Hiro’a n°168 – Dossier : Opération ´Ete : préférez le local au plastique !

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DOSSIER – Service de l’artisanat traditionnel – Pu ohipa rima’i (ART)

Opération ´Ete : préférez le local au plastique !

Ateliers 'ETE 1

Rencontre avec Vaiana Giraud, chef du Service de l’artisanat traditionnel par intérim, Marania Wan, chargée de communication du Service de l’artisanat traditionnel, et Jacques Tarina, producteur de pandanus et artisan, président de la Fédération Vahine Vaero de Rimatara. Texte : Lucie Rabréaud – Photos : ART et Stéphane Georget

Certains sacs en plastique à usage unique sont désormais interdits en Polynésie française. Mais nous sommes riches d’alternatives : tressage, tissu… Les artisans vont montrer la qualité de leur savoir-faire pendant l’opération ΄Ete.

Depuis le 1er septembre 2020, grâce à l’adoption de la loi du Pays relative aux dispositifs spécifiques applicables aux produits utilisant du plastique, certains sacs plastique sont devenus interdits : les sacs oxo-fragmentables, les sacs de caisse à poignée en plastique léger et le même genre de sacs destinés à l’emballage des fruits et légumes. L’idée est simple : réduire le plastique à la source. Se passer du plastique, c’est une lutte de tous les instants pendant toute l’année ! Mais durant deux semaines, le Service artisanal traditionnel donne un sérieux coup de pouce avec l’opération ΄Ete . La quatrième édition se déroulera du 15 au 30 octobre. Cette année, les artisans vont produire trois modèles de sacs de courses et de paniers de différents formats et matières qui seront vendus dans certains supermarchés, hypermarchés et grandes surfaces de Tahiti. Ainsi, ce ne sera même plus la peine de chercher, il suffira d’aller faire ses courses dans son magasin habituel pour trouver les paniers « marché » en pae΄ore ou en tissu local, confectionnés par les artisans du fenua. Ce sont les partenaires de l’opération qui achètent les produits artisanaux directement aux artisans, selon des critères et des tarifs définis puis les mettent en vente dans leurs espaces. Les quatre magasins Carrefour, le Hyper U à Pirae, le Super U Tamanu à Punaauia et à Papara, le U Express Cécile à Papeete, le U Express Weekend à Punaauia,le Super U à Taravao, Agrifarm et la boutique en ligne : www.laboutiquetahiti.com, participent.

Des tutos sur les réseaux sociaux

Au programme également de ces deux semaines : des ateliers de vannerie, des vidéos tutoriels et un jeu-concours «  spécial création » pour le grand public. Pour les ateliers, six espaces sur Tahiti et Moorea seront ouverts au public afin de pouvoir apprendre à créer son propre sac (restez connectés sur la page Facebook du Service de l’artisanat traditionnel pour connaitre les lieux, les dates et les conditions de participation. Le programme sera ajusté en fonction des restrictions sanitaires). Concernant les vidéos tutoriels, le Service de l’artisanat traditionnel ne pouvait pas se passer de ce format après le succès de la vidéo sur la confection d’un panier en pae΄ore, réalisée à  l’occasion de la troisième édition et visionnée plus de 15 000 fois.

Pour cette année, deux vidéos, soustitrées en reo tahiti, seront diffusées sur les réseaux sociaux (la chaine YouTube, la page Facebook et le compte Instragram du Service de l’artisanat traditionnel) : la confection d’un panier en nī΄au et la fabrication d’un sac de courses en tissu local. Grâce à ces films, le public pourra facilement tester à la maison les pratiques artisanales et remplacer les objets en plastique par ses propres créations. Enfin, un jeu-concours ouvert au grand public permettra d’essayer de remporter un package pour deux personnes pour Moorea comprenant les tickets de bateau aller-retour et une excursion avec transfert, d’une valeur de 14 800 Fcfp. Chaque participant devra r.aliser un contenant original conçu à base de matière locale et le soumettre sur la page Facebook Service de l’artisanat traditionnel (les votes du public compteront à hauteur de 40 % de la note et ceux d’un jury pour 60 %).

