Hiro’a n°150 – Dossier : Heiva Taure’a, les ados font le show !
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Dossier – Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui
Heiva Taure’a, les ados font le show !
Rencontre avec Nati Pita , principal du collège de Makemo, Tera urii Piritua, président du jury, Jean-Philippe Hernandez, président de l’association “Heiva Taure’a” et Yohann Mouneix, enseignant au collège de Mahina. Texte : MO – Photos : Maison de la culture
La troisième édition du Heiva Taure’a s’annonce une fois encore passionnante, avec huit collèges qui entreront en compétition sur la grande scène de To΄atā. Une occasion de mettre la culture au service des apprentissages.
Le Heiva Taure΄a en est à sa troisième édition, qui sera moins fournie cette année pour ce qui est de la participation des établissements scolaires du second degré. En effet, le concours passe de seize collèges l’an dernier à huit cette année. « Il est difficile pour les établissements des îles de mobiliser chaque année la somme nécessaire au déplacement d’une quarantaine d’élèves et des professeurs accompagnateurs », explique Jean-Philippe Hernandez, président de l’association “Heiva Taure΄a”. Si l’aspect financier est important, il n’est pas le seul motif. « Un tel projet nécessite d’abord l’adhésion de toute la communauté pédagogique, que cela s’inscrive dans le projet d’établissement. Ensuite, il impacte considérablement la charge de travail des enseignants sur l’année. Il est donc tout à fait compréhensible que les établissements fassent une pause. »
Soutenir les apprentissages par la culture
À l’origine du Heiva Taure’a, les classes Cham/Chad et une femme, Ingrid Neveling, principale adjointe du collège Maco Tevane, qui a l’idée, en 2018, de créer une association des collèges bénéficiant de ce dispositif afin de monter un concours de danse polynésienne qui leur serait destiné. Cette initiative, soutenue par les ministères de la Culture et de l’Éducation, accompagnée par la Maison de la culture et le Conservatoire artistique de Polynésie française, « permet la transmission de l’héritage culturel polynésien aux élèves à travers un cadre institutionnel, mais [elle] permet également aux enseignants d’amener les élèves à développer bon nombre des compétences du socle commun attendues par l’éducation nationale, explique Jean-Philippe Hernandez ; lorsque l’on sait d’où on vient, lorsque l’on maîtrise sa culture, lorsque l’on est capable de définir soi-même son identité, alors on peut s’ouvrir au monde sans risquer de se perdre. De la même façon qu’avant d’apprendre une langue étrangère on pratique sa langue maternelle, avant de comprendre le monde il faut d’abord appréhender justement son monde et son patrimoine culturel. »
Relier les différents acteurs de la communauté scolaire
La particularité du Heiva Taure’a réside dans le fait que le montage du spectacle est entièrement opéré par les élèves eux-mêmes, soutenus par leurs enseignants. C’est donc une véritable démarche pédagogique qui est appliquée. Outre le soutien aux apprentissages, c’est également un outil formidable donné aux enseignants pour favoriser le développement de compétences interdisciplinaires et de vie sociale telles que le travail en équipe, la prise de responsabilités ou encore la gestion d’un projet collectif et son évaluation. En pratique, après les deux premières années, le constat est sans appel : les élèves concernés par le projet sont moins voire plus du tout absents et obtiennent de meilleurs résultats scolaires. Les familles, autrefois moins impliquées, trouvent là un projet porteur de sens, auquel elles peuvent apporter leur contribution, leur savoir et savoir-faire. Le lien entre les cultures polynésienne et européenne est enfin établi.
De nouveaux établissements en compétition
On l’aura compris, la participation au Heiva Taure΄a n’est pas une mince affaire ! Cette année, on notera la participation nouvelle de trois collèges sur les huit en lice. Il s’agit des collèges de Mahina et de Rangiroa, et un collège de l’enseignement privé, Notre-Dame des Anges (NDA). Les cinq autres ont déjà tenté l’aventure et reviennent avec l’avantage de savoir à quoi s’attendre. ◆
Encadrés
Makemo, lauréat 2019
Questions à Nati Pita, principal du collège de Makemo
Vous êtes lauréat de l’édition 2019. Quel impact cette victoire a-t-elle eu sur le collège, les élèves, les parents d’élèves ?
Un sentiment de fierté, de joie intense, partagé par l’ensemble des personnels, élèves, et les parents. Le message éducatif aussi, transmis aux enfants, que la persévérance, la rigueur, le sérieux paient toujours. Acquérir, développer, conforter des connaissances, des compétences sur un terrain culturel connu, tout cela est motivant pour nos petits
Paumotu.
