Hiro’a n°142 – Dossier : le Heiva i Tahiti 2019
Maison de la culture – Te Fare Tauhiti Nui
Rencontre avec Pierrot Faraire, spécialiste en chants traditionnels et membre du jury du Heiva i Tahiti, Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la Culture et Vaiana Giraud, responsable de la communication de la Maison de la culture
Le chant porte sa voix au Heiva i Tahiti
Comme chaque année, le monde culturel est en effervescence à l’approche des fêtes de juillet. Les groupes de chants et de danse préparent depuis des mois leur spectacle. Le concours est l’occasion de montrer son talent, son travail et de faire vibrer To’atā. Les groupes de chants, eux, lancent une opération de séduction auprès du public.
Quinze formations sont en concours dans la catégorie chant et treize en danse. Depuis plusieurs mois, les groupes se préparent. On entend résonner les percussions traditionnelles dans les quartiers, preuve que les répétitions s’enchainent. Mais chaque année, la même question est posée : comment intéresser les spectateurs aux représentations des groupes de chant ? L’année dernière, pour récompenser l’excellence, un nouveau prix a été créé : le grand prix Tumu ra΄i fenua qui revient au pupu hīmene ayant obtenu le plus grand nombre de points dans les catégories obligatoires en tārava, ΄ūtē paripari et hīmene rū΄au. Cette année, les groupes vont innover avec l’obligation de mettre en scène leur thème, une initiative lancée en 2018. « Nous avons cherché une solution pour retenir le public et nous avons pensé à cette mise en scène, explique Pierrot Faraire, spécialiste en chants traditionnels et membre du jury du Heiva i Tahiti. Cela permettra aux spectateurs de mieux comprendre le texte. C’est la nouveauté de l’année 2019, si ça ne marche pas, on cherchera autre chose ! » Il est toujours difficile d’exécuter sa prestation sous les mouvements du public qui quitte les gradins… Les groupes de chant ont visiblement bien accueilli cette idée. Pour eux, le Heiva est l’occasion de montrer ce qu’ils savent faire mais c’est aussi « la transmission des chants traditionnels à la nouvelle génération » et « leur sauvegarde ». Généralement, les jeunes démarrent l’apprentissage du chant à l’église ou au temple. C’est aussi là, tous les dimanches, que résonnent les chants traditionnels polynésiens. Gagner ? Ce n’est pas le plus important. Ce qui compte est que les jeunes apprennent, selon Pierrot Faraire.
L’amour du chant
Comme pour les groupes de danse, la réglementation est particulièrement stricte. Les troupes doivent faire entendre neuf voix dans les tārava, l’harmonie, le dynamisme d’ensemble, la discipline, l’installation du groupe de chant, la clarté de la diction, la synchronisation des voix, la justesse de la tonalité, l’enchainement, la prestation du ra΄atira… La liste des critères est longue. Le non-respect de certaines règles entraine des pénalités comme le nombre de personnes composant le groupe qui doit être de soixante minimum. En tant que membre du jury, ou même simple spectateur, Pierrot Faraire attend également « d’être pris dedans, de vivre le chant ». « Les groupes ne doivent pas chanter pour chanter, il faut du sens, de l’expression, de la puissance. Ils doivent montrer l’amour de leurs chants. » Ces sons et ces mélodies remontent à des siècles de tradition. Pour Pierrot Faraire, c’est un pan de la culture polynésienne « qui n’a pas été touché par l’influence du monde occidental ». C’est donc une grande fierté d’entendre résonner dans To΄atā les échos de l’ancien monde. Et si les personnes âgées sont les plus nombreuses dans les pupu hīmene, les jeunes sont aussi présents. Si les chants résonnent dans les églises le dimanche, on peut aussi les entendre lors d’événements culturels tout au long de l’année comme lors des kermesses, des concours entre les districts et dans les écoles où il est enseigné. « Le chant traditionnel ne va pas disparaitre », assure Pierrot Faraire avec un sourire. Que le public reste ou non !
