Hiro’a n°141 – L’oeuvre du mois : L’épopée de Tu Makinokino racontée au gala du Conservatoire
L’œuvre du mois
Conservatoire artistique en Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau
Rencontre avec John Mairai, auteur et metteur en scène du spectacle Tu Makinokino pour la nuit de gala du Conservatoire artistique de Polynésie française.
Texte : Meria Orbeck – Photos : CAPF – Christian Durocher
L’épopée de Tu Makinokino racontée au gala du Conservatoire
Connaissez-vous Tu Makinokino, l’ancêtre de la dynastie royale des Pomare ? Son destin incroyable est intimement lié à l’histoire des Polynésiens. Une épopée que vous racontent les élèves du Conservatoire, le 22 juin, dans le cadre du gala annuel et des quarante ans du CAPF.
A date anniversaire exceptionnelle, gala exceptionnel. Pour s’en charger, le CAPF a fait appel à John Mairai, auteur et metteur en scène dont la renommée n’est plus à faire. Le 22 juin, sur la scène de To’ata, les élèves du conservatoire vous présenteront un spectacle basé sur l’histoire de Tu Makinokino, qui fut l’ancêtre remarquable des Pomare et donc des Polynésiens. Ce thème, d’après son auteur, est porteur d’un message qui peut paraître provocant, mais qui est, en réalité, à l’origine du peuplement de la Polynésie : “Nous sommes tous des hotu painu.”
Car, à l’instar du hotu, fruit du barringtonia asiatica, qui dérive au gré des vents et des marées puis s’implante pour devenir cet arbre magnifique aux ramures imposantes, le spectacle Tu Makinokino retrace l’épopée de cet homme au destin improbable, dont la descendance deviendra la famille royale de Tahiti et de ses îles.
Des faits historiques à la légende
Tu est le titre qui était donné aux chefs, aux ari‘i, aux grands guerriers. Il signifie “être debout”. Makinokino, que l’on serait tenté de traduire par “mauvais”, signifie en fait “stabilité ”. Debout et stable. Ce nom est prémonitoire de la destinée de cet homme, demi-dieu par son père, le dieu Atea et demi-paumotu par sa mère, Fakahotu, originaire de l’île guerrière de Ana’a.
L’histoire, épique, imaginaire et poétique, commence par une tempête dans laquelle notre héros est pris. Parti de Fakarava, dont il est le ariki, pour Niau, Tu finira son difficile voyage dans la passe de Taunoa. Au même moment, sur la plage du Taaone, Mauahiti, chef de Pare (Pirae) est dans l’attente du retour de son fils, lui aussi perdu dans la tempête. Lorsqu’il aperçoit la pirogue de Tu, son cœur bondit de joie et d’espoir, jusqu’à ce que Tu se redresse, imposant Paumotu à la chevelure crépue. Le chef tahitien se rend compte, alors, de son erreur. Mais il a prié les dieux ; cet homme, s’il n’est pas son fils, lui a été envoyé. Il l’accueille, l’adopte et en fait son héritier. À partir de là, Tu Makinokino épousera une princesse du marae Ahutoru, de Arue et ainsi établira sa descendance. Les unions successives avec les grandes familles de ari‘i des différentes chefferies de Tahiti et de Raiatea achèveront d’anoblir définitivement la lignée de Tu Makinokino.
L’épopée se termine avec Pomare II, neuvième descendant de Tu Makinokino, sans aucun doute le personnage le plus important de la dynastie. En 1819, après la bataille de Fei-Pi de 1815, il institue la monarchie unique, fait établir le code de lois Pomare et introduit le christianisme en tant que nouvelle et unique religion. Son règne marquera donc un tournant définitif dans l’histoire de la Polynésie.
Le dernier tableau, symbolisant ce changement, présente une chorale composée de tous les élèves mais aussi… du public !
Un travail de longue haleine
John Mairai travaille depuis longtemps sur ce sujet. Il pensait, au départ, le proposer à un groupe de ‘ori tahiti pour le Heiva. Mais son désir d’en faire à la fois un spectacle et une œuvre pédagogique l’a incité à l’utiliser comme thème du gala du conservatoire. “Parler des ancêtres des Pomare, c’est parler de nous, explique John Mairai. Quand on parle de hotu painu, les gens ne savent pas trop ce que ça veut dire. Donc, j’essaie de démontrer que nous sommes tous des hotu painu. C’est le message de ce spectacle. Painu signifie perdu en mer. Mais il faut des circonstances particulières pour que le hotu prenne racine, un rivage où il y a du sable et de la terre. Cela correspond au moment, qui est très fort pour moi, de l’adoption. Les circonstances font que Tu Makinokino arrive au moment où Mauahiti vient de perdre son fils. Il est accueilli et adopté. Les traditions orales rapportées dans les ouvrages historiques locaux retracent d’ailleurs cet épisode.”
Diction et mémorisation
La préparation du spectacle a débuté dès la rentrée de septembre. Elle inclut toutes les disciplines des arts traditionnels du conservatoire. “L’équipe qui travaille sur le spectacle avec moi est constituée de professionnels, des chorégraphes, des professeurs de hīmene, l’orchestre, il y a du monde pour encadrer tous les jeunes. La contrainte c’est qu’il faut que tout le monde joue, des plus jeunes aux plus âgés, donc on doit adapter les textes et les scènes à chaque niveau.” Les répétitions ont lieu deux fois par semaine et permettent de réajuster les éléments de l’histoire, renforcer certaines scènes pour que tout soit cohérent.
“Actuellement, je travaille surtout sur la diction des ΄ōrero avec mes élèves. Certains enfants sont très jeunes, ils n’ont que dix ans et travaillent durement pour mémoriser les textes, qui sont assez fournis. Ils sont à fond dans leurs textes, pourtant ce ne sont pas des locuteurs du reo tahiti, remarque John Mairai. Pour l’instant, c’est encore mécanique, mais dans quelques années, ces jeunes auront mûri et la compréhension du reo avec eux. Je souhaite vraiment que ce récit soit instructif, pédagogique, car c’est notre histoire.”
Une soirée en deux temps
Comme chaque année, le conservatoire vient clore le Heiva des écoles et marque l’ouverture du Heiva i Tahiti. C’est la consécration de toute une année de dur labeur, et le moment le plus attendu par tous les élèves et professeurs du département des arts traditionnels. En effet, la nuit de gala est l’occasion pour la direction du conservatoire, en présence des autorités, de remettre leur diplôme d’études traditionnelles aux élèves qui auront réussi les examens de fin d’année.
Cette année, le gala sera présenté en deux parties. L’ouverture, marquée par le traditionnel ΄ōrero célébrant le Fare Uparau (le conservatoire), sera suivie de la remise des diplômes. À cette occasion, les élèves montreront, au travers de différentes prestations, le savoir-faire acquis au terme de l’année. On pourra assister, notamment, à une battle de diction en tahitien, qui promet d’être relevée !
En seconde partie viendra le grand spectacle qui réunit tous les domaines des arts traditionnels. Ce ne sont donc pas moins de huit cents élèves, jeunes artistes de talent, qui œuvreront main dans la main à la présentation des différents tableaux.
PRATIQUE
Tu Makinokino
Nuit de Gala du Conservatoire
Samedi 22 juin à 18 h 00
Place To’atā
BILLETTERIE : aux guichets de la Maison de la culture, en ligne sur www.maisondelaculture.pf et sur place le soir du spectacle
Tarifs : 1500 XPF tribune principale; 1000 XPF tribunes latérales, 500 XPF enfants de moins de 12 ans.
Renseignements tel : 40 544 544