Hiro’a n°164 – 10 questions à : Manouche Lehartel et Moana’Ura Tehei’ura « Nous avons un devoir de mémoire et de transmission »

Moana'ura et Manouche

« Nous avons un devoir de mémoire et de transmission » 

Prélude au festival Tahiti Ti΄a Mai, une cérémonie d’ouverture exceptionnelle sera offerte à la population le 29 juin. Celle-ci réunira l’ensemble des acteurs du Heiva et célèbrera 140  ans de festivités. Rencontre avec Manouche Lehartel et Moana΄ura Tehei΄ura en charge de son organisation.  

En raison du contexte sanitaire, le Heiva i Tahiti laisse cette année la place au festival Tahiti Ti΄a Mai. Même sans concours, une véritable cérémonie d’ouverture est organisée, pourquoi ? Moana΄ura Tehei΄ura : C’est un choix de Te Fare Tauhiti Nui qui avait déjà en perspective l’organisation d’un événement pour l’anniversaire du Heiva i Tahiti. Malgré l’annulation du concours, il semblait important de célébrer 140  ans de notre histoire et de le faire dans un cadre à part du festival Tahiti Ti΄a Mai.  

Manouche  Lehartel : La première soirée de concours d’un Heiva débute avec la cérémonie du Rāhiri pendant laquelle les artistes en concours et le jury s’engagent à donner le meilleur d’eux-mêmes dans le plus grand respect des prérogatives des uns et des autres. Pour marquer la célébration de 140 ans de Tiurai il, semblait pertinent de consacrer une soirée à notre cérémonie d’ouverture nous autorisant ainsi à lui donner une toute autre ampleur. 

Pourquoi avoir retenu la date du 29 juin ?  

  1. T. :Ce n’est pas du tout un choix politique, c’est un choix pratique car c’est un jour férié et cela nous permettait de réunir à la fois tous les acteurs duHeiva et la population, notamment ceux qui viennent des communes de Tahiti les plus éloignées. C’est un pur choix pratique.  

Est-ce que c’est compliqué de célébrer 140 ans de festivités alors que, pour la deuxième année consécutive, le Heiva i Tahiti est annulé ?  

  1. L. :Organiser un festival dans ce contexte si particulier, c’est un choix difficile, un choix osé, car ce n’était pas facile de permettre aux groupes de répéter, même s’il n’y a pas de concours. Je constate que quasiment tous les grands groupes se sont inscrits au festival. Aujourd’hui, on célèbre le fait qu’on soit toujours vivants. On est partis d’Asie du Sud-Est sur des pirogues il y a quelques milliers d’années et nous sommes toujours là, avec notre histoire, notre culture qui n’est pas du folklore.

Est-ce une façon de montrer que le peuple polynésien est toujours debout, malgré les épreuves qu’il peut traverser ?  

  1. L. :Il faut rappeler que le chant TahitiTi΄a mai nous a été inspiré par la série de cyclones qui avaient frappé très durement la Polynésie française en 1983. Je me souviens qu’il ne restait pas une seule palme de cocotier debout. Cette année-là, le Pays voulait se consacrer à la reconstruction et avait annulé le Heiva i Tahiti, mais les chefs de groupe se sont mobilisés pour organiser un Heiva sans compétition. Il y avait l’envie farouche de monter sur scène quoi qu’il arrive, mais aussi de soutenir les sinistrés. Aujourd’hui, c’est un autre événement qui nous touche, et dont on n’est pas encore sortis, mais nous sommes toujours debout. C’est cela que nous célébrons.  
  2. T. :Cette cérémonie est un hommage à 140 ans deHeiva ; or, le Heiva symbolise la vitalité de notre peuple. On espère être au rendez-vous dans 140 ans.  

