Hiro’a n°176 – Le saviez-vous ? Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha faufa΄a tupuna

 

Sources : Tamari’i Volontaires. Texte Jean-Christophe Shigetomi – Photos : OPT-Fare Rata

Il y a 80 ans, la bataille de Bir Hakeim

Il y a 80 ans, les Tamari’i Volontaires du glorieux Bataillon du Pacifique entraient dans l’histoire. Le SPAA avec le concours de l’auteur de Tamari’i Volontaires, les Tahitiens dans la Seconde Guerre mondiale, publié en 2016, au vu d’une iconographie depuis lors enrichie et d’archives audio inédites, se propose de rappeler un de leurs faits d’armes majeurs et notamment celui du prix du sang versé lors de leur engagement dans la bataille de Bir Hakeim.

 

Si la bataille de Bir Hakeim a fait l’objet de publications diverses notamment sous la plume de François Broche, fils du colonel Félix Broche, le commandant le Bataillon du Pacifique avec le livre culte du Bataillon des guitaristes, de nouvelles ressources historiques et archivistiques viennent les compléter aujourd’hui. C’est le cas des témoignages en langue tahitienne du Tamari’i Volontaire Georges Durietz dit Toti recueillis par ses petites-filles. Toti nous livre un autre pan de sa guerre et celle de la bataille de Bir Hakeim. La transcription et la traduction de ces témoignages ont été effectuées avec le concours linguistique de Jacques Vernaudon, de Mirose Paia, et de Vāhi Tuheiava Richaud, présidente de la Société des études océaniennes. Ces témoignages en tahitien ont été ici replacés dans leur contexte historique et feront l’objet d’une publication intégrale dans une prochaine édition du Bulletin de la société des études océaniennes.

Bir Hakeim, en Libye

Le 15 février 1942, la 1re Brigade française libre prend position à Bir Hakeim que les nomades traduisent par le « puits du vieillard ». Le terrain est totalement plat et désertique à l’exception de ruines d’un petit fort italien. La 1re Brigade française libre qui compte dans ses rangs le Bataillon du Pacifique a pour mission de relever une brigade indienne et de maintenir l’intégrité du champ de mines en V qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres de la bande côtière jusqu’au carrefour de Bir Hakeim. Un champ de mines antichars de forte densité entoure la position : 65 000 mines en étoile et des marais de mines ont été posés. Quatre chicanes ou passages très étroits permettent de sortir de la position retranchée. La position de Bir Hakeim est divisée en quartiers. Le Bataillon du Pacifique hérite de la position sudouest près du fortin italien. Les Tahitiens du Bataillon du Pacifique s’enterrent. Les camions, le moteur vers l’avant, les armes sont aussi enterrés. La qualité des tranchées des « Pacifiens » est sans égal.

Paroles tahitiennes

De février à mai 1942, les hommes de Bir Hakeim mènent des patrouilles offensives profondes appelées Jock Column. Toti raconte avec humour un retour sur Bir Hakeim de l’une de leurs patrouilles : « À ce moment, nous rentrions à Bir Hakeim. Mais là, notre radio était brouillée par les Allemands. Wouououou… Comment pouvions-nous repérer Bir Hakeim ? Nous ne pouvions pas parler français. Les Allemands savaient parler français. Et on ne pouvait pas parler anglais. Ah, mais là, parmi nous, il y avait Thunot, euh non… Snow. À Bir Hakeim, il y avait Thunot. Nous avons parlé en tahitien.  » « Ah, qui êtes-vous, précisez. N’essaye pas de m’avoir. Chante donc un peu pour voir. – Ah, (nous avons chanté)  : Hioo i te papio, c’était bon(1) . »

 

(1). « ‘A teienei, tē ho’i fa’ahou nei mātou i te Bir Hakeim. Teienei rā, ‘ua brouillée roa pa’i tā mātou radio nā te Purutia. Wouououou… Nā fea rā mātou e ‘ite i Bir Hakeim ? E’ite nehenehe e parau farāni. ‘Ua ‘ite te Purutia i te parau farāni. ‘E e’ita e nehenehe e parau paratāne. ‘A. Teienei, i roto ia mātou, Thunot, mea ‘o… ‘o Snow. I roto ia Bir Hakeim, ‘o Thunot, mea nā roto i te parau tahiti. » « ‘A, ‘o vai ‘oe ? ‘Ahani na. ‘Eiaha ‘oe e ha’avare mai. ‘A hīmene mai na ‘oe. Hioo i te papio, fa’aoti. »