Encadré 1

Jacques Tarina, producteur de pandanus, artisan et président de la Fédération Vahine Vaero de Rimatara, raconte la culture et la récolte du pandanus jusqu’à sa mise en rouleau pour son utilisation par les artisans.

Réaliser un rouleau de pipita : un travail lié aux saisons

« Quand tu prépares la plantation, il ne faut jamais planter à la saison froide sinon le pandanus aura des épines et ses feuilles seront épaisses. Il est alors planté à partir d’octobre jusqu’en mars. La récolte du pandanus a lieu deux à trois ans plus tard, tout dépend du terrain. Le pied original va ensuite faire des rejets. Les feuilles peuvent être récoltées sur le pied original et ses rejets. Mais le pied original sera définitivement enlevé au bout de cinq ans. La récolte a lieu à la saison froide, à partir du mois de mai pour éviter que le pandanus ne pourrisse ou ne s’abime à cause de l’humidité de la saison chaude.

Pour la récolte, il est possible de couper les feuilles trois fois par an. À Rimatara, on ne coupe pas souvent les feuilles sinon elles vont rétrécir et le pandanus aura du mal à donner.Les familles, ici, ont plusieurs champs et il est possible de laisser un champ se reposer pendant qu’on exploite l’autre. À Rurutu, par exemple, les feuilles sont plus courtes car elles sont coupÉes de manière plus régulière.

Une fois coupées, les nervures des feuilles sont enlevées avec un couteau pour faciliter le séchage (cette nervure est aussi un peu coupante, c’est donc plus facile de l’enlever pour travailler le pandanus) puis les feuilles sont tressées comme des cheveux, jusqu’à deux mètres de longueur. Les artisans ne font pas plus long car cela deviendrait trop lourd à transporter. On compte jusqu’à 400 feuilles sur une seule tresse. Il faut ensuite accrocher cette tresse bien haut et au bout d’une . deux semaines le pandanus est sec. Il va progressivement jaunir pour devenir marron. Il est important de travailler le pandanus à la saison froide et sèche car s’il pleut plusieurs jours de suite, les feuilles s’abiment et ne peuvent plus être utilisées pour le tressage, elles seront bonnes à être jetées sur les tarodières… Si les rouleaux manquent parfois, c’est à cause du mauvais temps qui a empêché le séchage.

Au bout de la troisième semaine, il faut les étaler à plat, au sol et au soleil pour continuer le séchage pour encore deux ou trois semaines. À ce moment-là, s’il pleut, ce n’est pas grave, le pandanus est déjà sec. Après ces trois semaines, les tresses sont détachées et les feuilles mises en paquets. Elles sont ensuite travaillées une par une pour être aplaties. S’il fallait du soleil pendant toute cette partie du travail, la pluie est la bienvenue au moment de la mise en rouleaux ! L’humidité assouplit la feuille. Ces pipita (rouleaux de feuilles de pandanus) sont ensuite envoyés partout en Polynésie et même à l’étranger. »

Les teintures naturelles pour colorer le pae΄ore

Pour les blanchir : les rouleaux de feuilles vertes, qui auront séché seulement deux ou trois heures, sont placés dans l’eau et cuits avec du citron, du savon de Marseille coupé en petits morceaux (il va aider à vite sécher les feuilles) entre quatre et six heures. Il est possible de rajouter le pied du plant principal et des rejets peuvent être utilisés pour blanchir le pandanus.

Pour obtenir du vert : c’est la même préparation que le blanchiment. Après deux ou trois heures de soleil seulement, on en fait des rouleaux. Il faut ensuite les cuire à l’eau dans un fût en taule (les anciens contenants de mazout) pendant deux semaines. Plus le pandanus cuit longtemps, plus la couleur sera foncée. Avec des temps de cuisson différents, on obtient différentes teintes de vert.

