Hiro’a n°176 – L’ ŒUVRE DU MOIS

Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Fare Manaha

Rencontre avec Titouan Lamazou, artiste peintre. Texte : ASF – Photos : Titouan Lamazou

Le Bounty revisité

Les artistes occidentaux de passage en Polynésie française ont souvent décrit une vision fantasmée de nos îles. Dans ses pérégrinations, Titouan Lamazou nous raconte les révoltés du Bounty en caricaturant la vision popa΄ā.

Les artistes occidentaux, peintres et écrivains ont souvent raconté une Polynésie fantasmée. De Melville qui, dans Taipi, nous raconte sa très belle fiancée dont le pagne sert de voile – pas du tout crédible – sur un lac qui n’existe pas, à Gauguin et ses vahine bien loin de la réalité de son quotidien aux Marquises. «  Il y a une part de vrai dans ce que racontent les artistes occidentaux, mais il y aussi beaucoup du fantasme.  Pour Tubuai, j’ai voulu jouer sur cette image complètement fantasmée et erronée de la Polynésie et la caricaturer », explique Titouan Lamazou, qui s’est rendu pour la première fois sur cette île des Australes en 2001 avant d’y retourner en 2020. « Je suis parti d’un dessin de la montagne de la femme couchée que j’avais réalisé à Tubuai en 2001. C’est aussi dans l’esprit d’un dessin emprunté à la palette de Gauguin qui est totalement une vision popa΄ā de la Polynésie », explique le peintre.

Pourquoi jouer ainsi avec la représentation occidentale  ? «  En lisant Passage de Vénus de Rowan Metca, une descendante de Mauatua et Christian Fletcher, on a un récit des contacts entre Tahitiens et Occidentaux très éloigné de ce que nous raconte, par exemple, Hollywood avec Les Révoltés du Bounty. Cette représentation hollywoodienne est une vision, pour ne pas dire la caricature, la plus accomplie du mythe de la vahine », déclare l’artiste-voyageur, qui rappelle que dans le scénario hollywoodien le passage à Tubuai est totalement éludé. Car la réalité, c’est que Christian Fletcher et ses acolytes n’ont jamais été les bienvenus sur l’île, malgré plusieurs tentatives d’installation et la construction du fort George.

Et tant qu’à caricaturer la caricature, autant s’amuser. «  Je me suis inspirée du Déjeuner sur l’herbe du peintre Édouard Manet pour reprendre cette vision très popa΄ā. J’ai remplacé un des personnages masculin de Manet par Mel Gibson qui joue Christian Fletcher dans une version hollywoodienne de 1984. Il y a aussi une version avec Marlon Brando qui représente à lui seul la décadence de la culture occidentale. » On retrouve également, dans ces tableaux de Titouan Lamazou, les personnages de Gauguin.

Manet, Gauguin… un pastiche de grands peintres occidentaux pour nous rappeler l’iconographie polynésienne dans la mémoire occidentale. ◆