La danse au cœur du Heiva
Le Heiva i Tahiti c’est du chant, mais aussi de la danse. Chaque groupe doit présenter quatre à cinq types de danses traditionnelles parmi les ōte’a, ‘aparima, pā’ō’ā et hivināu ainsi que trois types de costumes (traditionnel, végétal et en tissu). La prestation doit être comprise entre 45 et 60 minutes. Tout manquement au règlement entraine des pénalités. Pour les groupes, c’est un moment intense, un mois de fête, l’occasion de célébrer toute la culture polynésienne.
Les différents types de chant :
Tārava : trois types de tārava sont exécutés et primés durant le Heiva : le tārava Tahiti, le tārava Raromata΄i et le tārava Tuha’a pae. Selon le règlement du Heiva, ces chants doivent comporter six strophes de six lignes. Les tārava sont rapides et rythmés. On entend les mêmes voix mais elles sont chantées différemment selon les archipels. Ce chant s’inspire de la nature : des bruits de la pluie, du vent, de la rivière, des oiseaux.
Hīmene rū΄au : ce chant est plus doux et plus lent. Rū΄au signifie « vieux » en tahitien. C’est un chant de deuil où on peut entendre la souffrance et les pleurs.
‘Ūtē paripari : ce chant est très rythmé. Il est interprété par deux personnes accompagnées de quelques musiciens. Les deux voix se répondent sur une tonalité différente.
‘Ūtē ‘ārearea : ce chant a la même forme que le ‘ūtē paripari, il est interprété par deux personnes accompagnées de quelques musiciens. Il est facultatif pour les groupes de chant au Heiva. Les deux voix se répondent sur un texte plutôt comique. Auparavant on pouvait entendre l’utilisation de mots français, ce qui faisait beaucoup rire le public ; c’est désormais interdit.
Codifier la cérémonie du Rāhiri
Chaque année, depuis l’an 2000, une cérémonie du Rāhiri ouvre les festivités du Heiva i Tahiti. Cette année-là, la place To΄atā est inaugurée en juin et va accueillir pour la première fois le concours de chants et de danses qui se déroulait jusque-là place Vaiete. Une cérémonie est organisée pour « endormir » Vaiete et « réveiller » To΄atā. L’idée serait venue de Pierre Sham Koua, un homme très impliqué dans la culture polynésienne. La cérémonie du Rāhiri est l’occasion pour le jury et les groupes de s’adresser un signe de respect mutuel. Au fil des années, elle était organisée de façon différente selon le président du jury. « Une année, on a une cérémonie inura’a ava et l’année suivante, non, on peut avoir le passage dans un nuage de fumée purificateur une année et l’année suivante non… On va essayer de codifier cette cérémonie du Rāhiri », a expliqué Heremonana Maamaatuaiahutapu, ministre de la Culture, lors de la conférence de presse du Heiva i Tahiti. L’idée serait d’avoir une ligne conductrice, « l’habillage » serait ensuite laissé aux interprétations et envies du président du jury. Mais ce n’est pas simple : « On a chacun apporté une touche personnelle dans cette cérémonie. Le petit groupe de travail connait quelques difficultés à établir un déroulé. » Selon l’académie tahitienne, le Rāhiri est traduit par : « une touffe de feuilles de cocotier présentée au roi ou au chef avant le commencement d’une danse », c’était une rencontre solennelle, prélude à d’importants événements. Aujourd’hui, la cérémonie symbolise la paix et la sérénité, un engagement de chacun à se respecter durant le concours et après les décisions du jury.