Quels ont été les ingrédients de cette victoire ?
Le travail acharné et la disponibilité des enseignants dans l’ laboration de ce projet interdisciplinaire. La solidarité et l’union des personnels dans les recherches de fonds, la persévérance de nos élèves dans les répétitions hors temps scolaire. Je crois aussi, l’amour de notre culture.
Vous ne participez pas cette année, pourquoi ?
La participation financière de notre ministère fut une aide précieuse mais ce déplacement de notre délégation a nécessité de trouver d’autres sources de financement, notamment des ventes de plats programmées tous lesmois. Nous avons privilégié cette année un déplacement de tennis de table que nous n’avons pas pu réaliser l’année dernière, moins onéreux, pour ménager les personnels.
Pensez-vous revenir pour une prochaine édition ?
Très certainement. Les personnels ont repris de l’énergie. Et nous avons commencé des séances de percussion grâce aux instruments reçus depuis peu.
Un jury de spécialistes et d’enseignants
À l’instar des éditions précédentes, le jury de l’événement est représentatif des deux instances impliquées que sont la Culture et l’Éducation. Ainsi, cette année, huit personnalités composeront le jury, dont deux professeurs d’EPS habitués à évaluer les prestations des élèves au bac option ’ori tahiti : Teraurii Piritua, président du jury, Heimoana Metua, Erena Uura, Tonyo Toomaru, Tiare Trompette-Dezerville, Moana’ura Tehei’ura, Guillaume Fanet et Elvina Neti-Piriou.
Légende
Le jury du Heiva Taure’a 2019, accompagné du comité de lecture.
Focus sur le collège de Mahina
Comme pour le Heiva i Tahiti, les établissements doivent présenter un spectacle complètement in.édit, entièrement en langue polynésienne. Yohann Mouneix, enseignant au collège de Mahina, dirige le groupe pour sa première participation.
Il s’agit de votre première participation. Qu’est-ce qui la motive ?
Il nous a semblé que c’est un très beau projet qui, entre autres, permet de valoriser un établissement et ses élèves au travers d’une production finale qui est le fruit du travail de tous (élèves, parents, équipes de professeurs et direction).
Combien de jeunes participent à ce projet et de quelles classes sont-ils ?
Ce sont plus de trente élèves qui participent à ce projet et ils viennent de toutes les classes du collège (6e jusqu’à la 3e).
Ce projet est-il à l’initiative des jeunes eux-mêmes ou est-ce un professeur qui le leur a proposé ?
Je ne suis pas seul à l’initiative du projet car j’ai notamment le soutien de quatre collègues professeures de langues pleinement investies (Mme Grand, Mme Maihota et Mmes Mare et Teave, respectivement professeures d’anglais, de français et de reo tahiti). À la première répétition, il y avait à peine plus d’une douzaine d’élèves. Au fur et à mesure des semaines, le nombre d’inscriptions a considérablement augmenté avec des élèves quiavaient très envie de « tout faire » : danser, chanter mais aussi jouer des percussions.
À quelques semaines du spectacle, comment réagissent les jeunes ?
À moins d’un mois de leur passage sur scène, beaucoup d’élèves ont hâte, d’autres par contre paraissent plus hésitants car c’est la première fois de leur vie qu’ils font ça. Aussi ils savent qu’ils seront « seuls », sans aucun adulte pour « taper » avec eux, par exemple, et rattraper les moments d’hésitation.
Du côté des parents, comment ce projet est-il perçu ?
Pour ce qui concerne les parents, ils ont bien sûr été réunis et ont accueilli le projet avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté pour leurs enfants. Certains viennent régulièrement aux répétitions hors temps scolaire, ils nous aideront également pour la préparation des costumes et les fournitures végétales. Nous espérons qu’ils pourront venir nombreux le samedi 7 mars pour encourager leurs enfants et profiter de ce moment fort et exceptionnel.
Du point de vue des enseignants, avez-vous constaté des changements positifs chez les jeunes ?
De mon point de vue de professeur, je trouve que les élèves ont progressé quant à leur attitude : ils s’investissent durablement et persévèrent, ils ont trouvé une réelle motivation voire une passion dans un cadre scolaire organisé, durable et sécurisé. Ils ont fait preuve de curiosité mais aussi de créativité pour la plupart car, pour l’anecdote, certainss’.étaient inscrits pour chanter et maintenant ils joueront en plus d’un instrument dont ils n’avaient jamais joué auparavant.
