Hiro’a n°167 – Trésor de Polynésie : Les chapeaux portent haut l’artisanat polynésien
Rubrique Trésor de Polynésie
Rencontre avec Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques au Musée de Tahiti et des îles et de Ramona Tevaearai, vice-présidente du Comité organisateur des expositions artisanales des îles Australes de la Polynésie française. Texte : Pauline Stasi – Photos : PS et MTI
Les chapeaux portent haut l’artisanat polynésien.
L’exposition « Tahiti Ti΄a Mai, du Tiurai au Heiva » nous plonge dans l’histoire du plus ancien festival océanien, véritable reflet, au fil des décennies, de la société polynésienne. Parmi les nombreux objets dévoilés au public, une trentaine de magnifiques chapeaux issus des collections du Musée de Tahiti et des îles, dont certains sont datés du milieu du 19e siècle. À travers eux, le visiteur découvre combien l’art du tressage a été et est toujours omniprésent en Polynésie française, notamment dans l’archipel des Australes.
Bien protégés sous des vitrines transparentes aux éclairages tamisés, les chapeaux exposés dans la grande salle temporaire du Musée, attirent d’emblée le regard. On s’imaginerait bien les porter sur la tête, si on ne les savait pas si précieux. « On montre une trentaine de chapeaux, les plus anciens datent du milieu du 19e siècle. Certains datent probablement du début du 20e siècle et sont issus de collections privées, notamment de Madame Stella Lehartel, qui avait une très belle collection de chapeaux, dont certains sont très originaux, très finement tressés », confie avec intérêt Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques au Musée de Tahiti et des îles.
Canotiers, panamas, chapeaux « moulin »
Car effectivement, en les observant bien, pas un seul de ses couvre-chefs n’est identique à un autre ; formes, motifs, matériaux varient selon les modèles exposés. « Les chapeaux sont inspirés de ceux portés par les Européens. Il y a des canotiers, les femmes les portaient souvent sur un chignon. D’autres plus larges ressemblent à des panamas, certains ont des formes plus hautes. Les Polynésiens ont ajouté des motifs locaux, comme des fleurs, des morceaux de tissus colorés (…). Des fibres plus sombres provenant de troncs de fē΄i ou des teintures peuvent être utilisées pour apporter des contrastes dans les couleurs du chapeau. Les chapeaux fabriqués actuellement sont assez similaires à ceux d’autrefois, il y a une vraie tradition du tressage en Polynésie », poursuit Tara Hiquily. Souvent arborés par les jeunes filles de la bonne société, le chapeau s’est démocratisé au fil des années dans le quotidien des Polynésiens et a même été un incontournable attribut de mode, notamment pour assister au culte religieux.
Ces chapeaux reflètent la richesse de l’artisanat polynésien, et notamment des îles Australes, où le tressage est une véritable institution. « J’ai appris à tresser avec ma grand-mère fa΄a΄amu quand j’étais plus jeune. Au départ avec quatre bandes puis avec six, dix, douze, c’est toute une technique qu’il faut savoir appréhender », explique Ramona Tevaearai, viceprésidente du Comité organisateur des expositions artisanales des îles Australes de la Polynésie française. Déjà par le choix des matériaux de base, du bois de pūrau, en passant par les tiges de roseaux des montagnes, de bambou, de ΄aito ou encore de miro…, tous ont leur particularité, une souplesse, des nuances différentes. « Le pandanus est très utilisé, il permet un tressage un peu moins fin que les très jeunes feuilles de cocotier blanc par exemple », explique le chargé des collections ethnographiques au Musée de Tahiti et des îles.
Une fois le bois ramassé, il faut ensuite, comme tout ce qui se mérite, le préparer. À commencer par enlever les nervures au milieu du pandanus, puis lorsque le bois est encore souple, en confectionnant des bandes qui sècheront au soleil. Reste ensuite la partie la plus délicate : celle de la confection proprement dite du chapeau. Pour cela, les artisans utilisent des moules en bois, mais attention pas n’importe lesquels. « J’utilise des moules de tailles différentes en fonction du diamètre de la tête. Il peut y en avoir des tout petits pour faire des chapeaux pour les poupées, comme des très grands. Le plus grand est de 68 cm. Les moules peuvent être en bois de manguier, ΄aito, miro… J’ai hérité d’un moule de la grand-mère de ma grand-mère fa΄a΄amu, j’y tiens énormément, c’est quelque chose qui se transmet de génération en génération à Rurutu », précise Ramona Tevaearai.
Une fois le moule choisi, l’artisan va alors tresser le dessus du chapeau en partant du centre pour élargir au fur et à mesure dans le sens des aiguilles d’une montre et finir par le bord. « C’est assez minutieux, selon les modèles, on va faire des tressages plus ou moins serrés. Il faut compter environ six à sept heures de travail pour faire un chapeau. L’évolution actuelle est de tresser d’abord puis de coudre les morceaux tressés directement pour confectionner le chapeau, cela est plus rapide bien sûr, mais aussi plus résistant », confesse l’artisane qui ajoute que chaque île a ses particularités. « À Rurutu, le chapeau que l’on tresse beaucoup est le chapeau “moulin”. C’est un chapeau assez haut, il est très en vogue car le chanteur Eto le porte. C’est bien, car cela permet de mettre ces chapeaux à la mode », se réjouit Ramona Tevaearai, heureuse que cette tradition se perpétue et séduise toujours.
PRATIQUE
Exposition « Ti΄a mai, du Tiurai au Heiva » • Dans le respect des mesures sanitaires • Adultes : 600 Fcfp / personne • Groupes (+10 pers) : 500 Fcfp / personne • Étudiants et -18 ans : gratuits • Réservation www.billetterie.museetahiti.pf À noter que l’exposition est présentée en tahitien et en français ; des audio-guides en anglais sont disponibles pour le public anglophone. Le Musée est fermé jusqu’au lundi 6 septembre. Ces mesures pourraient être maintenues en fonction de la situation sanitaire.