Hiro’a n°155 – Dossier : Une salle, quatre expos : l’art s’affiche en septembre

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Dossier – Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui

Une salle, quatre expos : l’art s’affiche en septembre

Rencontre avec Mylène Raveino, responsable des activités permanentes de la Maison de la culture, Tvaite, artiste peintre, Temana Prokop, co-gérant de l’atelier du même nom, Hinano Servais, présidente de l’association Te Anuanua art et Dominique Fargues, artiste peintre. Texte : Lucie Rabréaud – Photos : Lucie Rabréaud – Te Anuanua art – Prokop

Depuis vingt-deux ans, la Maison de la culture propose des expositions temporaires dans la salle Muriāvai. Mylène Raveino, responsable des activités permanentes de la Maison de la culture et amoureuse de l’art et de l’expression picturale, a lancé ces événements après une rencontre avec l’artiste Tehina. À l’époque, elle veut montrer ses œuvres. « La salle Muriāvai n’était pas du tout une salle d’expo, c’était un entrepôt de matériel et les murs étaient vitrés. On a installé des panneaux de bois pour avoir une surface d’accrochage, on les a peints en blanc, on a posé le carrelage nous-mêmes, on a installé des lumières. Tout ne s’est pas fait du premier coup mais on s’est débrouillés pour avoir une salle d’exposition avec les moyens du bord. » Le premier à inaugurer la salle est donc Tehina dont Mylène est restée « une grande fan ».

Depuis, la salle accueille en moyenne deux expositions par mois et parfois plus quand c’est possible, comme en ce mois de septembre. Une moyenne qui prouve la richesse de la créativité polynésienne. D’autant que la salle est ouverte à tous : professionnels comme amateurs. C’est Mylène Raveino qui reçoit les personnes et les propositions qu’elle sélectionne. « Quand je dis non, je le dis avec tact mais je ne tourne pas autour du pot et je dis pourquoi. Quand je refuse, c’est généralement que l’artiste n’est pas prêt. Ce n’est pas mature. Il y a quelque chose mais ça manque de travail, de technique. » Mais il y a aussi toutes les découvertes et les bonnes surprises, comme cette année avec Peka’17, un duo d’artistes mère-fille formé par Pénélope et Kalani Tahutini, ou encore ce tout jeune garçon de douze ans, Teora, pour les plus inattendus. Ainsi que tous ceux que Mylène conduit dans leurs premiers pas. « Stéphanie M. (exposée fin juillet, NDLR) était très angoissée avant l’exposition et à l’issue, elle m’a dit qu’elle était lancée et qu’elle allait continuer », raconte Mylène avec satisfaction.

Une salle appréciée et un tremplin

Non seulement la Maison de la culture met à disposition la salle Muriāvai mais elle accompagne aussi les artistes. Les tarifications des oeuvres sont parfois déterminées avec Mylène, la communication est assurée par les équipes de l’établissement comme la préparation de l’affiche de l’exposition. Le systéme est beaucoup plus souple que dans une galerie d’art. Ici, aucune commission n’est prélevée sur les ventes. Exposer à la salle Muriāvai est véritablement un tremplin pour certains. Tvaite le reconnait : sa première exposition lui a mis le pied à l’étrier. Toutes ses oeuvres ont été vendues, ce qui l’a encouragée à poursuivre. « Cela fait partie de notre mission que de promouvoir les artistes et valoriser leur art » , ajoute Mylène.

C’est peut-être aussi un lieu plus facile d’accès que les galeries d’art qui peuvent être impressionnantes tant pour les artistes que pour le public. « La salle Muriāvai draine un public très varié, admet Tvaite. C’est intéressant de rencontrer tous ces gens différents, de raconter ce que j’ai voulu peindre. » C’est l’autre atout de ces expositions : les artistes doivent être sur place. Ils sont donc disponibles pour discuter, échanger, rencontrer leur public. « Nous faisons toujours la connaissance de beaucoup de monde. Ça ouvre l’esprit, on apprend aussi les uns des autres », explique Hinano Servais, présidente de l’association Te Anuanua art. Selon Mylène, sur la semaine, entre 150 et 200 personnes viennent voir une exposition. Certains professeurs y emmènent leurs élèves, l’accès est gratuit et ils rencontreront l’artiste. « Si tu n’as pas les codes ou un accès à la peinture, tu vas peut-être passer à côté de quelque chose alors que si l’artiste est là et qu’il te parle de son œuvre, tu la verras autrement… Elle prend alors une autre dimension », explique Mylène Raveino.

