Hiro’a n°140 – Le saviez-vous : Tramway à Tahiti, un projet nommé Désir

Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa’a tupuna

Rencontre avec Sébastien Damé, responsable du département du patrimoine audiovisuel multimédia Internet au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel

En 2014, l’association 2D Attitude proposait la création d’un tramway aérien de 15 km sur la zone urbaine de Pape’ete. Cette idée de tramway n’est pas nouvelle à Tahiti. En 1885 et en 1891 déjà, deux projets de tramway sur rail étaient envisagés comme en attestent les lettres archivées au SPAA.

« Nous avons reçu votre télégramme disant : «Pouvez-vous livrer Colonie Tahiti 15 kilomètres rails tramway 60 centimètres environ 12.000 Fcfp matériel roulant payable en 3 ans.» et nous avons répondu par le suivant que nous confirmons : « Acceptation en principe » ». C’est par ces mots que débute la lettre datée du 18 juin 1891 envoyé de Petit-Bourg (aujourd’hui la ville d’Evry dans l’Essonne) par Paul Decauville, le président du conseil d’administration des Établissements Decauville Aîné.

Cet industriel de Seine-et-Oise* spécialisé dans la construction et exploitation de chemins de fer à voie étroite répond à la demande de monsieur Lacascade, gouverneur des Établissements français de l’Océanie. Ce n’est pas la première fois qu’il est sollicité par les EFO pour un tel projet puisqu’il signale dans sa lettre du 13 juillet 1891 qu’en 1883 et 1884, il a correspondu avec M. Frogier, des Ponts-et-Chaussées, au sujet d’une ligne Pape’ete-Mataiea. Ce précédent projet antérieur de cinq ans est, par sa dénomination, trois fois plus long, soit 45 km. Est-ce du même projet dont parlent les deux protagonistes ?

De Pape’ete à Mataiea

Le premier projet de voie ferrée est porté par M. Goupil qui souhaite mettre en place un transport entre Pape’ete et Mataiea. En 1885, une commission est chargée d’examiner le projet et publie son rapport au JOEFO n°23 du jeudi 9 juillet 1885. Le projet ne se réalise pas et son initiateur finit par jeter l’éponge.


Six ans plus tard, en 1891, un projet similaire refait surface. Il est fortement soutenu par le gouverneur de l’époque. Voici ce que dit M. Théodore Lacascade dans son discours à l’ouverture de la session ordinaire du Conseil Général, le 17 août 1891 : « (…) l’agriculture et l’industrie ne se développeront jamais dans ce pays tant que le transport au chef-lieu d’une tonne de denrées exigera le déboursement d’une somme presque égale à (…) cette denrée. Le bas prix, la rapidité et la sécurité des transports voilà donc ce qu’il importe d’assurer avant tout, si nous voulons voir l’agriculture se développer, si nous voulons que la désertion actuelle des champs, l’un des plus grands fléaux de notre temps, fasse place à une activité laborieuse et féconde au sein de la population des districts. Et le moyen, quel est-il ? C’est la création d’une voie ferrée sur notre route de ceinture. Je parle, bien entendu, d’un chemin de fer à voie étroite.

Mais ce moyen est-il à notre portée ? Un chemin de fer, même à voie étroite, de 65 kilomètres n’est-il pas, dira-t-on, au-dessus des ressources de la colonie ! Je ne le crois pas et je suis intimement convaincu, après une étude attentive de la question, que la colonie peut et doit – sous peine de perdre tous les fruits de ses sacrifices antérieurs – entreprendre un pareil travail, le seul peut-être qui décidera de son avenir, celui, dans tous les cas, qui doit occuper la première place dans ses préoccupations.

C’est pour cela que je vous demande instamment, de reprendre cette question que le Conseil général n’a fait qu’effleurer il y a cinq ans. Après que vous aurez arrêté le principe, l’utilité, de la construction, il vous appartiendra d’examiner si elle doit faire l’objet d’une concession à longue échéance. À cet égard, un cahier des charges type a déjà été dressé. J’attends, d’autre part, par le courrier prochain, une réponse de la maison Decauville Aîné à des propositions qui lui ont été soumises : si, comme le fait espérer la dépêche télégraphique qui m’est parvenue ce mois-ci, cette réponse est satisfaisante, rien ne saurait s’opposer, non plus, à ce que La Représentation locale examine la possibilité de construire, aux frais de la colonie, cette voie ferrée qui emprunterait son parcours à la route actuelle.

Sans doute, il ne s’agit pas de construire, à la fois, 65 kilomètres de voie de fer. L’entreprise devrait, à mon avis, se borner ; la première et la deuxième année, à la pose et à l’exploitation (en régie ou à ferme) d’un premier tronçon de 15 kilomètres, allant de Pape’ete au pont du Punaru. Il y a dans cette zone de vastes et fertiles terrains dont la majeure partie est déjà cultivée et peut alimenter le trafic de la voie (…) ».

C’est ainsi qu’on retrouve dans le dossier 48W 1738 du SPAA, qui correspond aux fonds du gouverneur, plusieurs lettres des établissements Decauville Aîné, signées par Paul Decauville adressées à « Monsieur Lacascade, gouverneur des Établissements français de l’Océanie ». Il s’y trouve notamment un devis  pour 15 km de voie ferrée (voie, locomotive, voiture et wagon) pour un montant de 233.062,15 francs.

Le projet de tramway ne verra jamais le jour, mais des voies étroites de chemin de fer Decauville sont mises en place à Pape’ete, par l’armée, dans la vallée de Tipaerui, ainsi que sur les quais pour le transport de marchandises débarquées des navires. Une autre utilisation du chemin de fer Decauville est faite en 1902 lors du déplacement du bâtiment de la poste.

*Ce département a été dissout en 1968

PRATIQUE 

Retrouvez les notices publiées par le Service du patrimoine archivistique et audiovisuel sur le site www.archives.pf

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