Hiro’a n°149 – Dossier : Fifo : la richesse d’une édition hétéroclite
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DOSSIER – Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui
Centre des métiers d’art (CMA) – Pu Ha’api’ira’a toro ’a rima’i
Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha fa ufa ’a tupuna
Fifo : la richesse d’une édition hétéroclite
Rencontre avec Mareva Leu, déléguée générale du Fifo, Miriama Bono, présidente du Fifo, et Nathalie Domenech, présidente de l’association des élèves du CMA. Texte : SF – Photos : FIFO et DR
La 17e édition du Fifo se déroulera du 1er au 9 février Au-delà des treize documentaires en compétition et quinze hors compétition, ce sont au total soixante-deux films océaniens qui ont été retenus pour être projetés durant la semaine du festival. Petit tour d’horizon de ce qui vous attend…
Deux hommes face à face, le front qui se touche. L’un paraît être un sage, le second un homme dans la force de l’âge. Cette image à l’affiche de la 17e édition du Fifo est symbolique de ce festival : elle raconte la connexion, l’échange, le partage, la transmission… Après seize ans d’existence, le Festival international du film documentaire océanien n’est plus un enfant, ni même un adolescent, mais un jeune adulte en devenir. Il a un rôle : celui d’offrir un pupitre pour porter les voix océaniennes et faire entendre les préoccupations d’hier et d’aujourd’hui. Le Fifo est un pont entre les pays de l’Océanie. Grâce aux documentaires, il navigue entre les mille et une constellations d’îles des pays du Pacifique.
Le triangle polynésien présent
Cette année, cent-quatre-vingts films ont été envoyés au comité de présélection. Soixante-et-un ont finalement été choisis pour faire partie de cette édition dont treize en compétition et quinze hors compétition. De nombreux films viennent, entre autres, de l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie. Mais, cette année, la sélection permet de mettre en valeur le triangle polynésien. En effet, l’Île de Pâques revient après trois années d’absence. « L’industrie audiovisuelle est très peu développée à Rapa Nui, où il y a moins d’habitants et moins de moyens. Dans l’absolu, c’est un frein mais ce n’est pas insurmontable. Le fait que ce film soit sélectionné donne de l’espoir pour l’avenir audiovisuel », souligne Mareva Leu, déléguée générale du Fifo. Cette année, on notera également la présence de la Polynésie française dans la sélection de la compétition. « On est très content car c’est un très bon film. On constate aussi que les thèmes abordés sont des constantes du festival : transmission, culture, traditions. On revient sur ces thématiques mais sans jugement. » Autre pays du triangle polynésien, Hawaii propose un documentaire hors compétition. Parmi tous les films de la sélection, les sujets couverts sont hétéroclites. On retrouve la tradition et l’identité, deux marqueurs importants de l’espace océanien du festival. Le thème également de la mémoire, de l’Histoire avec un grand H, de la mort toujours très présente dans la culture océanienne, les femmes de la région et, bien sûr, l’environnement, au cœur des préoccupations mondiales actuelles. « Tous les films parlent de choses différentes, dans des pays et des époques différents. C’est une sélection hétéroclite que nous avons pour ce Fifo », souligne Mareva Leu. Et, pour ceux qui désirent prolonger leur voyage en Océanie, dix films seront projetés également dans le cadre des écrans océaniens.
