions, leurs repérages, et commencer à se rencontrer pour prévoir la lumière… C’est beaucoup de travail technique en amont pour quelques heures de bonheur et d’émotions les soirs de spectacle.
C’est également un concours avec une nouvelle réglementation…
Le jury est au travail depuis bientôt un mois pour déchiffrer ce nouveau règlement avec ses nouvelles fiches de notation et une autre façon d’apprécier et d’appréhender un spectacle. C’est aussi beaucoup de temps pour maîtriser les nouveaux paramètres. Le jury est composé de jeunes et d’anciens, il faut donc parfois accompagner les uns et les autres. C’est un grand défi dans tous les sens et à tous niveaux. C’est mon premier Heiva en tant que directeur de la Maison de la culture, je me dois de réussir !
Avez-vous hâte que ça démarre ?
Il y a de la hâte, de l’excitation et beaucoup de pression ! Il faut que ce soit réglé comme du papier à musique et que ce soit parfait pour le public et les artistes. Certains spectacles représentent 15 mois de travail, de fatigue, de sueur, de répétitions… Et tout ça doit être dévoiler en 45 minutes sur To΄atā. On a tous hâte de découvrir ces spectacles.
C’est aussi un soulagement de reprendre le Heiva de manière classique ?
Après une année blanche en 2020, puis le festival Tahiti Ti’a Mai en 2021 où on a réuni une vingtaine de groupes, laissés libre artistiquement, c’est le retour du Heiva i Tahiti sur To΄atā et c’est une grande fierté. Il y a une attente du public mais surtout des artistes. Les chefs de troupe ont dû réussir à rassembler à nouveau, à convaincre de revenir danser. Ils répètent quasiment tous les soirs et on aura un très beau millésime 2022 !
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Encadré 3
Heiva va΄a mata΄einaa : la course sur l’eau
Pour Rodolphe Apuarii, président de la Fédération tahitienne de va΄a, les spectacles du Heiva riment avec le va΄a. Ce sport a de nombreux adeptes en Polynésie française et les courses sont toujours suivies par un public nombreux. Celles du Heiva i Tahiti ont une note plus amicale et joyeuse car les courses de Mataiea sont ouvertes à tous les licenciés, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Il s’agit surtout de faire la fête ! Mais aussi de réussir des performances : les rameurs vont devoir parcourir 2 500 mètres ou 93 km pour la course la plus longue. C’est également pour le public l’occasion de s’en mettre plein la vue avec les courses de V16, uniques dans l’année.
- Samedi 2 et dimanche 3 juillet : va΄a roto, courses lagon, à Mataiea
Jeudi 7 juillet : va΄a tua, courses en haute mer (départ du parc Aorai Tini Hau à Pirae)
Vendredi 8 juillet : va΄a tua, courses en haute mer (Aorai Tini Hau – Taaone – Muriavai Mahina)
Samedi 9 juillet : va΄a tua, courses en haute mer (Aorai Tini Hau – tour de Moorea – Aorai Tini Hau)
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Encadré 4
Tū΄aro mā΄ohi : 600 athlètes sont attendus
Grimper de cocotier, lever de pierre (jusqu’à 150 kilos), lancer de javelots, décorticage de coco, courses des porteurs de fruits (jusqu’à 50 kilos de charge pour la catégorie « ΄aito »), pirogues… Ce sont 600 athlètes que la Fédération ΄Āmuitahira΄a Tū΄aro Mā΄ohi (FATM) attend pour les concours de sports traditionnels qui se tiendront du 3 au 17 juillet. Dont 400 qui viennent des îles, 19 de Nouvelle-Zélande et 25 de Samoa et Hawaii. « Force, endurance, rapidité et dextérité », résume Leilanie Laughlin, secrétaire de la Fédération des jeux et sports traditionnels, voilà les qualités attendues chez les participants, toujours plus nombreux à venir se mesurer les uns aux autres. Ces concours se déroulent sur plusieurs lieux et toujours en accès libre pour le public qui peut ainsi admirer et encourager les sportifs.
- Dimanche 3 ou 10 juillet (selon la météo) : course de pirogues à voile à la Pointe Vénus.
Jeudi 14 juillet : course des porteurs de fruits au parc Paofai.
Samedi 16 et dimanche 17 juillet : sports traditionnels au parc Vairai.
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Encadré 5
A cru et à fond !
Les courses hippiques du Heiva se dérouleront sur trois dimanches, à l’hippodrome de Pirae. Ces courses étaient un rendez-vous majeur du Heiva d’autrefois et l’association Hippique et d’encouragement à l’élevage de Polynésie française, en partenariat avec le ministère de la Culture, les fait revivre depuis plusieurs années. Vêtu de pāreu, pieds nus, couronnés de fleurs, les cavaliers montent à cru pour ces courses lancées à toute vitesse !
- Les 10 et 31 juillet (une première course a eu lieu en juin) à l’hippodrome de Pirae.
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Encadré 6
Heiva Rima΄i : la création des archipels à l’honneur
Ouvert jusqu’au 17 juillet, le salon de l’artisanat Heiva Rima΄i accueille 80 stands et une centaine d’artisans. Tous les archipels et leurs spécialités seront représentés. Des animations et des démonstrations sont au programme, ainsi que des concours pour les artisans. Chaque journée mettra en avant un thème : une matière ou une île et le salon se clôturera sur une journée polynésienne à ne pas rater.
- Au parc expo de Māma΄o, jusqu’au 17 juillet
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Vendredi 1er juillet
18h10 – Cérémonie d’ouverture et rāhiri
19h15 – Tamari΄i Tuhaa Pae No Mahina (Tārava Tuhaa Pae)
20h – Tamarii Teahupoo (Tārava Tahiti)
20h45 – Hitireva (Hura Tau)
Samedi 2 juillet
18h15 – Feti΄a Ori Hei (Hura Ava Tau)
19h30 – Reo Papara (Tārava Tahiti)
20h15 – O Pare Teie (Tārava Raromatai)
21h – Temaeva (Hura Tau)
Jeudi 7 juillet
18h15 – Ia Ora Te Hura (Hura Ava Tau)
19h30 – Tamariki Rapa (Tārava Tuhaa Pae)
20h15 – Te Pape Ora No Papofai (Tārava Tahiti)
21h – Tamariki Poerani (Hura Tau)
Vendredi 8 juillet
18h15 – Hana Pupu ΄Ori Tahiti (Hura Ava Tau)
19h30 – Nūna΄a Rurutu (Tārava Tuhaa Pae)
20h15 – Tamari΄i Mahina (Tārava Raromatai)
21h – Heikura Nui (Hura Tau)
Samedi 9 juillet
18h15 – Teva i Tai (Hura Tau)
19h30 – Te Noha no Rotui (Tārava Tahiti)
20h15 – Tamanui Apato΄a no Papara (Tārava Tuhaa Pae)
21h – Hei Tahiti (Hura Tau)
Mercredi 13 juillet
Soirée de remise des prix
Samedi 15 et dimanche 16 juillet : soirée des podiums
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Programme en intégralité et billetterie sur : www.heiva.org