Certains apprécient particulièrement cette salle : « Je la connais tellement bien que je m’y projette déjà en peignant mes toiles ! », avoue Tvaite. En effet, la salle Muriāvai est grande, très claire, offre un bon recul et permet donc d’exposer de grandes toiles. L’atelier Prokop qui la loue (une autre possibilité proposée par la Maison de la culture) pour son exposition ne voyait pas d’autres lieux : « C’est un espace culturel de choix, y exposer permet de marquer le coup culturellement parlant. »

Tehina, le premier à y avoir été exposé est aujourd’hui en galerie et Mylène Raveino en est très heureuse : « Sur ces vingt-deux années, beaucoup d’artistes ont fait leurs premières expositions à la Maison de la culture et aujourd’hui, ils sont en galeries. La Maison de la culture a joué son rôle de tremplin ! »

PRATIQUE

• www.maisondelaculture.pf

• facebook Médiathèque de la Maison de la culture


L’association Te Anuanua art : la beauté sous toutes ses formes

Pour effacer un peu d’anxiété due à l’actualité, l’association Te Anuanua art propose de mettre de la beauté dans nos vies ! Une quinzaine d’artistes vont proposer des peintures et des objets artisanaux sur le thème de la beauté sous toutes ses formes. Peintures acryliques, à l’huile, aquarelles, peinture au couteau, miroir avec support en bois et nacre, pendules sur support en bois, boîtes à bijoux en nacre : l’exposition se veut riche et luxuriante. Hinano Servais, la présidente, a motivé ses troupes pour présenter un maximum d’œuvres aux visiteurs. Elle-même exposera des tableaux dont un de forme abstraite. L’association, qui existe depuis 2004, s’est créée autour de participants aux cours de peinture de Jean-Luc Bousquet. C’est une copine qui y avait entrainé Hinano. Alors qu’elle-même dit ne rien connaitre à l’art, elle va se mettre à peindre, avec un certain talent, et ne plus s’arrêter. Tous les membres de l’association lui ressemblent : des amateurs qui peignent pour le plaisir, sans prétention. Certains avaient d’ailleurs du mal à se séparer de leurs œuvres et la vente n’est arrivée que tardivement. Aujourd’hui, Hinano reconnait que vendre sa production la rend fière et la motive. L’association expose une fois par an et reste fidèle à la salle Muriāvai de la Maison de la culture.

• Du 8 au 12 septembre

Leg :

Servais

Marie Claude

Iris

Chan

Sarah

Meri


Atelier Prokop : renaissance

L’atelier Prokop, connu pour ses bijoux et pour être l’un des meilleurs spécialistes de la gravure sur nacre, va présenter pour la première fois lors d’une exposition exhibition son travail sur la décoration d’intérieur. « La majorité des produits ne sera pas mise en vente, nous voulons simplement montrer notre savoir-faire », explique Temana Prokop, co-gérant de l’atelier. Désormais il confectionne des objets d’art comme des sculptures sur bois en appliques murales ou montées sur socle ou encore encadrées, des tableaux à l’encre de Chine sur des tapa des Marquises, des luminaires décorés, des tableaux numérisés reprenant les originaux en tapa, des totems… « Nous avons lancé cette nouvelle ligne car nous avons le goût du beau », résume simplement Temana. Il faut trois mois et quatre personnes pour réaliser un tableau sur tapa, dans lequel l’encre de Chine est parfois mélangée à la terre pour apporter de la couleur au dessin. Figuratifs ou abstraites, ces œuvres mettent en avant la culture polynésienne.