Des surprises…
Le Fifo ne fait pas seulement la part belle aux longs métrages. Cette 17e édition propose deux soirées de courts métrages : Fenêtre-sur-courts, qui propose des promenades de 4 à 15 minutes à travers une grande partie de l’Océanie, et la 11e Nuit de la fiction. « Diversité, créativité, identité, originalité, traditions et modernité, quelques portraits… C’est une sélection de qualité. Elle plonge le spectateur dans l’univers délirant, affirmé et créatif des réalisateurs océaniens », explique la déléguée générale qui a décidé d’ajouter une soirée « off » au programme avec la projection, en avant-première, du dernier film d’Éric Barbier, président du jury de cette 17e édition. Le public pourra découvrir Petit pays, adapté du livre de Gaël Faye, le lundi 3 février au Grand théâtre. Une soirée ouverte à tous. Pour clôturer les « off » du Fifo, deux autres films en avant-première pourront être visionnés le samedi 8 février : L’oiseau de paradis, une fiction (90 min) de France Télévisions écrite et réalisée par Paul Manate, et tournée en Polynésie avec une équipe locale succèdera à Vaiora, écrit et réalisé par Itia Prillard, gagnante du marathon d’écriture du Fifo 2019. Un court-métrage 100% local, en exclusivité au Fifo, produit grâce à la collaboration de l’ATPA et de l’APTAC. Une belle manière de clôturer ce festival qui promet de grandes émotions… ◆
PRATIQUE
Le Off
Fenêtre-sur-courts :
• Samedi 1er février
• 15h30
• Grand théâtre
11e Nuit de la fiction
• Samedi 1er février
• 19h00
• Grand théâtre
Nuit du président du jury
• Petit pays réalisé par Éric Barbier
• Lundi 3 février
• 19h30
• Grand théâtre
Avant-premières :
• Vaiora, écrit et réalisé par Itia Prillard
• L’oiseau de paradis, écrit et réalisé par Paul Manate
• Samedi 8 février
• Grand théâtre
• 19h00
Encadrés
Des rencontres et des conférences
Le festival projette des dizaines de films mais il est aussi un moment de rencontres et d’échanges entre les réalisateurs, les producteurs et le public. Qui n’a jamais eu envie de comprendre plus en profondeur la démarche du réalisateur ou du producteur d’un film ? Le Fifo propose d’approfondir le sujet du film et de mieux connaitre les cultures océaniennes grâce aux différentes rencontres : celles prévues après les projections des documentaires et celles qui se déroulent traditionnellement sous le banian de la Maison de la culture. « Quand on a la chance d’avoir une personne impliquée dans la construction du film, il serait dommage de se priver de la rencontrer et d’échanger avec elle », estime Mareva Leu. Des conférences publiques sont également au programme, il sera question des plateformes numériques comme Netflix, Amazon qui révolutionnent le petit écran et en modifient sa consommation. On débattra également sur les points forts, les faiblesses et perspectives dans la fiction. Le Good Pitch sera aussi au cœur des tables rondes. Créé en Grande-Bretagne par Doc Society, ce dispositif vise à soutenir l’industrie documentaire par la production de films à fort potentiel d’influence sociale et environnementale. L’Australie, les États-Unis et l’Europe l’ont déjà mis en place, il arrive désormais aussi dans le Pacifique. Le Good Pitch avait été présenté l’année dernière aux professionnels du fenua. Pour cette nouvelle édition, un après-midi sera consacré à l’impact lab. Il s’adresse bien entendu aux professionnels de l’audiovisuel qui souhaitent initier ou perfectionner des campagnes d’impact pour leurs films. Mais, il concernera également des particuliers, des associations, des communautés ou des porteurs d’histoires désireux de s’engager dans une campagne d’impact au travers d’un film. « L’idée est qu’ils voient quel serait leur intérêt de venir pour comprendre, et pourquoi pas proposer aux professionnels des idées de documentaires », précise la déléguée générale du Fifo.
PRATIQUE
• Mardi 4 février de 9h30 à 11h sous le chapiteau : conférence publique sur les plateformes numériques
• Mardi 4 février et mercredi 5 février de 14h à 17h sous le chapiteau : 14e colloque des TV océaniennes
• Mercredi 5 février de 9h à 11h sous le chapiteau : le Good Pitch – le documentaire d’impact
• Mercredi 5 février de 14h à 17h, salle Mārama : Impact lab.
Renseignements et inscriptions . [email protected]
• Jeudi 6 février de 9h à 11h sous le chapiteau : table ronde sur « Enjeux, stratégies et perspectives de la fiction en
Polynésie française »
• Jeudi 6 février de 14h à 15h sous le chapiteau : Pitch Dating
• Jeudi 6 février de 15h30 à 17h sous le chapiteau : table ronde sur « Identités et altérité dans le documentaire océanien »
• Mercredi 5 au vendredi 7 février de 11h30 à 14h sur le Paepae a Hiro : rencontres Inside the doc
Les membres du jury
Éric Barbier, le réalisateur de La promesse de l’aube, est le président du jury de cette 17e édition. Ce film, qui est une adaptation du roman éponyme de Romain Gary avec en tête d’affiche Charlotte Gainsbourg et Pierre Niney, avait été encensé par la critique lors de sa sortie au cinéma en 2017. Éric Barbier sera entouré pour cette édition de Lisa Taouma (Nouvelle-Zélande). On avait rencontré la réalisatrice l’année dernière avec son film Marks of Mana, présenté au Fifo 2019. Paul Damien Williams (Australie) complète ce jury, le réalisateur de Gurrumul, un portrait d’un artiste aborigène, avait été primé au Fifo 2019. Il sera aux côtés d’Emmanuel Kasarhérou (Nouvelle-Calédonie), qui a rejoint le musée du quai Branly-Jacques Chirac où il avait organisé l’exposition « Kanak, l’art est une parole ». Il assume depuis 2014 les fonctions d’adjoint au directeur du patrimoine et des collections. Joe Wilson (Hawaii) est un habitué du Fifo en tant que réalisateur. Kumu Hina avait reçu le prix spécial du jury et le prix du public au Fifo 2015 et Leitis in Waiting avait été primé par le prix spécial du jury au Fifo 2018. Cette année, il rejoint pour la première fois les membres du jury du festival. Parmi eux, on retrouve également deux Polynésiens. Le journaliste et rédacteur en chef adjoint de Polynésie la 1ère, Tauarii Lee, particulièrement attaché à son fenua et la langue tahitienne. Jacques Vernaudon complète le jury 2020. Ce linguiste à l’université de Polynésie française concentre son travail sur les langues polynésiennes et leur transmission en contexte plurilingue. Ce jury est composé d’habitués du festival mais est présidé par un réalisateur de fiction, reconnu dans la profession. De quoi assurément donner lieu à des discussions vives et riches pour cette 17e édition.