 

Chronologie

Le 27 mai 1942 au matin, la division blindée italienne Ariete attaque Bir Hakeim. Les blindés italiens tentent sans aucun appui d’artillerie de traverser le marais de mines. En une demi-heure, trente-trois chars sont détruits par les mines et les pièces de 75.

Le 28 mai 1942, la position de Bir Hakeim est malencontreusement bombardée par l’aviation britannique qui tue deux Tahitiens, en blesse un autre grièvement à la tête.

Le 29 mai 1942, les défenseurs de Bir Hakeim perçoivent le bruit de la bataille qui oppose au loin, dans le secteur dit Knightsbridge ou Chaudron du diable, les Allemands aux Anglais qui sont défaits.

Le 31 mai 1942, le Bataillon du Pacifique reçoit l’ordre de couper la route à l’ennemi à Rotonda Signali, ancienne position italienne située à environ 100 km de Bir Hakeim. Dès leur occupation de Rotonda Signali, le bataillon est harcelé par l’aviation allemande.

Le 1er juin 1942, Rommel, chef de l’Afrika Cops, attaque la position de Bir Hakeim pour réduire la menace sur son arrière de la 1re Brigade française libre. À Rotonda Signali, l’étau se referme sur le Bataillon du Pacifique qui, grâce à des transmissions en langue tahitienne, flaire le piège et s’en échappe. Leurs colonnes parviennent à rentrer dans la position de Bir Hakeim en pleine offensive allemande. Le camp de Bir Hakeim est alors inlassablement bombardé par l’aviation allemande. Toti raconte : «  Ah, voilà l’aviation qui est arrivée, c’est là que j’ai eu peur. Oui. C’est là que la peur est venue. Avant, je n’avais pas eu peur. Mais là, je ne vais pas mentir, j’ai eu peur (2 ). »

Le 2 juin 1942, le général Koenig rejette toute reddition. L’artillerie et l’aviation ennemie se déchainent sur Bir Hakeim : 40 000 obus de gros calibre vont tomber du 2 juin au 10 juin 1942 sur la position française de Bir Hakeim.

Le 3 juin, le général Koenig rejette un nouvel ultimatum de reddition de Rommel. Dès lors, la position de Bir Hakeim est attaquée avec une violence inouïe.

Les 5, 6, 7 et 8 et 9 juin 1942, c’est la position du Bataillon du Pacifique qui est spécialement visée à cause de sa chicane. Les Pacifiens se défendent de toutes leurs armes. Rommel est impressionné par la résistance des Français  : «  L’adversaire se terrait dans ses trous individuels et restait invisible. Il me fallait Bir Hakeim, le sort de mon armée en dépendait.  » Les munitions s’épuisent comme les rations d’eau. On boit jusqu’à l’eau des radiateurs. Le 9 juin 1942, Papa Broche, le Metua est tué.

Le 10 juin 1942, un pilonnage massif de l’artillerie allemande et une attaque aérienne par plus de 100 Stuka précèdent de nouveaux assauts. La défense française est percée. Les intrus sont repoussés par une contre-attaque de la 13 e demi-brigade de Légion. La position de Bir Hakeim a tenu. Elle peut être évacuée. Une sortie de vive force est prévue pour la nuit du 11 juin 1942. Elle s’effectuera par la chicane tenue par le Bataillon du Pacifique pour gagner à environ 7 km un point de rendez-vous, azimut 213, signalé par trois lampes à feux rouges où attendent les Anglais avec une centaine de camions, une trentaine de véhicules sanitaires protégés par une colonne blindée.