Le Heiva en chiffres
8 soirées de spectacle dont 6 soirées de concours
2 800 artistes environ
15 formations sont en concours dans la catégorie chant : 8 en Tārava Tahiti, 4 en Tārava Raromata΄i et 3 en Tārava Tuha’a pae
60 personnes minimum doivent composer le groupe de chant
1 406 heures de préparation sont nécessaires en moyenne pour une prestation de chants
13 groupes de danse sont en concours : 6 en hura ava tau et 7 en hura tau
1 750 more commandés en moyenne
5 320 heures de préparation en moyenne sont nécessaires pour une prestation de danse
Les groupes doivent présenter 4 à 5 types de danses traditionnelles parmi les ōte΄a, ΄aparima, pā΄ō΄ā, hivināu.
Le jury du Heiva i Tahiti
Myrna Tuporo dite Mama Iopa préside le jury.
Originaire de Rurutu, elle commence dès l’âge de seize ans à travailler dans le milieu du chant et de la danse pour son église. Elle prépare des spectacles pour les kermesses et les fêtes religieuses, puis elle devient cheffe et auteure-compositrice des Tamari΄i tuha΄a pae. Aujourd’hui, elle enseigne le chant traditionnel au Conservatoire artistique de la Polynésie française.
Pierrot Faraire est originaire de Rapa. Enseignant, il apprend aux enfants de Rapa tout ce qu’il sait sur la culture polynésienne. Il participe au Heiva i Rapa et remporte de nombreux prix. Il arrive à Tahiti en 1992 et monte le groupe Tamariki Oparo, avec lequel il se présente en chant et en danse. C’est la quatrième année qu’il est membre du jury en chant.
Edwin Teheiura descend d’une famille d’artistes de Huahine. En 1989, il rejoint la troupe Temaeva de Coco Hotahota en tant que danseur, puis comme musicien. Puis il crée son propre groupe : Tamari΄i Faretou no Huahine de Haapu, avec lequel il remporte plusieurs prix en chant.
Jean-Marie Biret, vice-président du jury, a grandi en Nouvelle-Calédonie et est arrivé à Tahiti à l’âge de vingt ans. Il danse avec Gilles Hollande puis il monte sa troupe : Te Muriavai puis Manahau.
Vaihere Cadousteau-Pohue a appris la danse auprès de mamie Louise Kimitete et Vanina. Elle danse ensuite pour Coco Hotahota au sein de Temaeva. Elle est aujourd’hui auteure et conseillère artistique pour la troupe Tamari΄i Tipaeru΄i.
Olivier Lenoir est originaire de Rurutu où il a fait ses premiers pas de danseur avec les Tamari΄i Manureva. Il danse ensuite avec O Tahiti e, Les Grands ballets de Tahiti et participe au Heiva Tū΄aro Mā΄ohi où il excelle au grimper de cocotier. Il crée la troupe Tahiti ia Ruru-tu-noa et remporte le prix Gilles Hollande en hura ava tau en 2016.
Victor Teriitahi danse pour les plus grandes troupes depuis plus de vingt-cinq ans : O Tahiti e, Kei Tawhiti, Heikura Nui, Teimaire Nui, Les Grands ballets de Tahiti… Interprète et chorégraphe, il a reçu le prix du meilleur ra΄atira lors du Heiva 2011 avec Tahiti Ora, qui remporta le grand prix en hura tau.
Poehei Tamaiana est né dans la culture : ses parents dirigent le groupe Feti΄a dans les années 1970. De 1992 à 2004, il évolue au sein de la troupe Ahutoru Nui puis il devient le chef d’orchestre de la troupe Hitireva.
Mirose Paia est docteure et maître de conférences à l’université de la Polynésie française. Elle travaille sur les langues, la littérature polynésienne et leur transmission. Auteure pour la première fois au Heiva pour Tahiti ia Ruru-tu-noa en 2018, elle a remporté le prix du meilleur auteur.
Pratique :
Du 4 au 6 juillet et du 11 au 13 juillet : concours de chants et de danses.