Légendes
Éric Barbier.
Emmanuel Kasarhérou.
Lisa Taouma.
Jacques Vernaudon.
Joe Wilson.
Paul Damien Williams.
Tauarii Lee.
Les ateliers du Fifo
Ils sont indissociables du festival international du film documentaire océanien. Les ateliers participent à l’aventure depuis le début. Mis en place pour donner au public le goût de l’audiovisuel, ils font, tous les ans, le bonheur des fifoteurs. Du mardi au samedi, cinq ateliers sont ouverts au public. Parmi eux, on retrouve les classiques : « l’écriture de scénario » qui existe depuis la création du Fifo et « le montage vidéo », incontournable pour la construction d’un film. Plus récent mais tout aussi primordial dans l’audiovisuel, l’atelier « reportage télé » revient après le succès rencontré lors de l’édition précédente. Lepublic retrouvera également les ateliers « doublages audio » et « animation 3D ». Cette année encore, le Fifo fait la part belle aux ateliers. « Ils ont pour but de susciter des vocations et d’intéresser le public à l’audiovisuel. Ici, l’objectif est de donner l’idée la plus juste du travail dans l’audiovisuel : par où on commence et ce qu’on peut attendre », souligne Mareva Leu, déléguée générale du Fifo. Des ateliers qui vous offriront donc un avant-goût des divers métiers du milieu audiovisuel.
PRATIQUE
• Du mardi 4 au samedi 8 février de 8h à 17h
• L’inscription peut se faire jusqu’au jour même mais il est recommandé de s’inscrire à l’avance à partir du 15 janvier au bureau du Fifo à la Maison de la culture. Ou par mail : [email protected] Tél. : 87 707 016
• Gratuit et ouvert à tous
• 15 personnes maximum
• Ateliers destinés aux + de 15 ans
Légendes
Montage vidéo
Reportage TV
Les prix du Fifo
Grand prix du Fifo France Télévisions et trois prix spéciaux… Ces quatre prix seront décernés par le jury international du festival parmi les treize films présentés en compétition. À ceux-là s’ajoutent le prix du public qui récompensera le documentaire préféré des spectateurs parmi les films en compétition et hors compétition et de la sélection « Plus d’Océanie ». Les prix des meilleurs courts métrages documentaires et de fiction, eux aussi désignés par un vote des spectateurs, viendront compléter le palmarès du Fifo 2019. Au total, sept prix récompenseront des films de la sélection officielle du Fifo 2019, dont trois seront choisis par le public. La soirée de la remise des prix se déroulera le vendredi 7 février à 19 heures au Grand théâtre. Les films primés seront ensuite projetés à partir de 21 heures. La soirée est gratuite et ouverte à tous dans la limite des places disponibles. Ceux qui n’auront pas eu la possibilité d’assister à la soirée de projection suite à la remise des prix pourront se rattraper durant le week-end. La programmation est finalisée après la remise des prix et disponible sur le site Facebook du Fifo et de la Maison de la culture à partir du vendredi à 22 heures.
