Hiro’a n°139 : 10 questions à Franck Varney, agent de la DCP
Texte : SF – Photo : DCP
« Je suis heureux et fier lorsque je vois les résultats obtenus »
Franck Varney prend sa retraite à la fin du mois de mai. L’homme a œuvré longtemps pour maintenir le marae Taputapuātea dans un état impeccable. Il a aussi été le témoin privilégié de nombreux événements survenus sur ce haut lieu de la culture polynésienne, qui a accédé au rang de bien culturel inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous lui avons posé quelques questions avant qu’il ne prenne un autre chemin…
Quand avez-vous intégré le SCP, devenu par la suite la DCP ?
J’ai commencé le 5 septembre 1994. J’étais alors manœuvre au département archéologie du Centre polynésien des sciences humaines – Te Ana Vaharau avec Maeva Navarro, à Taputapuātea, sur l’île de Raiatea.
Qu’est-ce qui vous a poussé à y entrer ?
J’avais neuf ans quand j’ai découvert pour la premiere fois le marae Taputapuātea. À l’époque, il était à l’abandon, dans la brousse. Ce jour-là, je me suis dit que je voudrais plus tard travailler sur le marae. J’ai 14 ans lors de mon deuxième séjour sur le site de Taputapuātea. À cette époque, c’était Tihoti Tarua Russel qui nettoyait le marae.
Quelles ont été vos différentes missions ?
J’ai maintenu la propreté du site, j’ai participé à la restauration des marae (ahu, pavage), fait aussi office de gardien et de police, assuré l’accueil des visiteurs, des classes d’élèves, des personnalités comme Christian Estrosi, ministre de l’Outre-mer,Maurice Banga, un député européen, ou encore le président de la République François Hollande en février 2016. Pour préparer son arrivée, j’ai travaillé avec le service de sécurité de la Présidence de la République. Je me souviens aussi avoir effectué des travaux de réalisation de la dune de protection du littoral pour accueillir le paquebot Renaissance. Une mission qui nous a mobilisés quatre jours pleins (jours et nuits). Ces travaux faisaient suite au passage du cyclone Veena, en 1983, qui avait provoqué une inondation importante du site jusqu’au bord de la route de ceinture. J’ai également planté les pieds de tamanu, de cocotiers, de mape, de hotu (toujours présents sur le site) dont les plus vieux ont à ce jour trente-cinq ans, l’âge de mon fils aîné.
Quelle a été la mission la plus marquante dans votre parcours ?
En décembre 1998, nous avons fait face à une tornade pendant le cyclone Alan. C’était impressionnant ! De nombreux arbres et cocotiers étaient par terre et j’étais tout seul à ce moment-là. Nicole Bouteau, directrice de la DDAT, avait pu constater à l’époque les dégâts causés et le travail à effectuer. J’ai mis trois mois pour tout nettoyer à l’aide d’une brouette, d’un râteau, d’une tronçonneuse. Mon épouse et mes enfants m’ont aussi beaucoup aidé.
Vous avez travaillé pour maintenir le Tahu’a marae Taputapuātea dans un entretien impeccable, quelles ont été vos actions pour y parvenir ?
D’abord l’amour. L’amour de mon marae, de mon patrimoine, ici je me sens chez moi. Mais aussi l’amour d’un travail bien fait. Je suis heureux et fier lorsque je vois aujourd’hui les résultats obtenus. Et que j’entends les visiteurs me répéter : « Heureusement que tu es là, nous avons un beau site ! ». Je n’entretiens pas le marae pour moi, mais pour le Pacifique.
Quelles ont été les difficultés rencontrées ?
Il n’y a pas eu vraiment de difficultés. Il y a toujours une solution à chaque problème.
Quels types de restauration avez-vous mené ?
En 1994 et lors des éboulements, Avec Maeva Navarro, nous avons procédé au décapage du pavage et à la recherche des anciens pavages ensevelis et des soubassements. En 2017, avant que la pirogue Hokule’a ne reparte, j’ai pu restaurer le coin du ahu du marae Taputapuātea avec une équipe de jeunes recrues issus des DIJ (ancien dispositif d’insertion des jeunes, NDLR).
Lorsque le marae est entré dans le patrimoine de l’UNESCO, qu’avez-vous ressenti ?
L’inscription de Taputapuātea sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco était une opportunité de création d’emplois pour la population de la commune, spécialement d’Ōpōa, Fareātai, Vaima’ariri. Idéalement, les jeunes des quartiers avoisinants devraient pouvoir bénéficier de l’augmentation de la fréquentation touristique avec un accompagnement en termes de formation pour favoriser la création d’emplois.
Quel regard portez-vous sur le service ?
Ma famille et moi nous nous sommes particulièrement débrouillés, puisque résidant à proximité immédiate du site, afin de l’entretenir, le protéger par notre présence. La Direction de la culture et du patrimoine, affectataire du marae Taputapuātea, m’aide en me dotant des matériels nécessaires pour le nettoyer et avec des DIJ, des CAE… J’espère que prochainement des moyens plus importants pourront être dédiés à Taputapuātea pour son image.
À votre avis, quels sont les travaux à effectuer encore sur ce site ?
Je dois dire qu’il y en a plein. Parmi ces travaux, les aménagements en matière de plantation (choix des plantes, lieux), le centre culturel pour organiser des ateliers, accueillir les écoles, les associations, des manifestations culturelles… Mais aussi créer des zones dédiées aux prestataires pour qu’ils exercent leurs activités, et proposer une formation des guides touristiques pour Taputapuātea.