Hiro’a n°169 – Zoom sur : Gaby Cavallo
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Actus – Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPf) – Te Fare Upa Rau
Zoom sur…
Rencontre avec Frédéric Cibard, chargé de communication au CAPF. Photo : Vincent Wargnier pour Capf/21
Gaby Cavallo
Le Conservatoire artistique de la Polynésie française a connu un nouveau deuil. Gabriel Cavallo, grand professeur de chant lyrique, est décédé le 4 octobre dans sa 90e année. Celui que chacun appelait Gaby a tracé une voie royale pour les voix polynésiennes.
Beaucoup de superlatifs accompagnent le parcours professionnel de Gaby Cavallo qui a tracé une voie royale pour les voix polynésiennes. Que ce soit au sein de son association, « Les Penu d’Or », ou près de son épouse, Emmanuelle Vidal, professeure responsable de la classe de chant lyrique du Conservatoire, Gaby éveillera au chant classique des centaines d’élèves dont certains sont, aujourd’hui, de grand noms de la scène polynésienne. Persuadé que les Polynésiens avaient un don spécial pour le chant lyrique, il écrira pour eux deux opéras en reo tahiti, dont le dernier, « Te Tura Maohi », a été donné par le Conservatoire l’année passée. Déjà bien malade, Gaby fera, une nouvelle fois, preuve de courage et de passion en s’investissant totalement dans le concours des « Voix des Outremers », dont la finale polynésienne a eu lieu – sans public – au Grand théâtre de la Maison de la culture, il y a quelques semaines. Une de ses élèves, Laetitia, en sera la lauréate.
Pendant trente ans, Gaby enseignera la technique vocale, la posture, la gestion du souffle, le placement de la voix. « La première chose que je fais lorsqu’un élève arrive, c’est de corriger sa posture, confiait-il. « C’est fou ce qu’il y a comme gens « tordus » sur terre. Je les remets en place. Dos droit, tête haute. Savez-vous que c’est le corps qui chante, pas la voix ? Dans la vie courante, on oublie qu’on a un cœur qui bat, des poumons qui respirent. Le chant vous aide à prendre conscience de votre corps. »
« Cela devient intéressant quand le chant commence à opérer sa magie. Là, le moi intime se révèle. On prend conscience de son potentiel. Les élèves commencent à avoir de la considération pour eux-mêmes, on découvre des choses sur soi », commentait le baryton.
Chevalier de l’ordre national du Mérite, Gaby Cavallo venait d’être proposé au grade de chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres. Le fenua et le Conservatoire, ses élèves, sa famille lui rendent aujourd’hui hommage. Son esprit, ses messages demeurent sur ce chemin tracé vers la magie et la beauté de la voix chantée. ◆
((((Encadré)))
Le chant, sur un air de famille
Dernier né d’une famille de six enfants, Gabriel Cavallo a vécu une enfance heureuse dans une maison blanche aux volets bleus d’Alger. Son père, officier de marine, est un aficionado d’art lyrique. Comme tous ses frères et sœurs, il a une bonne voix et en use allègrement auprès de ses conquêtes. Mais contrairement à son frère Jean, célèbre baryton de l’opéra d’Alger, Gabriel ne fera pas carrière dans cette discipline. En 1949, alors âgé de dix-huit ans, il s’engage « par devancement d’appel », quitte l’Algérie pour la métropole et se marie. Il achète un appartement pour abriter son jeune couple. Dès lors, il n’est plus question de mener la vie de bohème qu’exigerait l’entrée dans une troupe municipale. Pour entretenir son organe, il prend des cours avec un éminent professeur de chant, Jean Bergerioux, et pour gagner sa vie, entame une carrière de déclarant en douane. En 1966, son frère Jean l’exhorte à venir le rejoindre à Tahiti. « Là-bas au moins, on voit la mer », lui dit-il pour le convaincre.