Hiro’a n°170 – Le saviez-vous ? Tafe, nouvelle garde de la sculpture polynésienne

Le saviez-vous ?

Texte Pauline Stasi – Photos : Tafe et Pauline Stasi

 

Tafe, nouvelle garde de la sculpture polynésienne

tafe@p stasi

Lauréat du premier concours « Résidence d’artistes » avec trois autres artistes du fenua, major de sa promotion du Centre des métiers d’art, le sculpteur Tafe fait partie de la nouvelle scène artistique polynésienne. Trash art, plastique, métal, résine, bois, modélisation en 3D…, le jeune homme, qui puise son inspiration dans la faune et la flore polynésiennes, est sans cesse en quête d’exploration de son art.

Des copeaux de bois par terre, tout un panel de gouges posées sur un petit établi dans un container à Punaauia, Tafe est de retour dans son atelier de travail après une longue période d’absence. Lauréat du concours « Résidence d’artistes », Tafetanui Tamatai vient de passer trois mois dans la capitale française. Une expérience unique pour le sculpteur de vingt-sept ans qui, depuis sa formation de trois ans au Centre des métiers d’art dont il est sorti major en 2018, se consacre principalement à sa passion.

Toujours avide d’apprendre et de créer, le sculpteur polynésien a mis à profit son séjour parisien pour travailler d’autres matières et approfondir sa formation. « Je logeais dans un atelier appartement, ce n’était pas facile pour sculpter le bois, car je mettais de la sciure partout. Je me suis mis à travailler une mousse à sculpter, on la trouve aussi dans les planches de surf, on peut en acheter très facilement en France dans les magasins. (…) cela se sculpte au cutter (…). J’étais aussi venu à Paris avec l’idée d’approfondir mon expérience sur les impressions au scanner en 3d à grande échelle (…). Je pense qu’il y a pas mal de choses à faire dans la modélisation avec la sculpture, je suis en pleine réflexion sur ce médium », explique Tafe, qui espère bien renouveler cette expérience dans d’autres résidences d’artistes à travers le monde.

Cette immersion parisienne a également permis au jeune Polynésien de découvrir d’autres artistes, d’autres univers culturels. « Mon séjour a vraiment été très enrichissant artistiquement. J’en ai profité pour visiter de nombreux musées, expositions, galeries, fondations d’artistes. C’est vraiment super pour un jeune sculpteur de voir ce qui se fait ailleurs. J’ai découvert des expos et des artistes qui m’ont vraiment marqué comme The Kid et ses peintures à l’huile à la galerie Templon. J’adore l’univers des animés japonais, la dernière expo sur les sneakers à la galerie Sakura était superbe. J’ai découvert aussi Urs Fischer et ses immenses sculptures de cire à la Bourse du commerce-collection Pinault, Damien Hirst et ses sculptures ou encore Pierre Huyghe et ses immenses installations.  J’ai été aussi très impressionné par la fondation Lafayette Anticipations. Le bâtiment est modulable avec son immense mécanisme central et ses espaces d’exposition sur plusieurs étages, c’est juste incroyable, reconnait-il avec enthousiasme avant de poursuivre. J’ai aussi été influencé par la dernière exposition contemporaine où je suis allé dans la salle éphémère du musée de la chasse et de la nature à Paris, « la valise d’Orphée », par l’artiste Damien Deroubaix. Il nous invite à travers ses pièces dans une grotte primitive. »

Une série de sculptures « vestiges »

Et c’est justement ce dernier artiste qui a inspiré à Tafe son travail actuel. En effet, depuis son retour, le jeune sculpteur s’attèle à une sculpture sur bois représentant un squelette de crâne de sanglier. Elle est la première réalisation de sa future série, intitulée « Vestiges », consacrée aux animaux des légendes polynésiennes et marquisiennes. Originaire de l’île de Tahuata aux Marquises, Tafe est, depuis son passage au CMA, très concerné par la culture de la Polynésie. « Lors de ma formation au cMA, je me suis aperçu qu’à part la légende de Hina, je connaissais très peu de choses sur la culture polynésienne. Les cours d’histoire de culture sur la Polynésie de Tokai Devatine m’ont beaucoup appris, ils étaient passionnants et intenses aussi », confesse-t-il.

Depuis lors, la Polynésie est devenue sa principale source d’inspiration. Mais plutôt que de sculpter les « classiques » tiki, Tafe avoue qu’il préfère s’inspirer de la faune et la flore polynésiennes qu’il côtoie dans son quotidien. « Bien sûr, j’aime bien les tiki, il y en a d’ailleurs beaucoup aux Marquises, mais j’avoue que je suis plus sensible aux poissons, aux plantes, aux arbres que ’on trouve ici », poursuit le sculpteur qui, pour réaliser ses œuvres, n’hésite pas à travailler différentes matières. Car s’il a choisi le bois pour cette nouvelle série, Tafe s’essaye à tout et aime aussi travailler la pierre, le plastique, la glaise, le métal, mais aussi les objets de récup’. « J’aime le trash art, car je suis sensibilisé à la protection de l’environnement et au développement durable. J’aime beaucoup allier, coller, souder les différents matériaux que je trouve, le métal, le plastique, la résine, le bois… chacune procure des sensations différentes. Ce que j’aime avec le plastique, c’est le fait de construire et de déconstruire comme je veux, puis de le peindre. Pour le bois, c’est le côté physique, de marteler, de voir l’objet apparaître, c’est magnifique !  », lance le sculpteur, qui prévoit d’ici quelques mois deux expositions collectives. La première avec le collectif des anciens élèves du CMA et la seconde au CMA. Il aimerait également exposer sa série dans une ga-lerie et participé au World Art Day au Fare natura à Moorea en avril 2022.

Résidence d’artistes

Sélectionné sur dossier en mai dernier, Tafe a fait partie des quatre lauréats retenus par le jury du concours « Résidence d’artistes  ». Organisé en partenariat par l’État et le Pays, c’est la première fois que ce concours est proposé à des artistes polynésiens. De juillet à octobre 2021, les lauréats polynésiens ont été accueillis à la Cité internationale des arts de Paris sur le site du quartier du Marais. Plus grand centre de résidence d’artistes au monde, la Cité internationale des arts de Paris accueille 325 résidents de toutes disciplines, de tous âges et de plus de 100 nationalités.

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