La difficulté à s’approvisionner en nacres a aussi poussé la société à s’élargir à d’autres formes d’art et d’artisanat. Une autre collection accompagnera la décoration d’intérieur : une ligne de linge de maison (draps, rideaux, papiers peints…) qui sera proposée début 2021. Enfin, de l’outillage est également prévu

en sculpture sur pierre. L’atelier Prokop élargit son horizon !

• Du 17 au 20 septembre


Dominique Fargues : des femmes et des voyages

Dominique Fargues exposera pour la deuxième fois à la salle Muriāvai. Originaire de la Martinique, installé à Tahiti depuis plus de quarante-cinq ans, l’artiste peintre est aussi musicien et bien connu des amateurs des scènes musicales de Tahiti qu’il a écumées avec son groupe Concrete Jungle. Aujourd’hui, il se consacre à la peinture et aussi à son jardin où il aime cultiver toutes sortes de plantes. Il ne planifie pas vraiment les expositions, celles-ci se présentent quand les toiles sont suffisamment nombreuses. Les visiteurs pourront admirer des paysages du Japon et de Nouvelle-Zélande et des nus féminins. Ces sujets émergent en fonction de son inspiration du moment même si, pour les nus, il s’était posé comme principe « de peindre des femmes sensuelles sans qu’elles soient dans des poses provocantes […]. Il y a beaucoup de représentation de nus aujourd’hui mais les femmes y sont rarement naturelles. Ces signes de séduction sont stéréotypés. Je voulais essayer de faire des femmes attirantes, quelles qu’elles soient, sans qu’elles posent ». L’exercice s’est transformé en de nombreuses peintures qu’il souhaite aujourd’hui montrer au public. Sur les paysages, c’est l’effet de lumière qui va l’arrêter et le décider à peindre. « Quand je peins, je plane !, explique-t-il. Je suis concentré, j’oublie tout. » Dominique Fargues peint toujours à l’huile pour y trouver les teintes qu’il aime mais jamais dans le même style. « J’ai une idée du rendu, je choisis mes pigments et prépare ma palette », et c’est parti. C’est généralement sur la terrasse de sa maison qu’il s’installe, déplaçant son chevalet au gré de la course du soleil.

• Du 29 septembre au 3 octobre


Māmā Fenua de Tvaite

Caroline Tevaite Teiti, que l’on connait sous son nom d’artiste Tvaite, exposera pour la quatrième fois à la salle Muriāvai de la Maison de la culture. Salariée dans l’enseignement, elle s’est petit à petit découverte artiste et a osé se lancer tout à fait il y a quelques années. C’est à la salle Muriāvai qu’elle fait ses premiers pas avec Mandala no Porinetia en avril 2017. Pour y revenir ensuite chaque année : Triangles polynésiens en 2018 et Te Anuanua en 2019 et enfin, Māmā Fenua qu’elle présentera en septembre 2020. Les mandalas ont laissé place au figuratif mais tout en gardant ce style naïf, très géométrique et coloré. C’est le confinement et l’envie de faire un fa’a’apu pour se nourrir qui ont inspiré ses œuvres. « Je voulais quelque chose de luxuriant, de tropical, montrer l’importance de la terre sans qui nous ne sommes rien. Il y aura beaucoup de plantes, de fruits, de légumes… » Depuis ses débuts, Tvaite confie avoir pris confiance en elle et s’être libérée des commentaires des uns et des autres. Elle fait ce qui lui plait ! Les succès de ses expositions lui ont aussi permis de se faire un nom et une place dans le milieu artistique.

Le confinement a malheureusement stoppé un grand projet en Californie mais il lui a donné de nouvelles idées : Tvaite se lance dans l’upcycling. Un moyen de se servir de son art pour redonner vie à d’anciens meubles ou objets de la maison. Elle continue de peindre « avec confiance » tout en s’interrogeant sur la place de l’art dans les achats des uns et des autres. « Il faut accueillir la vie comme elle vient et ça permet aussi de sortir de sa zone de confort. »

• Du 22 au 26 septembre

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