Hiro’a n°153 – Dix questions à : Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles et membre du jury « Tahiti / Art en confinement
Dix questions à Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles et membre du jury « Tahiti / Art en confinement »
Propos recueillis par Alexandra Sigaudo-Fourny
« Pendant le confinement, il y a eu un besoin de créativité mais surtout de partage »
En mars dernier, en plein confinement, le ministere de la Culture, en partenariat avec la Maison de la culture – Te Fare Tauhiti Nui et le Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha, a initié un concours virtuel, « Tahiti / Art en confinement ». Ouvert a tous, artistes reconnus et amateurs, ce concours invitait a partager sur Facebook une ou plusieurs œuvres créées pendant la période de confinement. Les membres du jury se sont réunis pour sélectionner les gagnants de ce défi créatif. Rencontre avec l’une des membres, Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles et elle-même artiste.
Pouvez-vous nous rappeler le concept de ce concours mis en place pendant le confinement ?
Nous avons invité les internautes à partager leurs créations réalisées uniquement pendant la période du confinement. Nous avions cinq catégories : création musicale, sculpture, audiovisuel, arts graphiques et arts graphiques jeunesse. Nous avons rajouté la catégorie jeunesse dans un second temps devant le nombre de contributions des moins de dix-huit ans. Il nous semblait intéressant de les intégrer au projet. Le plus jeune avait trois ans !
Est-ce que la participation a été importante ?
Le concours n’a duré que trois semaines et nous avons senti un véritable engouement. La plus grosse contribution a été dans la catégorie arts graphiques avec 194 œuvres. En sculpture, nous avons reçu 18 contributions et 19 en audiovisuel. Malheureusement pour la création musicale, une seule contribution a été prise en compte.
Comment expliquer que la création musicale n’ait pas été au rendez-vous, alors que la musique est un art omniprésent en Polynésie ?
La musique est bien présente en Polynésie ; d’ailleurs, beaucoup de musiciens ont de manière générale partagé du contenu pendant le confinement. Dans le cadre de « L’art en confinement », la donne était différente puisque le concours exigeait une création réalisée pendant le confinement et en langue vernaculaire, je pense que cela a réduit les propositions. Nous n’avons finalement eu qu’une seule œuvre répondant aux critères du concours, il s’agit de la création musicale du collège Maco Tevane qui a donc remporté le prix du public.
Le concours était ouvert à tous, parlez-nous des participants…
Dans la catégorie arts graphiques en particulier, nous avons eu a la fois des artistes professionnels connus et reconnus et des amateurs. Cela a donné une grande variété d’expressions. Chez les amateurs, nous avons été parfois surpris par la qualité des œuvres présentées. Nous avons eu des choses légères, drôles, mais aussi des œuvres très poussées et professionnelles.
Les œuvres pouvaient faire l’objet d’une consécration du public ou du jury ?
Dans chaque catégorie, le prix du public a été attribué en fonction du nombre de « Like » sur Facebook. Pour les prix du jury, les représentants des différentes entités culturelles se sont réunis autour du ministre de la Culture afin de départager les œuvres. En plus des prix du jury par catégorie, nous avons décerné deux prix spéciaux et deux coups de cœur jeunesse.
Qu’est-ce que le jury a voulu privilégier ?
Nous avons clairement privilégié la diversité. C’est toujours difficile de juger lorsque les œuvres sont hétéroclites, donc on a choisi de récompenser des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir. On a voulu également valoriser des premières expériences et des œuvres en lien direct avec le confinement et la période que nous venons de vivre. En règle générale, les œuvres qui ont obtenu le consensus du jury sont celles qui sont liées au confinement, reflétant cette période complexe mais intense pour beaucoup d’artistes.
Vous-même artiste, est-ce que le manque de liberté est une source de créativité ?