Pour obtenir du marron : il faut cuire les écorces de falcata ou de ΄aito, des arbres nombreux à Rimatara, dans des tonneaux remplis d’eau et cette eau est ensuite utilisée pour cuire les rouleaux de pandanus sec pendant un mois (le feu est allumé la journée). Cette couleur est très longue à obtenir.

Pour obtenir les autres couleurs : il faut chauffer l’eau et faire tremper les pandanus blancs (les rouleaux qui ont été blanchis) pour teindre en jaune (avec du curcuma), rose (avec des fleurs de ΄aute) ou mauve (avec un petit fruit violet noir sous forme de grappes qu’on trouve à Rimatara).

En ce moment, des chercheurs de l’université de la Polynésie française étudient le pandanus ainsi que les colorants utilisés pour les teintures locales.

Encadré 2

«  ΄Ete o te mau ΄ite » : le panier comme symbole et gardien des savoir-faire

L’opération ΄Ete est née en 2017, sur une idée originale du ministre de la Culture et de l’Environnement, en charge de l’Artisanat, Heremoana Maamaatuaiahutapu. L’objectif était de mêler environnement et artisanat et de positionner notamment l’artisanat traditionnel comme l’un des bras armés de la protection de l’environnement en Polynésie, est-il expliqué dans un article du magazine Tahiti Pacifique de décembre 2019, annonçant la troisième édition. Promouvoir et démocratiser l’utilisation des sacs et paniers réutilisables, confectionnés par les artisans locaux, c’était faire d’une pierre deux coups. Il fallait aussi proposer une alternative dans la perspective de l’interdiction des sacs en plastique à usage unique. Jerry Biret, coordinateur délégué des deux premières éditions de l’opération ΄Ete , explique, dans ce même article, le travail pour trouver le nom de l’opération : « Il s’agissait  de trouver un mot, qui puisse fédérer tout le monde autour de cette représentation du panier marché, sans avoir à recourir à l’expression “panier marché”, qui est un peu réducteur dans l’usage. Nous avions hésité au départ avec le mot tahitien “pūtē”, qui désigne aussi le panier ou la bourse. Pour des raisons de double lecture en français, nous avons écarté ce nom. Finalement, nous avons choisi le terme “΄ete ” car, en tahitien, c’est un terme extrêmement fort, qui peut désigner le panier ou le sac bien sûr, mais cela peut aussi être un réceptacle dans un sens plus large. »

D’ailleurs, le Service de l’artisanat traditionnel précise qu’il ne faut pas confondre « ΄Ete » avec « ΄ite », même si ces deux mots sont étroitement liés. « Une phrase en tahitien résume bien toute la symbolique de l’opération : “΄Ete o te mau ΄ite”, ce qui signifie le panier dans lequel les savoir-faire des artisans polynésiens peuvent être rangés pour être préservés. Le panier lui-même devient le symbole de ces savoir-faire. »

PRATIQUE

• Retrouvez l’opération ΄Ete du 15 au 30 octobre dans les quatre magasins Carrefour, Hyper U à Pirae, le Super U Tamanu à Punaauia et à Papara, le U Express Cécile à Papeete, le U Express Weekend à Punaauia, le Super U à Taravao, sur la page Facebook d’Agrifarm ainsi que sur la boutique en ligne www.laboutiquetahiti.com.

• Restez connectés sur les réseaux sociaux du Service de l’artisanat traditionnel (YouTube,

Facebook, Instagram) pour connaitre le programme des ateliers, accéder aux vidéos tutoriels, ainsi que participer au jeu-concours.

• Les ateliers seront organisés les journées des 15, 16, 22 et 23 octobre dans les espaces suivants :

– Salle 1 de la Maison de la Culture à Papeete

– Agence Wow Sense à Pirae (. c.t. du march.

municipal)

– Site de la pointe Vénus à Mahina

– Mairie de Punaauia

– Marché municipal de Afaahiti-Taravao

– Association Puna Reo Piha’e’ina à Moorea

• FB : « Service de l’artisanat traditionnel » et « Opération ‘ETE 2021 »

• www.artisanat.pf

• Renseignements : 40 54 54 00

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