Hiro’a n°159 – Trésor de Polynésie : Le fonds Bringold enrichit les archives iconographiques du Pays
Trésor de Polynésie
Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha faufa΄a tupuna
Rencontre avec Sébastien Damé et Cédric Doom du département du patrimoine audiovisuel multimédia et Internet au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA). Texte Pauline Stasi – Photos Werner Bringold.
Le fonds Bringold enrichit les archives iconographiques du Pays
Werner Bringold s’est éteint le 12 décembre 2020 à l’âge de soixante-dix-huit ans. Ancien photographe aux Nouvelles de Tahiti, il a sillonné pendant des années le fenua, son Nikon en bandoulière. Il avait déposé en 2014 et en 2016 plus de 40 000 clichés au Service du patrimoine archivistique et audiovisuel de Tīpaeru’i.
Avec son œil malicieux et son appareil photo en main, Werner Bringold aura capturé autant de petits moments instantanés que de grands événements de la Polynésie française pendant près de quarante ans. Décédé il y a peu, le photographe suisse le plus célèbre du fenua, a eu une vie digne d’un roman d’aventures.
Né à Bâle en 1942 en Suisse pendant un bombardement, il fugue à Paris alors qu’il n’a que dix-sept ans pour s’engager un an plus tard dans la marine marchande. Il va alors vadrouiller pendant six ans sur les océans, appareil photo au cou évidemment. Il y immortalisera ses rencontres avec le docteur Albert Schweitzer en Afrique, et même avec Ernest Hemingway dans un bar à Cuba. Il quitte ensuite la marine pour caboter en Océanie, ce « continent océanique » qui, dès l’enfance, l’a toujours envoûté. Papouasie-Nouvelle-Guinée, Australie où il obtient son brevet de « capitaine au grand cabotage ». Il fixe ensuite les amarres en Nouvelle-Calédonie où il rencontre sa future femme, une institutrice d’origine wallisienne avec qui il aura trois filles.
Associé au prix Nobel de la paix
En 1979, il s’embarque en tant que second capitaine du navire Île de lumière dans l’aventure de Médecins sans frontières sur le Mékong. L’expédition, dirigée par Bernard Kouchner, viendra en aide aux milliers de boat people vietnamiens. En 1999, il est associé au prix Nobel de la paix, décerné collectivement à l’association humanitaire pour ses actions.
En 1980, le convoyage du Mo’orea Ferry Tosa l’amène en Polynésie française. Il y traînera ses guêtres pendant presque quatre décennies : à Moruroa, où il gèrera le laboratoire photo amateur, puis surtout à Tahiti, comme photojournaliste pour Les Nouvelles de Tahiti. Au gré de ses déambulations pédestres ou en truck – Heiva, personnalités, arrivées de voyageurs à l’aéroport ou celles des navires, événements comme le Fifo ou les élections, sans oublier bien sûr nos Miss Tahiti –, son objectif aura tout capté.
Des milliers de photos déjà répertoriées
Le photographe, à la barbe devenue blanche au fil des années, laisse derrière lui un magnifique patrimoine visuel à la Polynésie française. À la fermeture du quotidien en 2014, il signe une convention avec le Service du patrimoine archivistique et audiovisuel et y dépose une partie de son fonds, qui sera suivi d’un second dépôt en 2016. Diapositives, positifs papier, photos numériques, au total le fonds iconographique de Werner Bringold représente plus de 42 800 photos numériques ou papiers. Le Service du patrimoine archivistique a la responsabilité de le conserver indéfiniment et dans les meilleures conditions.
Étant donné le nombre impressionnant de clichés, « le fonds n’est pas encore totalement indexé, c’est-à-dire comprenant la description détaillée de chaque photo. Cette phase prendra encore quelques années. En revanche, pour les milliers de photos déjà répertoriées, nous sommes amenés à effectuer régulièrement des recherches thématiques. Ce sont des demandes qui peuvent provenir de chercheurs, de professionnels de l’audiovisuel pour illustrer des documentaires, d’institutions pour des événements culturels ou historiques. Après une sélection dans notre base photographique, nous leur envoyons un portfolio avec les images en petites dimensions pour qu’ils fassent leur choix. Ils peuvent aussi venir visionner le catalogue au SPAA sur rendez-vous et choisir celles qu’ils souhaitent », précise Sébastien Damé, du SPAA.
Le Service étant dépositaire mais pas propriétaire des photos, les personnes qui souhaitent réutiliser les images doivent contacter les ayants-droit de Werner Bringold. Une convention est ensuite signée avec le demandeur, précisant le cadre de la réutilisation pour une durée déterminée. Un cliché en bonne résolution est alors envoyé permettant aux photos de Werner Bringold de vivre de nouvelles et belles aventures.
Comment se déroule un dépôt ou un don de photos au SPAA ?
Chaque personne qui dispose de photos, qu’elles soient contemporaines ou anciennes, peut venir déposer ses photos au SPAA dès lors qu’elles présentent un intérêt patrimonial ou historique pour la Polynésie française. Pour cela, il suffit de prendre un rendez-vous au préalable. Une convention de dépôt révocable est ensuite signée. Celle-ci prévoit l’archivage pour une durée indéterminée, soit sur le serveur informatique du SPAA pour les fichiers numériques, soit dans les magasins de conservation du SPAA pour les photos ou documents papiers.
Pour les photos en tirage papier, le SPAA s’engage sous quelques semaines, voire quelques mois selon le volume du fonds à traiter, à remettre gratuitement une version numérique des photos numérisées au déposant.
Jean-Claude Soulier est décédé
Le 12 décembre 2020 s’éteignait également un autre pilier du journalisme et du photojournalisme polynésien, Jean-Claude Soulier à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. L’ancien rédacteur en chef adjoint de La Dépêche de Tahiti, nous avait ouvert ses archives personnelles lors de notre article sur les 40 ans de ce quotidien paru dans le Hiroa numéro 158 de décembre 2020.