Hiro’a n°143 – Le saviez vous : L’empreinte de Štefánik
Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa ’a tupuna
L’empreinte de Štefánik
Rencontre avec Sébastien Damé, responsable du département du patrimoine audiovisuel multimédia Internet au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel. Texte : ASF à partir d’une note de Robert Veccella – Photos : droits réservés SPAA – Archives PF
Milan Rastislav Štefànik, astronome d’origine Tchèque, a créé un observatoire à Tahiti et fortement contribué à promouvoir le mythe de Tahiti en Europe.
« M. Stephanik prie le public de bien vouloir s’abstenir de monter à l’observatoire de Faiere en dehors de certains jours, qui seront fixés ultérieurement », peut-on lire dans le Journal officiel des Établissements français de l’Océanie en date du 26 mai 1910 où se côtoient les avis pour les bons de la Caisse agricole aux pêcheurs, la vente de bicyclette « Tenot » et diverses annonces par des agents maritimes. Mais qui est donc ce « Stephanik* » et de quel observatoire parle-t-on ?
Milan Rastislav Štefànik, docteur es-sciences, astronome attaché aux observatoires de Meudon, de Paris et du Mont-Blanc est né le 21 juillet 1880 à Košariskà. en Hongrie à l’époque, Slovaquie de nos jours. Son père est Pàl Štefànik, un pasteur évangéliste. Il arrive à Tahiti le 27 avril 1910 par le vapeur Mariposa et quitte l’île définitivement le 19 octobre 1913 par le vapeur Tahiti en partance pour San Francisco. Pendant trois ans, il multiplie les missions du Bureau des longitudes pour des observations astronomiques et des missions diplomatiques pour le gouvernement français dans le Pacifique (Tonga) et en Amérique du Sud (Brésil et Équateur). Sa venue à Tahiti en 1910 est liée à l’observation du passage de la comète Halley. Dans une note du ministre de la Marine, il est indiqué que Štefànik a créé et installé à ses frais un observatoire à Tahiti et organisé, dans les îles de l’Océanie française, un service météorologique complet. En 1913, c’est une toute autre mission qui lui est confiée. Le ministère des colonies à Tahiti le charge des études préparatoires à l’établissement de la télégraphie sans fil en Océanie française.
Diplomate, scientifique, politique
À son retour en Métropole après son départ de Tahiti, il enchaîne les missions scientifiques et diplomatiques. Le 30 juillet 1914, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en tant qu’astronome sur proposition du ministre de la Marine. Deux ans plus tôt (27 juillet 1912), il avait été naturalisé français pour services exceptionnels rendus à la France depuis 1905. Dès le début de la guerre, il s’engage dans l’armée de l’air et monte rapidement en grade. Nommé officier de la Légion d’honneur sur proposition du ministre de la Guerre, le 20 octobre 1917, il est promu commandeur de la Légion d’honneur le 9 janvier 1918. Son attachement à son pays d’origine et les très bonnes relations avec sa patrie d’adoption lui permettent d’avoir un rôle diplomatique et politique de premier plan. En 1918, Il est général de l’armée tchécoslovaque, et vice-président de la nouvelle république tchécoslovaque dont il est membre fondateur. Il déclare qu’après la guerre, il a l’intention de se fixer à Tahiti pour y reprendre ses travaux astronomiques. Le sort en décide autrement, son avion s’écrase le 4 mai 1919…
L’observatoire du Faiere
Que reste-il de l’observatoire du Faiere qu’il a créé ? Très peu de chose, à peine quelques photographies de l’époque, car il aurait été accidentellement incendié le 9 septembre 1948. Où se trouvait-il ? Sur le Mont Faiere, au-dessus de Papeete et surplombant l’entrée de la vallée de Sainte-Amélie. Dès 1845, l’armée française envisage d’installer à cet endroit un fort éponyme. De nos jours, l’emplacement est un lotissement où vivent les militaires et leurs familles. Une stèle y commémore la mémoire du passage de Štefànik à Tahiti depuis 1994. Sur le socle du télescope détruit en 1948, on pouvait lire : « TAHITI 9 MAI 1910 – KEROUAULT, INGENIEUR – STEFANIK, ASTRONOME – FROGIER, CONSTRUCTEUR » . Jean Kerouault apparaît dans le JOEFO à partir du 10 janvier 1910, conducteur de 4e classe des Travaux publics à Tahiti, il en prend la direction. Il quitte le service en 1921, en raison de la suppression de son poste. Il est alors ingénieur des Travaux publics des colonies, la décision du gouverneur des Établissements français d’Océanie le mettant en disponibilité précise qu’elle aura son effet le jour du départ du paquebot Tahiti sur lequel il s’embarquera. Le vapeur anglais Tahiti de 4 541 tonneaux arrivé le 11 octobre de Wellington est reparti pour San Francisco le 14 du même mois. Durant onze ans il est directeur et missionné pour de nombreuses activités ou diverses commissions. Durant la guerre, il est lieutenant du 8e Génie et pour sa belle conduite au front comme chef des travaux de la 2e armée, il fait l’objet d’une citation du ministre de l’Armement et l’objet d’une proposition pour la croix de chevalier de la Légion d’honneur qui ne semble pas avoir été suivi d’effet. Enfin, le constructeur Frogier peut être soit Édouard (1878-1941) entrepreneur soit Alphonse (1884-1957) charpentier. Il est possible que ce soit ce dernier, car l’observatoire de Štefànik est réalisé en bois.
Un timbre polynésien à son effigie
À l’occasion du salon philatélique international de Prague qui a eu lieu du 15 au 18 août 2018, la Poste polynésienne a rendu hommage à cet astronome d’exception qui a mis ses connaissances scientifiques au service de la Polynésie, et contribué à promouvoir le mythe de Tahiti en Europe. Un timbre d’une valeur de 140 Fcfp a été édité avec le portrait de l’astronome réalisé par Evrard Chaussoy, un artiste polynésien de Raiatea. Dans sa présentation, la Poste polynésienne souligne que Štefànik, très apprécié de la population, était nommé « Taata Hi’o Feti’a », « l’homme qui regarde les étoiles ». Selon La Poste « La venue de Štefànik a incité, notamment à travers ses activités photographiques, plusieurs familles d’origine tchèque et slovaque à s’installer à Tahiti, à partir de 1926. Ces familles ont créé une Société tchèque de colonisation, soutenue par une banque de Prague. Certains tenteront de coloniser la vallée de la Papenoo, d’autres, le plateau de Toovi à Nuku Hiva, suite aux dissensions internes. Parmi les arrivants on peut citer : Jaroslav Otcenasek, Jean Duchek, Rudolph Panek, François Cap, Rudolph Klima, et Milos Rivnac. D’autres, moins connus, sont allés par la suite, travailler à Makatea. Rudolph Klima a écrit un article au sujet de Štefànik et l’Observatoire dans le Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes, numéro 96 de 1950. »
3* Le nom est ainsi orthographié dans le JOEFO.
Légendes
- R. Štefànik au travail sur l’île de Tahiti. Place of the original – Slovak National Library – Literature Archive – SŠ 51/235 – Droits réservés
Extrait du JOEFO n°21 du 26 mai 1910 p 234 (SPAA )