Hiro’a n°154 – 10 questions à : Anatauarii Leal Tamarii « Définir le potentiel de certaines vallées méconnues »
10 questions à Anatauarii Leal Tamarii
« Définir le potentiel de certaines vallées méconnues »
Des prospections archéologiques sont actuellement menées aux Marquises pour le dossier d’inscription au patrimoine mondial de l’humanité, sous le contrôle de la Direction de la culture et du patrimoine. Les résultats de ces campagnes archéologiques permettront aussi aux habitants des Marquises de mieux s’approprier leur patrimoine.
Des missions de prospections archéologiques sont actuellement menées aux Marquises pour le dossier d’inscription au patrimoine mondial de l’humanité, quel est le rôle de la Direction de la culture et du patrimoine exactement ?
Suite à la mission d’accompagnement des experts du Comité des biens français du patrimoine mondial, organisée en décembre 2019, des recommandations ont été émises. Parmi celles-ci, les experts ont souligné la nécessité pour le Pays de s’inscrire dans une dynamique d’acquisition de données au travers du lancement de prospections archéologiques visant à mieux définir le potentiel de certaines vallées encore méconnues. C’est dans cette perspective précise que la DCP a commandité cette opération. Ce travail de recherches archéologiques est conduit sous le contrôle de la DCP qui, en collaboration avec les prestataires retenus, fixe la méthodologie à appliquer ainsi que les modalités d’exécution de la campagne.
Vous-même, vous revenez de la vallée de Hakaui à Nuku Hiva, que s’y est-il passé ?
Des kilomètres de marche en vallée ! Les journées filent à toute allure car nous sommes toujours en mouvement, d’une structure à l’autre, entre enregistrement des coordonnées GPS, nettoyage, reportage photographique, description et relevé des vestiges.
Qu’est-ce qu’une campagne de prospection archéologique exactement ? Comment se déroule-t-elle ?
La prospection archéologique recouvre l’ensemble des opérations visant à obtenir des informations relatives à l’occupation d’un espace délimité. Les objectifs peuvent être variés mais, dans le cadre de cette campagne, il s’agit principalement d’établir une cartographie de l’occupation ancienne de la vallée de Hakaui. D’une manière générale, les prospections s’organisent en secteurs (basse, moyenne et haute vallée) selon un maillage préalablement défini par les archéologues. Équipés de leur GPS, appareil photo et cahier de note, les archéologues parcourent ensuite la vallée dans le but de recenser l’ensemble des vestiges visibles en surface. Logiquement, la prospection archéologique est une démarche qui s’effectue en amont de la fouille, puisqu’elle permet de répondre à la question : « Où est-il pertinent de fouiller ? ».
Une prospection archéologique est actuellement menée par Émilie Perez dans la vallée de Hakaui. Qu’en attendez-vous ?
Une meilleure connaissance du patrimoine archéologique de cette vallée. Autrement dit, un recensement rigoureux des structures archéologiques encore visibles. Les résultats de cette opération serviront au dossier de candidature des îles Marquises au patrimoine mondial de l’humanité.
Quelles sont les particularités de cette vallée ? Êtes-vous en recherche de choses spécifiques ?
En quelques mots, la vallée de Hakaui se présente tel un étroit canyon dont les falaises, en draperies, se prolongent sur environ 6 kilomètres vers l’intérieur des terres. La vallée est réputée pour sa majestueuse cascade Vaipō. Initialement inscrite dans la composante au titre du critère naturel, la vallée se distingue des autres par ses formations géologiques qui accentuent, plus qu’ailleurs, l’impression de verticalité. À ce titre, les experts ont confirmé l’importance de retenir cette vallée pour sa beauté naturelle et son importance esthétique exceptionnelle. Néanmoins, pour répondre au besoin de mixité du dossier, les émissaires ont également insisté sur la valeur de son organisation spatiale traditionnelle qui, en raison de sa formation géologique, a nécessairement influé sur les modalités d’occupation de la population. La vallée de Hakaui pourrait présenter un modèle d’occupation différent de celui des autres vallées. En cela, elle apporterait une vision plus nuancée du modèle généralement reconnu. C’est pour toutes ces raisons que cette campagne a été organisée.
Axez-vous les campagnes de prospection sur des objectifs précis, des recherches particulières à faire, des réponses à trouver ?
Quelle que soit l’opération archéologique (prospection, diagnostic, fouille, etc.), celle-ci doit avant tout correspondre à une problématique définie en amont. Dès lors, cette campagne se fixe pour principal objectif de cartographier l’ensemble des vestiges archéologiques encore visibles dans cette vallée. À terme, cette carte permettra de situer précisément les structures et comprendre leur organisation en fonction de leur environnement.
Ces missions entrent dans le cadre du projet d’inscription des Marquises au patrimoine mondial de l’humanité mais présentent-elles d’autres intérêts (pour l’histoire, la population, la recherche…) ?
Oui, tout à fait ! Outre le projet d’inscription, les résultats de cette campagne archéologique offriront un moyen pour les habitants de cette vallée de mieux s’approprier leur patrimoine. Dans une perspective plus large, cette opération permettra d’amender de façon significative la carte archéologique du Pays. Cette dernière recense l’ensemble des sites à la fois archéologiques, historiques mais également légendaires du Pays. C’est un outil important pour la connaissance et la gestion du patrimoine archéologique du Pays.
Neuf sites ont été retenus pour le dossier d’inscription des Marquises au patrimoine mondial de l’humanité, vont-ils tous être l’objet de campagnes de prospections archéologiques ?
Non, car certains d’entre eux ont d’ores et déjà fait l’objet de nombreuses opérations archéologiques ; je pense notamment à la vallée de Hatiheu ou encore celle de Taaoa à Hiva Oa. En revanche, d’autres devront effectivement faire l’objet de prospections à venir.
Combien de sites ont été répertoriés aujourd’hui ?
À ce jour, ce sont plus d’une centaine de structures qui ont été mises au jour en l’espace de deux semaines. Parmi elles, figurent des grands complexes communautaires (tohua), des espaces religieux (me’ae), des zones de plantation (terrasses horticoles) et, bien entendu, un nombre important de structures d’habitat (paepae).
Quelles sont les prochaines étapes pour le dossier d’inscription des îles Marquises au patrimoine mondial de l’humanité ?
Concrètement, la prochaine étape du dossier est fixée au 15 septembre 2020. Cette date correspond à la soutenance de l’étape 2 (le dossier de proposition d’inscription) auprès du Comité des biens français du patrimoine mondial.