Adultes : 3 000 Fcfp (tribune centrale), 2 000 Fcfp (tribune latérale)
Enfants (moins de 12 ans) : 1 500 Fcfp (tribune centrale), 1 000 Fcfp (tribune latérale)
Mercredi 17 juillet : remise des prix
Entrée libre avec ticket à récupérer sur place.
Vendredi 19 et samedi 20 juillet : soirées des podiums
Adultes : 3 500 Fcfp (tribune centrale), 2 500 Fcfp (tribune latérale)
Enfants (moins de 12 ans) : 1 500 Fcfp (tribune centrale), 1 000 Fcfp (tribune latérale)
Tous les soirs :
Gratuit pour les enfants de moins de 2 ans sur présentation d’un billet « bébé »
PMR + 1 accompagnateur : 1 500 Fcfp (devant la scène)
Vente des places à la Maison de la culture et en ligne sur www.heiva.org
Du lundi au jeudi de 8h à 17h et le vendredi de 8h à 16h
Les soirs de spectacle : 1h30 avant le début de la soirée
Renseignements : 40.544.544
Facebook : La Maison de la Culture de Tahiti
Pour un Heiva écolo !
Un partenariat avec Fenua Ma permet de gérer de façon optimale les déchets de cette grande manifestation publique qu’est le Heiva. Des corbeilles de tri seront placées partout à To’atā et des actions seront mises en place sur le site pour valoriser le tri des déchets. Des éco-ambassadeurs bénévoles tiendront un stand d’information où il sera possible d’obtenir des renseignements, mais aussi de gagner des goodies. Pour cette édition 2019, les équipes de la Maison de la culture seront renforcées par les collectifs Nana sac plastique et Zéro déchet. La Maison de la culture confirme son engagement après avoir remporté la tortue d’argent dans la catégorie Manifestation publique, en 2018.
Visitez le village du Heiva
Hiro Ou Wen, Miren et Sophon, Haiva Créations, L’art en fleurs, Fauura Créations, Juliana vannerie… et beaucoup d’autres seront rassemblés au village des artisans, sur l’esplanade basse de To’atā durant les fêtes du Heiva. Depuis cinq ans, la CCISM organise un village artisanal afin de permettre au public de découvrir l’étendue des talents des artisans polynésiens. Non seulement les visiteurs assisteront aux plus beaux spectacles de danse et de chant mais ils pourront également profiter du savoir-faire artisanal. Cette édition est placée sous le thème du Fenua aihere. Bijoux, vannerie, vêtements, tīfaifai, tressage, mais aussi des dégustations de produits « Heiva », un jeu concours « Vote pour ton stand préféré » et de nombreux lots à gagner, sont au programme.
- Du 4 au 20 juillet, sur l’esplanade basse de To’atā, de 16h à 22h les soirs de spectacle.
Infos sur Facebook : Village Heiva i Tahiti
Entrez dans la danse
Voici les treize groupes participants et les thèmes choisis :
Catégorie Hura ava tau (amateurs)
HURA MAI Taputea, le sacre des alliances (4 juillet) ;
TOAHIVA L’orgueil et la quête de liberté intérieure (5 juillet) ;
O PUNAAUIA Hina et le premier banyan (6 juillet) ;
TERE ORI Hoturoa, la sagesse de Tainui (11 juillet) ;
TE PARE ‘O TAHITI AEA La révolte de Pūeu contre la cour de la reine Pomare IV (12 juillet) ;
HEIHERE Arbre sacré – pandanus (13 juillet).
Catégorie Hura tau (professionnels)
TAMARI‘I MATAIEA thème non communiqué (4 juillet).
HITIREVA Tūpaia, qui es-tu ? (5 juillet).
HEIKURA NUI L’héritage (6 juillet).
TEVA I TAI Les constellation du firmament (6 juillet).
TEMAEVA Contemple ta montagne (11 juillet).
PUPU TUHA‘A PAE La volonté de vengeance du fils de Tematauira (12 juillet).
O TAHITI E Le grand souffle de la vie (13 juillet).