Oui totalement. Pour les artistes, et je l’ai ressenti à titre personnel, il y a eu durant cette période un besoin de créativité mais surtout de partage. Bien sûr, le fait d’avoir plus de temps libre pendant le confinement a joué, mais je crois que c’était aussi un besoin de s’exprimer. Certains ont proposé plusieurs œuvres et on a vu l’évolution de leur travail sur la période de confinement. On peut citer le travail de Carine Thierry qui a été récompensée avec sa création sous cloche. Elle a envoyé trois œuvres déclinées différemment et on sent que la dernière est la plus aboutie, qu’il y a eu une réflexion au fil des semaines sur cette thématique de l’enfermement. Il y a eu des œuvres en résonance avec notre actualité. Pour la sculpture, nous avons choisi de primer l’utilisation de la récupération car il a aussi fallu faire avec « ce qu’on avait sous la main ».
Que vont devenir les œuvres primées ?
En plus des prix numéraires, les œuvres primées par le jury dans les catégories arts graphiques et sculpture vont être présentées lors de l’exposition Fa’aiho, ta’u tufa’a du Musée de Tahiti et des îles, en fin d’année. Pour les autres catégories, la Maison de la culture va les valoriser au cours de l’année. Enfin, ce n’était pas prévu au départ, mais j’ai proposé d’inviter un jeune garçon de quinze ans à participer au FIFO, car il a démontré une grande maturité dans son montage et son approche de l’audiovisuel. Nous avons aussi une œuvre sur Photoshop qui n’a pas été primée, mais qui rentre tout à fait dans le concept de notre exposition Fa’aiho, ta’u tufa’a et donc nous allons inviter son auteur à y participer.
Ce concours, c’est un instant T de la créativité en Polynésie française, de l’abstrait au figuratif, que retiendrez-vous de cet évènement ?
Créer en trois semaines, c’est compliqué. On l’a vu avec l’art musical, mais aussi la sculpture qui nécessite souvent un long travail. Je pensais voir plus de propositions en audiovisuel, le manque de temps a sans doute, là aussi, joué. Mais de manière générale, ce concours donne envie d’en voir plus. Il y avait quelque chose d’émouvant à découvrir toute cette créativité. De même, pour le jury, c’était intéressant de réunir des acteurs de la culture et de partager nos expériences et nos visions.
Finalement, nous étions confinés, mais internet nous a donné accès à la culture.
C’est un exercice qui pourrait se répéter ?
Oui, peut-être que des expositions virtuelles pourraient se mettre en place. Nous sommes dans la mouvance des événements virtuels et du partage virtuel de la culture qui, à mon sens, va se poursuivre dans tous les domaines
Quelques chiffres
- 1 730 fans
- 265 participations au concours
- plus de 8 300 « Like » générés sur les publications
- des centaines de commentaires et messages
Le palmarès
Catégorie Arts graphiques
- Coup de cœur du public : Rorienne Hopuare alias Ro Ry’n
Mana Varua – Acrylique sur toile 80x120cm + tissu.
- Prix du jury : Carine Thierry – kraft marouflé sur toile, papier de soie, acrylique, Posca, 70x50cm.
Catégorie Sculpture
- Coup de cœur du public : Nahai Hokaupoko – alias Hoku – Le Temps.
- Prix du jury : Jayce YH – Rostre de meka, bois de kohu, nacre et abalone.
Catégorie Audiovisuel
- Coup de cœur du public : Maruina et Maruhei Potelle – Te uru
- Prix du jury : Lesly Vervondel
Catégorie Création musicale
- Coup de cœur du public : La classe de Vaihere Tunutu du collège Maco Tevane. Avec Ūtē ’ārearea ’ōpanipani en Zoom.
Prix spéciaux
- Prix spécial à la discrétion du jury : Heimana Tetaria
- Prix spécial à la discrétion du jury : Karl Toomaru
Prix jeunesse
- Prix coup de cœur du jury : Kylian Delarras, huit ans
- Prix coup de cœur du jury : Hawaiki Tefaatau, quinze ans