Hiro’a n°145 – L’oeuvre du mois : L’équilibre de Heiata Aka
L’ŒUVRE DU MOIS – Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui
L’équilibre de Heiata Aka
Rencontre avec Heiata Aka, artiste et professeure de gravure au Centre des
Métiers d’Art. Texte : MO – Photos : HA
La Maison de la culture propose, du 22 au 26 octobre, une nouvelle exposition de l’artiste Heiata Aka à la salle Muriāvai. Ses tableaux en aluminium brossé nous entraînent sur la question de l’équilibre.
L’exposition de l’an dernier de l’artiste Heiata Aka a marqué le public, non seulement par la qualité des œuvres exposées, mais aussi par leur diversité. En effet, bien que spécialisée dans la gravure sur nacre, la jeune femme s’est également exprimée sur la toile. Mais ce sont sans aucun doute les tableaux en métal brossé et imprimé, aux lignes pures et aux contrastes clair-obscur, qui ont remporté l’adhésion des visiteurs.
Dualité, équilibre et connexions
Cette année, Heiata a souhaité travailler dans la continuité de cette première exposition. « J’ai senti que beaucoup ont bien réagi à ce côté très perfectionniste, très droit, de mon travail, qui s’exprime particulièrement dans mes tableaux en aluminium brossé. C’est ce retour des visiteurs qui a été le fil conducteur de ma deuxième exposition. » Ainsi, l’exposition de cette année sera principalement axée sur la prédominance du noir, de l’argent et de l’or, au travers de ses tableaux en aluminium brossé. Les ocres aussi, viendront exprimer le lien avec la terre. Le ΄unu, effigie en bois autrefois placée sur les marae, symbolisant le lien entre les hommes et le divin, sera une figure de choix des œuvres de ce nouveau rendez-vous. « Il y a beaucoup de suppositions quant à la signification exacte de cette figure. Je garde le fait qu’il s’agit d’un connecteur qui va lier deux mondes, le nôtre et un monde parallèle, un au-delà dont on a besoin, comme un point de repère dans l’existence. » La connexion mais également la recherche de l’équilibre dans la dualité seront donc les idées prévalentes dans les œuvres exposées. « J’impose un équilibre dans mon travail artistique qui est très important pour moi. La vie est faite de choix entre deux pôles mais l’on oublie souvent qu’il y a aussi l’équilibre. Cet équilibre dans l’existence permet de faire face aux difficultés de la vie. Et c’est justement dans la difficulté que l’on peut aller chercher ce soi que l’on ne connaît pas, comme je le dis souvent à mes élèves du Centre des Métiers d’Art. »
De la gravure sur nacre
L’exposition laissera une part à la bijouterie d’art avec de nouvelles pièces de nacre gravée. Pour l’occasion, son conjoint, Teva, lui aussi créateur et directeur de Art Ke’a, proposera des pièces de bijouterie, tandis que Heiata présentera des pièces exceptionnelles caractérisées par la finesse et la recherche continuelle d’une certaine perfection des motifs. « Je mets un point d’honneur à produire des pièces de grande qualité. Je ne suis jamais satisfaite, ce qui fait que je suis capable de décliner une œuvre de multiples manières. » Toutefois, chaque pièce est unique et accompagnée d’un certificat d’authenticité.
Un processus de création incontrôlable
Pour Heiata, la créativité n’est pas le fruit de sa volonté. « Je ne peux pas décider à quel moment je vais produire quelque chose. Cela me fait douter quelquefois de pouvoir créer assez d’objets pour l’exposition à venir et peut me mettre dans un état lamentable. Me poster devant une toile ou sur mes outils ne sert à rien. C’est au moment où je ne m’y attends plus que les idées me viennent, et alors là, je peux travailler sans voir le temps passer. » Heiata ne s’impose aucun thème particulier, elle préfère créer au “feeling” et cherche surtout à susciter l’étonnement du visiteur, une prise de conscience, un questionnement, une émotion. « J’aime mettre les personnes dans une situation d’inconfort, face à l’inconnu, afin de les pousser à se questionner. Tout le monde agit en miroir et c’est ce qui va me donner mon fil conducteur pour l’exposition suivante. J’apprends de mes visiteurs autant que ce qu’ils apprennent de ce qu’ils voient. De fait, ce que je crée ne m’appartient déjà plus. Chaque création porte une énergie qui va attirer son public et provoquer le “coup de cœur”. » Heiata se pose donc comme un canal entre une œuvre et celui qui va la recevoir. « Je vais recevoir quelque chose, le matérialiser et cet objet va attirer une personne comme un aimant. Ce sont des connexions formidables ! »
Pas de limites
Quels que soient les domaines dans lesquels elle s’exprime, que ce soit la gravure, la peinture ou autre (elle écrit aussi les textes qui accompagnent ses œuvres),
Heiata ne se met aucune limite. « Je déteste les limites. Pourquoi se limiter ? » Cela se traduit par une diversité des formes, des tailles et des supports ayant pour point commun cette recherche permanente de perfection dans les moindres détails. Pas forcément destinées à la vente, les productions de Heiata lui font dire : « J’espère que ces pièces deviendront des artefacts qui pourront être vus par les générations à venir comme étant des éléments du patrimoine océanien. »
Pratique
• Du mardi 22 au samedi 26 octobre
• De 9 heures à 17 heures du mardi au vendredi et de 9 heures à 12 heures le samedi
• Entrée libre
• Renseignements au 40 544 544 / www.maisondelaculture.pf
Page Facebook : Maison de la Culture de Tahiti
• Salle Muriāvai
Heiata Aka : un parcours étonnant
Heiata a travaillé dans l’administration durant une dizaine d’années avant de se décider à suivre sa vocation d’artiste. « J’ai toujours voulu devenir artiste et enseigner dans ce domaine, mais je viens d’une famille pour qui les arts représentaient une voie dont on ne vit pas. » Elle intègre donc sur le tard une formation de trois ans en gravure sur nacre, au sein du Centre des Métiers d’Art. Major de sa promotion en 2016, elle crée son entreprise individuelle de bijouterie d’art, Ke’a Concepts et Productions. Puis le directeur du CMA lui propose de passer le concours d’assistante d’éducation artistique pour devenir professeure de gravure au CMA. Pour Heiata, c’est un choix difficile à faire, car c’est abandonner la liberté que lui procure son statut de chef d’entreprise. D’un autre côté, c’est aussi trouver un accomplissement dans le fait d’enseigner les arts. « J’ai pesé le pour et le contre, et en même temps, c’était un challenge que je voulais relever pour me prouver que j’en étais capable. » Elle réussit le concours et devient dès lors professeure de gravure au sein du CMA. « J’adore mon travail, car, au-delà de la connaissance technique, j’amène mes élèves à aimer ce qu’ils font. »