Le 11 juin 1942, 00h00. La 1re Brigade française libre s’échappe par les seuls 70 mètres de la chicane du Pacifique qui ont pu être déminés. Tapis dans leurs trous à 150 mètres de là, l’ennemi n’a encore rien décelé. Le champ de mines est passé. Soudain, l’enfer se déchaine. De partout convergent les balles traceuses des mitrailleuses allemandes et italiennes. De premiers véhicules brulent. Koenig ordonne la charge motorisée. Les véhicules s’élancent dans la nuit précédé des Bren carriers, petites chenillettes armées. Koenig  : «  Cette nuit-là, chaque homme était à lui seul une aventure, une histoire, une tragédie. » Au matin, un brouillard assez dense enveloppe les retardataires pour leur permettre de rejoindre les éléments britanniques avancés. L’adjudant-chef Alfred Maruhi, aumônier protestant du bataillon, a prié toute la veille de la sortie de vive force. Pour certains superstitieux ses prières ont favorisé leur fuite. Toti se souvient : « Au petit matin, lorsque tu regardes en arrière, on voit ce truc… C’est comme… une fumée… (brume). Comme une fumée, ce n’était pas une fumée qui montait haut, une simple fumée. Mais c’était une fumée épaisse qui ne permettait pas de voir à travers. On ne pouvait rien voir à travers. Aucun homme ne pouvait passer à travers cette fumée. Ah, c’était certainement l’œuvre du Seigneur. Nous avons été sauvés grâce à cela (3) . »

Six cent hommes de la 1re Brigade française libre sont portés disparus. Certains ont été faits prisonniers. Leur épreuve n’est pas terminée pour autant. Certains des prisonniers tahitiens sont transférés en Grèce à bord du navire italien Nino Bixio qui est torpillé par le sous-marin anglais Turbulent et certains disparaissent en mer Méditerranée. Les survivants témoigneront de la tragédie lors de leur retour à Tahiti. La résistance héroïque des soldats de la 1re Brigade française à Bir Hakeim est relayée par l’ensemble des radios et des journaux alliés. En France occupée, les avions anglais larguent des prospectus sur Bir Hakeim. Un journal de la résistance et un maquis prennent le nom de Bir Hakeim. L’opiniâtreté et la bravoure des soldats français de Bir Hakeim seront même saluées par l’ennemi.

(2). « ‘A, terā te aviation te haerera’a atu, terā tō’u ri’ari’ara’a. ‘Ē. I ‘ō te ri’ari’ara’a te haerera’a. ‘Aita e ri’ari’a nā mua a’e. I ‘ō, ‘aita vau e ha’avare nei, ri’ari’a vau. »

(3). « Te reira haerera’a ao, fāriu ‘oe i muri, e ‘ite ai ‘oe i terā mea… c’est comme… hō’ē fumée. Mai te hō’ē fumée, e’ere i te mea teitei roa, mai terā noa paha. Mea me’ume’u rā. E’ita ‘oe e ‘ite i ō mai. E’ita ‘oe e ‘ite i ‘ō mai. E’ita e noa’a i te ta’ata nā roto mai i terā fumée. ‘A. E rāve’a paha terā nā te Atua. Hein, ‘ua fa’aorahia mātou nā terā rāve’a. »

 

Une exposition dédiée à la Maison de la culture

Te Fare Tauhiti Nui avec le concours de l’association Mémoire polynésienne ont le souhait de commémorer en juin la bataille de Bir Hakeim, qui fera la renommée du glorieux Bataillon du Pacifique : ou Quand l’Art se conjugue avec l’histoire militaire. La salle  Muriāvai  de la Maison de la culture accueillera une exposition dédiée du 7 au 18  juin. La bataille de Bir  Hakeim racontée, jour après jour, en textes, est riche en iconographie, avec notamment les illustrations réalisées par le graphiste Jean-Louis Saquet, mais aussi en son et en numérique.  Le vendredi 10 juin, l’exposition accueillera par ailleurs l’Office des Postes et des télécommunications pour la vente d’un timbre commémoratif et enveloppe 1er jour : il y a 80 ans Bir Hakeim. Des visites guidées sont organisées les samedis 11 et 18 juin à 9 heures. • Tél. : 40 544 548 • www.maisondelaculture.pf

 

Epj_BirHakeim 4 TP_birhakeim

Vous aimerez aussi...