Hiro’a n°156 – Le saviez-vous ? Jacques Boullaire et son imagier de la Polynésie
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LE SAVIEZ-VOUS ? – Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha faufa ‘a tupuna
Jacques Boullaire et son imagier de la Polynésie
Rencontre avec Cédric Doom du département du Patrimoine audiovisuel et internet (DPAMI) au SPAA et Jean-Bodinier des éditions ‘Api Tahiti. Texte : ASF – Photos : Collection SPAA – Archives PF – avec l’aimable autorisation de Fare Rata et Fonds BOULLAIRE – avec l’aimable autorisation de Monsieur Jean-Luc Bodinier.
Dessins, croquis, aquarelles, gravures… Illustrateur hors pair, Jacques Boullaire (1893-1976) a laissé une œuvre riche et émouvante racontant, telle une photographie, la Polynésie des années 1937 à 1966. On y perçoit les gestes et les postures d’une société polynésienne accueillante et simple.
« Boullaire a beaucoup plu localement, car il a su capter les gestes et faits des Polynésiens, raconter la vie courante, mais aussi la lumière à travers un jeu d’ombre. » Jean Luc Bodinier, directeur de la maison d’édition ‘Api Tahiti et actuel gestionnaire du fonds Boullaire, en est persuadé : l’artiste peintre français d’un tempérament discret et rêveur était dans le vrai lorsqu’il s’agissait de reproduire un geste, une attitude, une posture de ce Tahiti d’antan, de ce Tahiti antérieur au CEP qui a tant transformé la société.
Le 5 octobre 2020, cela fera 44 ans que le peintre a disparu, laissant une œuvre riche et émouvante notamment sur la Polynésie qu’il avait découverte grâce à son épouse Anne Hervé et où il séjournera à trois reprises. Pour l’occasion la réédition de deux carnets de croquis est d’ailleurs programmée d’ici la fin de l’année par les éditions ‘Api Tahiti.
Jacques Boullaire était déjà un artiste accompli lorsqu’il séjourne pour la première fois à Tahiti, entre juin 1937 et mars 1938. Né dans une famille bourgeoise, il décide après la Première Guerre mondiale où il se distingue en tant qu’aviateur de se consacrer à son art de prédilection : le dessin. Il s’emploie également à différents types de gravure (bois, burin, pointe sèche, eau-forte, lithographie).
Plus de 4000 croquis
En 1937, son premier voyage est celui de l’observation. Les couleurs, les lumières, tout le fascine, si bien qu’à son retour à Paris il entreprend d’illustrer Le mariage de Loti avec tout ce qui l’a nourri pendant son séjour. D’autres livres comme Les immémoriaux de Victor Segalen, Taïpi de Herman Melville ou Mon île Maupiti d’André Ropiteau bénéficieront également de son talent.
C’est lors de son second séjour, de 1949 à 1952, que son œuvre sur la Polynésie sera la plus riche avec plus de quatre mille croquis qui vont alimenter 250 gravures.
Accompagné de sa femme et de son unique fille Catherine Alice, surnommée Aiu*, Jacques Boullaire embrasse une vie simple et nomade. Lorsqu’il est à Papeete, Jacques fréquente le milieu intellectuel de l’époque et vit dans une maison mise à disposition par la princesse Takau. Mais lorsque la famille embarque pour des îles plus éloignées de la capitale, Moorea, Bora Bora, Maupiti, elle peut dormir sous une tente qui accueille les objets les plus précieux : appareil photo et boîtes de dessin. Chaque jour, Jacques Boullaire va au-devant des paysages et des gens, feuilles de dessin sous le bras. « Les Tahitiens posent volontiers lorsqu’il leur demande de rester immobiles dans l’attitude naturelle où il les trouve » raconte sa fille dans l’ouvrage qui lui est consacré. Le dimanche au temple, au marché, sur le quai, sur les terrasses des maisons… partout où il y a de la vie, l’artiste observe, dessine, raconte.
L’année 1966 verra son dernier séjour en Polynésie au cours duquel il s’attachera surtout à revenir sur les lieux qu’il a particulièrement aimés. Jusqu’à sa disparition en France, le 5 octobre 1976, Jacques Boullaire n’a jamais cessé d’exprimer son art sur le thème de la Polynésie. ◆
* ‘aiū signifie nourrisson, petit enfant en tahitien. C’est un terme d’affection adressé à un jeune enfant.
HT
Aux côtés de Boullaire, Anne de Apataki
Si le nom de Jacques Boullaire est aujourd’hui connu de tous, celui d’Anne Hervé l’est moins. Pourtant son épouse, peintre également, avait tout autant de talent. Née à Tahiti et fille d’un administrateur des Tuamotu, Anne Hervé-Boullaire a vécu de nombreuses années à Apataki où son père avait acheté un motu, avant de s’installer en France où elle rencontra Jacques Boullaire. Elle a réalisé de très beaux pastels et a beaucoup dessiné les habitants de ces atolls avant de se consacrer aux paysages. Elle laisse également des écrits sur la Polynésie, notamment Magie et sorcellerie chez les indigènes de l’archipel Paumotu, paru dans le quatrième tome du Journal de la Société des océanistes de 1948.
L’éditeur ‘Api Tahiti a publié un ouvrage intitulé Jacques Boullaire – Anne Hervé dans la collection Les Ateliers du Pacifique, textes de Ricardo Pineri.