N°135 : Le musée déménage avant les grands travaux. 

Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Te Fare Manaha  

Rencontre avec Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles. 

Texte et photographies : Pascal Bastianaggi 

Le musée de Tahiti et des îles a entamé le déménagement des collections présentes dans la salle d’exposition permanente afin de démarrer des travaux d’envergure en 2019.  

Depuis la création du musée, il y a une quarantaine d’années, la salle d’exposition permanente n’a pas été rénovée. Aujourd’hui, plus qu’une rénovation, c’est d’une reconstruction qu’il s’agit puisque les quatre blocs qui composent la salle vont être détruits pour laisser place à une unique salle de 1 400 m2 au lieu des 900 m2 actuels permettant ainsi aux œuvres exposées d’être mieux mises en valeur avec des possibilités de scénographies étendues. Le hall d’accueil fera aussi l’objet de réaménagements ainsi que la salle de conférence et une partie des jardins. Cela pour un coût global évalué à 800 millions de Fcfp. 

Les travaux devraient débuter courant mars-avril 2019 et la réouverture de la salle d’exposition permanente est prévue pour 2021.  En attendant, une partie des collections sera visible dans la salle d’exposition temporaire, car malgré les travaux, le musée reste ouvert au public et ses jardins accessibles. 

Un déménagement délicat 

Mais avant la phase de démolition, il faut déplacer les œuvres exposées et cela avec le plus grand soin. La direction du musée s’est fixé comme objectif de tout déménager d’ici février 2019. Les ouvrages qui ne nécessitent pas de condition de conservation drastique, comme les tiki en pierre ou les canons, iront dans des espaces de stockage du musée. 

A contrario, les objets composés de fibres, de plume ou de cheveux, comme les tapa, costumes et autres objets cérémoniels, seront précieusement entreposés dans les réserves où le taux d’hydrométrie et les variations de température sont sous haute surveillance. Là encore, cela a nécessité en amont de faire de la place dans la réserve et de la réaménager quelque peu. « Depuis six mois, nous avons entamé une opération de rangement et de déménagement de nos réserves où nous avons rationalisé les espaces de rangement » explique Miriama Bono, directrice de l’institution. 

Durant le mois de décembre divers travaux seront effectués dans la salle de conservation comme l’installation d’une mezzanine où seront conservés les costumes de danse qui ont été sortis à l’occasion de l’exposition La danse des costumes. 

Ce qui n’ira pas en réserve, trouvera sa place dans la salle d’exposition temporaire. Quelques œuvres maîtresses (un tiers des collections exposées habituellement dans la salle permanente) feront en effet l’objet d’une exposition fin mars. « On va faire une sélection des pièces emblématiques des collections, comme les gros tiki en pierre et autres objets, l’objectif étant que durant les travaux, on continue à montrer les pièces importantes de notre patrimoine. De plus, cela nous permettra de présenter des objets que l’on a acquis il y a quelques temps, et qui n’ont jamais été exposés, tels que des vivo et des penu.».  

Répertorier et classer 

Outre le déménagement des pièces, un vrai travail de fourmi a démarré pour répertorier chaque objet dans une base de données informatisée. Celle-ci contient des renseignements sur l’objet et l’endroit de stockage. Selon sa taille et son degré de conservation, ce dernier sera placé dans un endroit bien spécifique. « On rentre toutes les informations liées à l’objet, et à chaque fois que celui-ci bouge soit en interne soit dans le cadre d’un prêt à un autre musée, nous le stipulons dans la base afin d’avoir une traçabilité.»  

Aujourd’hui,  les réserves du musée comptent environ 30 000 objets. Parmi ceux-ci, 12 000 composent l’herbier de la Polynésie, environ 9000 sont des pièces ethnologiques telles que herminettes, penu, hamecons et ti’i. Le reste est principalement composé de collections naturelles, coquillages, oiseaux, mais aussi d’œuvres rentrant dans la catégorie beaux arts. 

Un nouveau visage pour les jardins 

Il n’y a pas que les objets qui déménagent. L’emprise de la nouvelle salle d’exposition permanente va modifier l’orientation du musée, qui disposera également d’une surface plus grande, les jardins intérieurs en seront en partie impactés. 

Si ceux-ci abritent certaines espèces végétales communes, facilement remplaçables, ce conservatoire naturel protège en son sein, des plantes endémiques qui ont une fâcheuse tendance à se faire rares. Parmi elles des plantes aux vertus médicinales ainsi que la collection de référence de cannes à sucre de la Polynésie française, qui compte seize espèces différentes. 

En prévision de ce bouleversement paysager, les cannes à sucre ont été déplacées. Pour d’autres espèces, des boutures ont été faites puis replantées hors de la zone concernée par les travaux. 

Un nouveau regard  

Si le musée fait peau neuve, c’est pour offrir aux œuvres un nouvel écrin digne de leur histoire. Dans la salle d’exposition permanente, les objets en vitrine n’ont quasiment jamais été remplacés donnant aux visiteurs l’impression d’une collection figée dans le temps, sans intérêt à revoir, or la nouvelle salle va changer la donne. « A l’heure actuelle, il est particulièrement difficile de déplacer les objets exposés en vitrine. Dans la future salle, on prévoit des vitrines où l’on pourra plus facilement les manipuler et ainsi en varier le contenu. Par exemple, pour les tapa il y aura des vitrines spécialisées qui nous permettront de les faire tourner tous les trois ou quatre mois afin que le public puisse apprécier l’ensemble de notre collection. » 

D’autant que les tapa ne peuvent rester exposés longtemps à la lumière sans risquer de subir des dommages irréversibles. « Nous avons élaboré un programme de rotation des tapa qui nous permettra de tous les exposer, cela évidemment sous un éclairage contrôlé » assure la directrice de l’institution. 

Si tout se passe bien, courant 2021les travaux seront terminés et le public pourra de nouveau découvrir les collections permanentes dans un environnement plus adapté aux œuvres et avec le renfort des nouvelles technologies. 21e siècle oblige. 

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La baleinière, une manipulation à haut risque  

Déménager des pièces telles que des hameçons, penu et autres petits objets ne pose pas de gros problèmes de manutention. Il suffit juste de délicatesse et de s’entourer des précautions d’usage, comme de les envelopper dans des mousses spécifiques. Il en va tout autrement avec quelques pièces que sont les grands tiki et particulièrement la baleinière.  « On est obligé de faire appel à des entreprises extérieures, ce qui a déjà été le cas pour l’exposition Tiki. Ce sont des entreprises de déménagement extrêmement précautionneuses qui suivent le protocole que l’on a mis en place. Pour la baleinière, on a fait appel à une entreprise qui travaille avec les chantiers navals », précise Miriama Bono. 

L’assemblage des planches qui composent l’embarcation étant fait de liens de nape, ceux-ci sont extrêmement fragiles. Une sorte de sarcophage sera réalisé autour de la baleinière afin de la déplacer. 

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Un travail de restauration  

Profitant de la fermeture de salle d’exposition permanente et du déménagement des œuvres exposées, le musée a débuté un inventaire des pièces qui auraient besoin d’une éventuelle restauration. Si celle-ci ne peut être effectuée par l’équipe scientifique du musée, des missions de spécialistes seront programmées. Ainsi courant novembre, le musée va accueillir en ses murs durant trois semaines, un spécialiste de France qui va entreprendre une campagne de restauration sur certains tapa, ainsi que sur quelques objets en bois.

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