En quoi la cérémonie 2021 sera-t-elle différente des cérémonies traditionnelles du Heiva i Tahiti ? M. T. : À ma connaissance, il n’y a pas eu ces dernières années de rassemblement dans un même lieu de toutes les disciplines et activités qui animent les festivités de juillet. Les sports traditionnels, les artisans, les groupes de chants, les groupes de danse, les musiciens, les représentants du va’a, nous sommes tous heureux de nous retrouver à To΄atā. 

  1. L. :LeHeiva ce n’est pas que la danse et les chants, ce sont toutes ces disciplines, tous ces domaines d’expertise. La danse et le hīmene sont souvent sous les projecteurs, mais les autres disciplines font partie intégrante du Heiva 

Pour l’organisation de l’événement, vous êtes-vous appuyés sur des personnalités dans chaque discipline ?  

  1. T. :Oui, par exemple MamaIopa, plusieurs fois présidente du jury et enseignante au Conservatoire s’occupe de la partie chant. Nous sommes également en contact avec Enoch Laughlin, le président de la Fédération des sports et jeux traditionnels. Les artisans et la Fédération de va’a ne seront pas en reste.  

Concrètement, comment se déroulera la cérémonie ?  

  1. T. :De nombreux acteurs duHeiva i Tahiti vont se succéder sur scène. Il y aura bien sûr des danseurs qui ont été récompensés par le passé, des musiciens, des artisans, etc. Il y aura des projections d’images d’archives, des ΄ōrero qui déclameront des créations d’écritures inédites proposées par nos auteurs autochtones…  
  2. L. :On va remonter dans le temps et balayer ces 140 ans de transmission de notre culture dans la variété de ses expressions, de façon festive mais aussi solennelle, avec des temps chargés d’émotion et d’autres plus ludiques. 
  3. T. :Pendant deux heures, on va penser au passé, mais surtout au présent et au futur. 

Peut-on parler de « transmission » ?  

  1. T. :On a choisi de retracer cette histoire qui nous appartient, de se remémorer ceux qui ont fait leHeiva, de penser à tous ceux qui nous ont quittés, mais aussi à tous ceux qui sont encore aujourd’hui des trésors vivants et à cette nouvelle génération qui fera le Heiva de demain.  
  2. L.  :Nous avons à la fois un devoir de mémoire et de transmission. Nous voulons mettre toute notre énergie à transmettre cette histoire et tous ces savoirs aux générations futures.  

Est-ce que cette cérémonie est le point de départ d’un nouveau Heiva i Tahiti ?  

  1. T. :Non, cette cérémonie est vraiment propre au festival de cette année. Concernant le comité de refonte duHeiva i Tahiti, pour l’instant les discussions doivent se poursuivre avec les groupes pour trouver un consensus sur une nouvelle mouture. L’objectif est de pouvoir appliquer dès l’année prochaine un nouveau règlement et de nouvelles fiches de notation validés par les chefs de groupe, et ce pour longtemps.  

Comment accéder à la soirée de cérémonie ? 

  1. T. :Même si on ne connait pas encore la capacité d’accueil dans le cadre des mesures sanitaires*, on peut tout de même dire que l’entrée sera gratuite, il y aura aussi une retransmission en live sur le site officiel duHeiva i Tahiti. L’idée est que tout le monde puisse profiter de ce moment. Cette cérémonie est avant tout pour notre peuple.  
  2. L.  :Dans ce contexte particulier, cet événement dans sa globalité va offrir une parenthèse chaleureuse à tout un chacun et emporte déjà les artistes des hīmene et du ‘ori tahiti dans une sphère positive et salutaire.  

Pratique  

Cérémonie d’ouverture du festival Tahiti Ti’a Mai, le 29 juin sur la place To’atā  

  • Billetterie : ouverture à partir du 1er juin, soirée gratuite mais avec une billetterie. 
  • Les billets sont disponibles sur place ou sur le site de la Maison de la culture 
  • Renseignements au 40.544.544 ou surwww.maisondelaculture.pf 
  • Dans le respect des mesures sanitaires

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