PRATIQUE
• Vendredi 7 février
• 19h00
• Grand théâtre
• Entrée libre dans la limite des places disponibles
Les élèves du CMA, artistes du Fifo
Depuis 2010, l’association des élèves du Centre des métiers d’art « Hiva Ora » réalise les prix du Fifo. Graveurs et sculpteurs mettent ainsi toute leur créativité et leur talent au service du festival. Une nouvelle fois, les élèves ont eu en charge de réaliser cinq trophées : le grand prix du jury, les trois prix spéciaux du jury et le prix du public. Depuis la rentrée, les étudiants du CMA se sont impliqués dans la réalisation de ces objets. Il a d’abord fallu proposer des croquis, choisir les meilleurs, puis transmettre aux dessinateurs la sélection finale. Aux sculpteurs et aux graveurs de faire ensuite le travail. « Ces trophées sont une reconnaissance du travail appris et effectué à l’école », explique Nathalie Domenech, présidente de l’association. « C’est aussi un challenge car on doit respecter un cahier des charges et une date de livraison. » Cette année, le grand prix du Fifo fera 13 cm de largeur. Confectionné en bois de tou, le trophée sera incrusté d’une nacre avec le logo du Fifo et prend une forme arrondie, stylisée et aérienne. « C’est le trophée le plus travaillé. Il représente un unu qui symbolise la présence de l’esprit d’une personne défunte ou d’un dieu. Le unu est une porte vers l’au-delà. » Les élèves réalisent également le prix du public et le trois prix spéciaux du jury. « On a choisi de reprendre la même courbe que l’année dernière mais cette fois-ci plus droite avec un côté aérien et moderne. On a ajouté un tressage pour symboliser le lien entre les îles et ça donne un aspect plus esthétique car il y a des collectionneurs de trophées au Fifo », s’amuse, non sans fierté, Nathalie Domenech. Il faut dire qu’il y a au festival des réalisateurs qui souhaitent certes remporter un prix pour la reconnaissance de leur film mais aussi pour ces trophées devenus au fil des ans, de véritables œuvres d’art. De quoi faire la renommée du Centre des métiers d’art, qui ne cesse depuis des décennies de former les artistes polynésiens de demain… « Le Fifo, c’est un beau moyen de promouvoir le travail du CMA au niveau régional. Ça fait aussi une excellente publicité, alors à nous de fournir un travail à la hauteur des attentes », conclut la présidente de l’association.
Trois questions à Miriama Bono, présidente du Fifo
Quels sont les enjeux pour cette 17e édition ?
Le premier enjeu, déjà, est de continuer à durer, ce qui n’est pas toujours évident pour un événement. Il faut à la fois conserver les fondamentaux de la manifestation, qui ont fait son succès, mais aussi sans cesse renouveler le festival, avec un budget qui devient chaque année plus restreint. Le Fifo est une manifestation qui suscite beaucoup d’attentes du public, et nous en sommes fiers et heureux, cela nous motive énormément, mais cela place aussi la barre très haut chaque année, car nous ne pouvons pas décevoir les fans du festival !
En dix-sept ans, comment le Fifo a-t-il su se renouveler ?
L’essentiel du festival repose sur la qualité de la sélection des documentaires, et c’est vraiment la base de la manifestation depuis sa création. Mais nous essayons aussi chaque année de proposer des rencontres, des débats autour des thématiques de l’audiovisuel qui puissent être porteurs. Depuis maintenant deux ans, nous nous sommes par ailleurs engagés dans la démarche du Good Pitch, pour essayer de promouvoir cette dynamique, basée sur les documentaires d’impact, à Tahiti. Nous sommes convaincus, depuis les dix-sept ans que le Fifo existe, qu’un documentaire peut faire évoluer des causes, et changer le regard du public sur des thématiques sociétales ou environnementales. Nous inscrire dans la démarche du Good Pitch est pour nous une démarche évidente et nécessaire.
Depuis l’existence du festival, a-t-on constaté une évolution chez les réalisateurs océaniens mais aussi de la Polynésie française ?
Le Fifo est un réceptacle des problématiques océaniennes. Les thématiques abordées prennent le pouls des enjeux de la région. Depuis quelques années, les préoccupations environnementales sont de plus en plus présentes, alors qu’au début du festival les questionnements culturels et identitaires avaient la faveur. D’année en année, selon les pays, on observe que les sujets sociaux ou politiques, en fonction de l’actualité, sont également très présents, comme par exemple pour la Nouvelle-Calédonie. Quant aux formats, on voit émerger depuis quelques années plus de courts documentaires de très bonne qualité ; c’est d’ailleurs pour cela que nous avons ouvert une nouvelle catégorie destinée aux courts docs. Inversement, le nombre de documentaires très longs, dépassant les 140 minutes, se développent également. En fait, les formats de diffusion dépendent des pays et de leurs contraintes audiovisuelles.
PRATIQUE
FIFO – Festival du film documentaire ocÉanien
• Du 1er au 9 février
Le Off
• Du 1er au 3 et 8 février
• Entrée gratuite
Le Festival
• Du 4 au 9 février
• Billetterie à la Maison de la culture
• Entrée 1 000 Fcfp/jour
• Étudiant et groupes (à partir de 10 personnes)
500 Fcfp/jour
• Pass 3 jours (hors week-end) 2 500 Fcfp
• Renseignements : Tél. : 87 707 016
• www.fifotahiti.com