Hiro’a n°163 – Le saviez-vous ? Papeete- instituée « commune » par un décret de 1890
Le saviez-vous ?
Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha faufa΄a tupuna
Rencontre avec Cédric Doom, du Département du patrimoine audiovisuel, multimédia et Internet au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel. Sources : Témoignage d’un autre temps de Véronique Mu-Liepmann, commune de Pape΄ete et Pape΄ete, 1818-1990 de Christian Gleizal/Cobalt, Mairie de Pape΄ete. Texte Pauline Stasi – Photos : SPA
Papeete- instituée « commune » par un décret de 1890
Parmi les innombrables trésors gardés précieusement par le Service du patrimoine archivistique et audiovisuel, se trouve une très belle collection de photographies de Papeetē de la fin du XIXe siècle. Ces clichés sont l’occasion de se plonger dans l’histoire de la capitale polynésienne. Saviez-vous que c’est par un décret signé le 20 mai 1890 par le président de la IIIe République, Sadi Carnot, que la première commune du fenua, ayant pour chef-lieu Papeetē, fut créée ?
Deux orthographes et deux traductions se côtoient : soit Pape’ete, qui signifie « l’eau transportée dans un panier, une corbeille », ou bien Papeetē qui veut dire « eaux qui jaillissent/eaux expulsées » — en référence à la Vaietē, nom de la source et du ruisseau dont les eaux traversent les jardins de l’Assemblée de Polynésie française, ainsi que le parc Bougainville et dans lesquelles étaient perpétrés certains rites liés à l’enfantement. La petite bourgade fut fondée, selon les historiens, par le pasteur anglais William Crook qui s’y installa en 1818 avec sa nombreuse famille, construisant un temple, une école et un hospice. Au fil des années, le nombre des habitants augmente, Papeetē se développe pour devenir le véritable poumon économique, social et religieux de la Polynésie française. Lors de l’annexion de Tahiti, le 29 juin 1880, le gouverneur Chessé fait paraître un décret qui crée le Conseil colonial, remplacé quelques années plus tard par le Conseil général et ses dix-huit membres élus. Ce nouveau conseil est présidé par François Cardella. Chef du parti français, dit « catholique », François Cardella est originaire de Bastia (Haute-Corse). Médecin militaire, il arrive à Papeetē en février 1866. Il démissionne de l’armée en 1869 et, avec son collègue du service de la Marine, François Graffe, il ouvre la première pharmacie du protectorat à l’angle des rues Bréa et Rivoli, appelées aujourd’hui rue Lagarde et rue du Général De Gaulle. Il épouse Marie-Louise Cébert, veuve de son ami Félix Lagarde. Femme de caractère, ayant une influence décisive, elle est, dit-on, « le meilleur agent électoral de son époux ». Cardella et ses partisans, le « clan Cardella », comme on l’appelle, militent pour une plus grande liberté du conseil vis-à-vis du gouverneur, le représentant du président de la République française, qui a le droit de destituer sans procédure les membres.
Chef des colons, François Cardella souhaite donner à Papeetē, toujours englobée administrativement dans l’ancien district de Pare, un conseil municipal pour gérer la ville qui compte désormais environ 3 500 habitants. Il fait adopter par le conseil général une série de vœux demandant à ce que la nouvelle législation métropolitaine qui accorde une plus grande autonomie aux conseils municipaux soit également appliquée dans les colonies. Mal accueillie au départ par Paris, cette requête sera finalement acceptée le 20 mai 1890. « À la faveur d’un changement ministériel en France, le Président de la République française Sadi Carnot signe le projet de décret instituant dans les Établissements Français de l’Océanie (EFO), une commune ayant pour chef-lieu Pape’ete ». Copiant ainsi les dispositions prises pour Nouméa en 1879, Papeetē devient ainsi la première commune de Polynésie française.
L’article 1er du décret fixe les limites de la commune : « À l’Est, le cours de la rivière Fautaua, depuis son embouchure jusqu’au fort du même nom ; à l’Ouest, la route actuelle du cimetière, prolongée jusqu’à la mer ; au Nord, la mer et au Sud, une ligne qui, partant du fort de Fautaua, aboutirait à la route du cimetière prolongée à un kilomètre dans I ’intérieur des terres. »
Dans l’article 2, il est précisé que « sont rendues applicables à Tahiti les dispositions du décret du 8 mars 1879, instituant à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) un conseil municipal, sous la réserve que les attributions dévolues par cet acte au Directeur de l’Intérieur, en ce qui concerne la police municipale, seront exercées à Pape΄ete par le maire, sous l’autorité de l’administration supérieure. »
Côté finances, les recettes de la nouvelle municipalité sont inscrites sur le budget de la colonie. Elles proviennent de l’octroi de mer, des patentes fixes et proportionnelles des licences.
François Cardella élu maire
Suite à ce décret, le gouvernement prend un arrêté le 25 septembre invitant les 447 électeurs inscrit sur la liste électorale de Papeetē à participer à ce premier scrutin municipal pour élire les quinze membres du futur conseil municipal. Organisé le 23 novembre 1890 de 8 heures à 16 heures, 336 électeurs répondent à cet appel et se rendent au bureau de vote situé dans la salle de l’état civil. Si François Cardella ne sort pas en tête du scrutin populaire, il recueillera 13 voix sur 15 lors de la première séance du conseil municipal le 1er décembre 1890 et deviendra alors le premier maire de la commune de Papeetē. Son premier adjoint sera Victor Raoulx, élu avec 8 voix. François Cardella sera maire de 1890 à 1902 puis de 1903 jusqu’en 1917. Depuis la création de la commune de Papeetē, le 20 mai 1890, douze maires se sont succédé à sa tête, dont une seule femme, pour des durées variables comprises entre quelques mois et vingtsept ans. Papeetē restera la seule et unique commune de la colonie, jusqu’à la création de la commune de ‘Uturoa à Ra’iātea en 1945.