Hiro’a n°146 – Le saviez-vous ? Échappée bretonne pour des artistes polynésiens
Échappée bretonne pour des artistes polynésiens
Rencontre avec Tokai Devatine et Hihirau Vaitome, artistes et enseignants du CMA. Texte et photos : Charlie Réné.
Deux enseignants du CMA vont s’envoler pour Brest où ils tiendront une résidence d’artiste et participeront à une exposition collective. La preuve que l’art contemporain polynésien suscite de plus en plus d’intérêt au-delà de nos frontières.
Le mouvement c’est la vie. Le Centre des métiers d’art l’a bien compris, et travaille à ce que l’art du pays dépasse ses frontières. « Depuis 2010, on essaie d’inviter régulièrement des artistes ou des chercheurs pour créer une dynamique au centre, pousser nos élèves à voir plus loin », rappelle Tokai Devatine, directeur adjoint du CMA. « Mais on sait que pour que ça marche, il faut aussi aller à leur rencontre à l’extérieur. Ce sont deux mouvement qui s’entraînent l’un l’autre ». Raison pour laquelle l’enseignant et artiste partira, avec sa collègue Hihirau Vaitome, vers la Métropole fin novembre. Direction la ville de Brest, où l’Université de Bretagne occidentale organise, en clôture de son cycle sur l’écrivain Segalen, une exposition consacrée à l’art polynésien contemporain, du 5 au 16 décembre. Les deux représentants du centre, qui tiendront une résidence d’artiste sur place dès le 25 novembre, seront accompagnés par le peintre Norbert Vana’a, et rejoint par d’anciens élèves du CMA, installés en Métropole. L’exposition, intitulée Maeva et dirigée par l’anthropologue Géraldine Le Roux qui voit dans le CMA « un vivier de talents en constante émulation », devrait présenter des œuvres d’une vingtaine de créateurs du fenua.
Créer une dynamique pour les jeunes
Pour le centre des métiers d’arts, l’objectif est toujours le même : ouvrir l’horizon des jeunes artistes, étendre les limites du marché local, élever le niveau… « C’est pour ça que les enseignants doivent exposer chaque année, ici et à l’extérieur », reprend Tokai Devatine. Les élèves doivent avoir des modèles à suivre ». Aussi invités au Quai Branly et à la Société des Océanistes, les deux représentants du CMA ont donc pour mission de tisser des liens à Brest et Paris : avec un autre public, une autre scène artistique et scientifique, mais aussi des galeristes. « Ce sont des échanges qui vont dans les deux sens », complète l’enseignant. « On propose ce qu’on sait faire et on s’imprègne de ce qu’on découvre ». Preuve que « l’expression contemporaine autochtone » attise de plus en plus de curiosité, d’autres déplacements d’enseignants ou d’élèves du CMA sont déjà prévus dans le même temps et d’autres à venir. Une délégation s’envolera ainsi vers la Nouvelle-Zélande, pour des rencontres internationales fin novembre. Suivront des événements à Hawaii, aux Tonga ou en Métropole à partir de 2020, année du quarantième anniversaire du Centre des métiers d’art.
Segalen, un œil breton sur la Polynésie
Né à Brest, Victor Segalen est mort dans sa région en 1919, voilà un siècle cette année. Un anniversaire qui est l’occasion de se souvenir que l’œuvre du romancier et poète, un temps médecin de marine, a été très inspirée par son passage au fenua, à 25 ans. Son roman phare, Les Immémoriaux, s’appuie sur une fine description de la société polynésienne de l’époque, et a participé à un certain renouvellement du regard de l’Europe sur le Pacifique. « C’est un roman ethnographique très avant-gardiste, explique Tokai Devatine, qui rappelle que beaucoup d’acteurs du renouveau culturel des années 70 et 80 ont lu Segalen. Il a écrit sur l’acculturation, sur des mouvements qui traversaient la société ancienne polynésienne et qui ont une résonance aujourd’hui. »