Hiro’a n°152 – Pour vous servir : Créativité et solidarité chez les artisans
Service de l’Artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa rima΄i
Rencontre avec Émilie Siu et Maranui Aitamai, artisans créateurs. Texte : MO – Photos : E. Siu et M. Aitamai
Créativité et solidarité chez les artisans
La crise du Covid-19 aura eu de bon de susciter chez les uns et les autres, et notamment chez certains artisans créateurs du fenua, un élan de créativité nouvelle et de solidarité afin de faire face à la pénurie en matériel de protection sanitaire.
Émilie Siu, plus connue sous le nom de sa marque ÉMILIE Créations, est couturière depuis de très longues années. Elle fournit notamment la grande maison Marie Ah You et participe souvent aux divers salons et expositions de la place. Elle fabrique principalement de très belles robes aux tissus fleuris. Lorsque le fenua s’est retrouvé en panne de matériels de protection sanitaire, Émilie Siu a rapidement réfléchi à une solution de remplacement. « J’ai cherché et trouvé un article sur Internet qui expliquait comment fabriquer des masques. C’était une publication du CHU de Grenoble, avec les explications. » Étant rédigé par du personnel soignant, Émilie s’est dit que ce masque devait, a priori, répondre à des critères d’efficacité minimum.
Plus difficile qu’une robe !
Émilie se lance donc chez elle, puisque, comme tout le monde, elle est en confinement, dans la fabrication de masques, avec l’aide de son mari. « Mon mari s’occupe du repassage et d’installer les élastiques. » Tout le reste, c’est elle. « Les masques sont de petites pièces, c’est minutieux à réaliser. Je préfère fabriquer des robes, c’est plus facile. » Le modèle est donc basé sur celui de l’article métropolitain : trois couches de tissus et de l’élastique souple. « Les deux couches externes sont en coton et la couche interne est en matière non tissée. » L’avantage de ces masques, outre le fait qu’ils soient beaux, est qu’ils sont lavables et réutilisables.
Une clientèle professionnelle
Depuis qu’elle s’y est mise, les masques d’Émilie se vendent comme des petits pains ! « J’ai commencé peu après le début du confinement et j’en ai déjà fabriqué plusieurs centaines. Ce sont surtout les professionnels qui m’en demandent, comme des entreprises privées, mais aussi du personnel soignant. » Émilie les vend par packs de dix unités assorties, à 6 000 Fcfp et à la commande. « Ce petit microbe invisible fait vraiment peur. Il touche tout le monde et ce qui est surprenant, c’est que tout s’est arrêté comme ça, d’un seul coup ! », dit Émilie, en parlant de cette catastrophe. Fabriquer des masques est sa contribution pour une meilleure protection face au coronavirus. Et elle n’est pas la seule à s’y être attelée.
Infographiste, il fabrique des visières
Maranui Aitamai est infographiste et cogérant de la SARL Move on Tahiti. En temps normal, son travail consiste à réaliser la gravure sur toutes sortes d’objets à l’effigie de ses clients, particuliers comme professionnels. Avec le confinement, son activité a cessé. Pour autant, il a trouvé le moyen de rester actif, de se recycler. « J’ai vu la publication de Reitini Rey, qui fabrique des visières en plastique anti-projections pour les personnels soignants. Je me suis dit que c’était une très belle initiative et que je pouvais apporter ma contribution. » Maranui a donc rejoint le collectif Ensemble on va plus loin, une plateforme collaborative initiée par Reitini Rey, qui regroupe maintenant un grand nombre de petits entrepreneurs associés pour répondre aux besoins des différents centres hospitaliers, des pompiers, des mūto’i, etc.
Un prototype au laser
Maranui dispose d’un matériel de pointe en matière de gravure et de découpe au laser. « J’ai réalisé un premier prototype pour le CHPF, que nous avons amélioré depuis. » Au début, il arrivait à produire une soixantaine de visières par jour. Puis, avec l’aide de l’atelier Prokop et de la boutique Hererany Pearl Shop, ils ont pu ouvrir deux autres sites de production et passer à 250 visières par jour. « L’avantage des visières est double : elles protègent des projections et en même temps des gestes réflexes comme se frotter les yeux ou s’essuyer la bouche. » Mais surtout, elles apportent un peu plus de sérénité aux personnes qui, tous les jours, sont en première ligne face à la menace que constitue le Covid-19.
Une subvention et des dons
Au départ, Maranui disposait d’une petite somme d’argent pour réunir les matériaux nécessaires à la réalisation du produit. « Nous avons commencé avec 50 000 Fcfp en caisse. Ensuite, nous avons obtenu une subvention et nous avons fait un appel aux dons qui a très bien marché. » Le but est de pouvoir fournir gratuitement les organismes publics sensibles. « Nous vendons la visière à 1000 Fcfp. Le coût de réalisation est de 700 Fcfp. Les 300 Fcfp qui restent servent à fabriquer les visières que nous distribuons. » Ainsi, ce sont plus de 1 300 visières qui ont été réalisées en à peine quelques jours, dont 900 ont été gratuitement distribuées. Début mai, c’était plus de 3 300 visières de fabriquées.
Du troc et des relations plus humaines
Pour Maranui, en tant que chef d’entreprise, cette crise interroge pour l’avenir, en particulier en matière d’impact économique mais il fait aussi un constat encourageant : « Depuis que nous nous sommes lancés dans la réalisation et dans la distribution des visières, des choses nouvelles se sont mises en place. Par exemple, les gens à qui on a donné des visières nous préparent des repas et nous fournissent en victuailles. Il s’est installé une sorte de troc. Les relations sont plus humaines et on revient à l’essentiel. »
Pratique
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