Hiro’a n°152 – Culture bouge : Le Conservatoire teste le e-learning
Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau
Rencontre avec Fabien Mara Dinard, directeur du Conservatoire artistique de la Polynésie française, Frédéric Cibard, chargé de communication du CAPF et Samuel Magott, professeur de piano au CAPF. Texte : Lucie Rabréaud – Photos : CAPF
Le Conservatoire teste le e-learning
À situation exceptionnelle, solutions inédites ! Afin d’assurer la continuité pédagogique, tous les professeurs du Conservatoire ont dû proposer leurs cours sur Internet. Mais le télé-enseignement pourrait bien devenir une idée d’avenir.
Quelques jours avant que le confinement ne soit annoncé et imposé, Fabien Mara Dinard, directeur du Conservatoire artistique de la Polynésie française, a réuni toute l’équipe enseignante de l’établissement. Un seul impératif : assurer la continuité pédagogique. « Le gouvernement du Pays a expliqué que la vie devait continuer avec le confinement, il fallait que nous soyons prêts, à la rentrée des vacances d’avril, à assurer les cours. » Pour Fabien Mara Dinard, il s’agit aussi de maintenir le service public, une responsabilité du Conservatoire. « Pour les professeurs, c’est une situation totalement nouvelle et inédite qui nécessite une profonde réorganisation et implique son lot de contraintes : réorganisation de l’emploi du temps, mise en place d’un espace de travail séparé de la vie familiale, nécessité d’une bonne connexion Internet, mise en place de plateformes de communication, possession d’un matériel informatique adéquat, voire de matériel audiovisuel permettant de filmer et de s’enregistrer », liste Samuel Magott. Le professeur de piano a été le premier à proposer des cours en télé-enseignement, avant que le confinement n’oblige tout le monde à s’y mettre. Lui-même et Christine Bennett, professeure de théâtre, ont proposé des vidéos à leurs élèves pour qu’ils continuent à travailler pendant les vacances. « Les élèves semblaient contents, nous n’avons eu que de bons retours », explique le directeur de l’établissement.
Vidéos et cours en live
Les cours à distance et ceux en présentiel n’ont pas les mêmes intérêts, « rien ne pourra réellement remplacer un cours en présentiel », relève Samuel Magott, mais la technologie offre un complément. Et dans une situation exceptionnelle comme celle du confinement, elle est la solution idéale. Si les difficultés à tout mettre en place sont nombreuses, tous les professeurs ont joué le jeu dans toutes les sections : arts traditionnels, arts classiques et arts de la scène. Certains ont préféré proposer des vidéos préenregistrées et d’autres suggèrent des horaires pour des cours en live. « Nous avons un tableau de bord avec des compétences à atteindre et nous préparons toujours notre gala et les examens de fin d’année. Nous espérons les organiser, on y tient ! Même si les dates ne seront pas les mêmes qu’habituellement », précise Fabien Mara Dinard. Le directeur convient que cette situation remet en question leur façon d’enseigner, oblige les professeurs à s’informer sur ce qui se fait ailleurs pour s’inspirer… La Direction de la modernisation et des réformes de l’administration a participé en leur proposant des outils pour instaurer cet enseignement à distance. Et si le Conservatoire assure ses cours, c’est aussi une façon de participer à la continuité culturelle : « Ces cours peuvent permettre d’occuper les enfants pendant le confinement. » Cette innovation obligatoire pourrait bien inspirer le Conservatoire pour l’avenir. Ce dernier pourrait y voir une opportunité à saisir pour se lancer dans l’enseignement à distance et en faire un complément à l’enseignement classique. Pour Samuel Magott, « il y a un grand intérêt à développer ces outils et cette pratique, car cela permet à l’élève d’avoir un support de travail complémentaire ».
« J’envisage plus le télé-enseignement comme un coaching à distance »
Samuel Magott, professeur de piano au Conservatoire, nous parle du télé-enseignement.
Télé-enseignement ou cours en présentiel : est-ce la même efficacité ?
Rien ne pourra réellement remplacer un cours en présentiel, car c’est l’interaction humaine et le rapport élève-professeur en direct qui donne à un cours toute son efficacité. La technologie est un support, qui peut permettre de développer ce rapport ou de l’approfondir, mais pas de le remplacer. D’autant plus que nous travaillons avec les élèves sur la manière de produire correctement un son, en nous basant sur la gestuelle. Ce rapport de transmission est ainsi beaucoup plus efficace lorsqu’il est réalisé en temps réel, pour pouvoir corriger instantanément une mauvaise posture ou tenue. J’envisage plus le télé-enseignement comme un coaching à distance pour soutenir l’élève et lui permettre de garder intacte sa motivation, et le cours présentiel comme le véritable vecteur de transmission du savoir.
Concrètement, comment vos cours de piano à distance s’organisent-ils ?
Le contact est maintenu par tous les moyens nécessaires, téléphone, mail ou applications (Messenger, WhatsApp…) afin de faire le point sur l’avancée du travail donné en amont, ou d’en rajouter en transférant de nouvelles partitions. Puis concernant le travail en lui-même, je pars de la globalité en préparant des vidéos que je mets en ligne via YouTube, en lien privé, en leur donnant l’orientation la plus proche d’un cours : présentation du morceau, mains séparées puis mains ensembles jouées lentement, conseils de travail… J’essaye également de filmer en vue subjective (à la première personne) afin que l’élève ait réellement la sensation de se retrouver dans une salle de cours et puisse reproduire sereinement les exercices à la maison. Pour le suivi, les élèves m’envoient une vidéo de leur progression via le moyen qui leur est le plus pratique, ensuite je bascule sur Skype pour un cours en direct ou bien je réponds par vidéo interposée.
Au-delà de cette situation particulière qui oblige à faire de l’enseignement à distance, quel est l’intérêt pour le Conservatoire de proposer ces nouveaux outils pédagogiques ?
Nous vivons dans une ère du numérique, où pratiquement toutes les informations passent par Internet. Nos élèves grandissent avec les ordinateurs, les tablettes, le smartphone. Je pense qu’un enseignant doit être rattaché à son époque et ne pas hésiter à s’emparer des outils modernes pour développer et compléter son travail.
Pensez-vous que le Conservatoire devrait profiter de cette occasion pour développer sa présence sur le web, que ce soit en e-learning ou en enseignement pour tout public ?
Cette expérience de confinement pourra nous permettre en tant qu’enseignants de nous pencher collectivement sur le sujet et de s’interroger sur le potentiel d’une telle approche en complément avec, pourquoi pas, une proposition d’offre en ligne sur le site de l’établissement réservée aux parents des élèves inscrits au Conservatoire.
Pratique
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