Quel est le thème choisi pour ce spectacle ?
Te ’ite (la connaissance) est le thème du collège de Mahina. Pour nous aider à le mettre en scène, nous avons sollicité la participation de deux intervenants aguerris reconnus pour leurs compétences tant en danse qu’en musique,préparation de costumes, etc. : Toimata Toomaru et Kamaho’i Tuia. Ils sont là pour partager leurs connaissances et leur expertise culturelles mais également pour permettre aux élèves de s’exprimer et de contribuer à la construction artistique et chorégraphique de leur spectacle.
Participez-vous aussi au concours d’orchestre ?
Les élèves du collège de Mahina vont également concourir pour « le meilleur orchestre » ainsi que pour « la meilleure danseuse ».
Quelques questions à Teraurii Piritua, président du jury
Déjà membre du jury, quelles impressions ont laissé les différentes sessions passées en matière de créativité, d’implication des jeunes ?
Je voudrais commencer par remercier et féliciter les enseignants, les élèves et les parents pour leur investissement et les spectacles qu’ils nous offrent depuis la création de ce concours. Je voudrais également applaudir le travail pédagogique et les moyens mis en œuvre par les enseignants pour réveiller la graine d’artiste en chaque élève.
Chaque année, nous sommes admiratifs et contemplatifs face aux prestations données par les élèves sur la scène de To’atā. Le travail pédagogique, les procédés et les démarches recherchés par les enseignants pour développer la créativité de chaque élève sont un travail gigantesque. Et cela fonctionne. Les élèves se sentent concernés par le projet Heiva Taure’a et s’impliquent davantage.
C’est au travers des dossiers pédagogiques que nous étudions avec beaucoup d’attention et lors des échanges que nous avons avec les élèves en audition, que nous nous rendons compte de tout cela.
Je voudrais également souligner que le projet Heiva Taure’a, pour reprendre les termes d’Ingrid Neveling, principale adjointe du collège Maco Tevane, « s’inscrit parfaitement dans un travail interdisciplinaire et est basé sur les compétences et savoirs du socle commun en lien avec les savoirs et compétences du Heiva traditionnel et de la culture polynésienne en général ».
Utiliser la culture pour permettre à nos élèves de mieux réussir à l’école et de ne pas la fuir. Le Heiva Taure’a, c’est aussi cela. Le taux d’absentéisme en cours a diminué et les résultats scolaires sont satisfaisants.Enfin, pour répondre à la question, c’est de l’admiration que j’éprouve pour tous ces jeunes.
Est-il exagéré de dire que le Heiva des collèges est potentiellement une pépinière pour les groupes de danse et de musique traditionnelles ?
Avant de fouler les planches de To΄atā au sein de grandes formations, le chemin est encore long. Le Heiva des collèges peut renforcer la confiance en soi et, si la vocation est là, ces élèves pourront intégrer une école de danse,de percussions, de musique ou une troupe. Pour aller plus loin dans la réflexion, il serait intéressant qu’il y ait une continuité de ce projet au lycée afin que les plantes puissent gagner en maturité.
Programme du Heiva Taure’a
Vendredi 6 mars
18h30 Lancement de la soirée
Cérémonie du Rāhiri
Collège NDA
Collège Maco Tevane
Collège de Huahine
Collège de Rangiroa
22h00 Fin de la soirée
Samedi 7 mars
18h30 Lancement de la soirée
Collège Henri Hiro
Collège de Taravao
Collège de Mahina
Collège de Bora Bora
22h00 Remise des prix
Pratique
Soirées du Heiva Taure’a
• Vendredi 6 mars et samedi 7 mars
• 18h30
• Aire de spectacle de To’atā
• Tarif : 200 Fcfp
• En vente sur place et en ligne sur www.maisondelaculture.pf
• Renseignements : 40 544 544
Légendes
Makemo – Grand prix Heiva Taure’a 2019.
Rāhiri – Président du jury en 2019.
Afareaitu – Meilleur orchestre.
Faaroa de Raiatea – Meilleur danseur et 3e prix ‘Ori.
Nuku Hiva – 1er prix ‘Ori.
Makemo – Grand prix Heiva Taure’a.
Tahaa – 2e prix ‘Ori.
Rikitea – Coup de cœur du jury.
Tipaerui – Meilleure danseuse et meilleur dossier pédagogique.