N°134 – Hura tapairu : 14e édition d’un concours très attendu
Maison de la culture (TFTN) – Te fare tauhiti nui
Rencontre avec Marilou Ubaldo Lafon, chef de la troupe Te Pura o te Rahura’a à San Francisco. Texte : Benoît Buquet.
Le Hura Tapairu approche à grands pas, et déjà l’effervescence saisit les artistes et le public. Quatorze années après sa création, le concours est toujours aussi attendu et permettra d’accueillir pour cette nouvelle édition 35 groupes.
Créé en 2004 pour accueillir des formations qui ne souhaitaient ou ne pouvaient pas se produire dans le cadre du Heiva, le concours débute il y a 14 ans sur deux soirées, avec huit groupes de danse. Le principe ? Peu de contraintes et une invitation à la créativité des chorégraphes et chefs de groupe. Une recette qui plaît très vite, et qui fournit également un tremplin à de nombreux groupes. Hitireva, Hei Tahiti, ‘Ori i Tahiti, Manohiva, ces jeunes troupes se confrontent à l’organisation d’un spectacle au Hura Tapairu, puis s’envolent pour certaines vers la scène mythique de To’ata… et reviennent cependant, tant le Hura tapairu apporte « autre chose » dans le paysage de la danse traditionnelle.
L’objectif de ce nouveau venu parmi les événements du ‘ori tahiti, s’il reste avant tout le plaisir, n’en est pas moins l’excellence. Les petits effectifs sur scène permettent aux concurrents de travailler avec leurs meilleurs éléments, de peaufiner chaque geste, chaque pas, chaque costume avec un souci du détail sans limite. L’organisation aussi bien que le règlement permettent ainsi à des groupes inconnus de créer la surprise, sans distinction de catégorie.
Plus encore, le concours en arrive à réunir tant de groupes et d’artistes qu’il est certaines années difficile de constituer sa troupe, ou son orchestre. Le concours, au fil des ans, devient un vivier, le lieu d’une formation à tous les aspects de la danse : jeunes auteurs, compositeurs, musiciens, chorégraphes, se lancent et se révèlent.
Sous la présidence de Vanina Ehu, le jury est composé cette année de Fabien Dinard, Moana’ura Tehei’ura, Matani Kainuku, Terau Piritua et Poemoana Teriinohorai. Le jury aura de nouveau fort à faire pour départager les 35 troupes en concours, ainsi que les 4 groupes internationaux qui rejoignent l’aventure pour la première fois cette année, le tout pour un cahier des prix de près de 3 millions.
Le Hura Tapairu s’ouvre aux étrangers
Trois groupes californiens et un groupe de Londres participent pour la première fois au concours officiel du Hura Tapairu. Parmi eux, Te Pura o te Rahura’a de San Francisco, dont la chef est impatiente de se produire à Tahiti : « C’est excitant de monter sur scène avec des groupes tahitiens ! »
En 2017, le groupe Ori Tahiti Tatou e Mexique avait dansé sur la scène du Grand théâtre, pour une exhibition hors compétition. « Jusqu’à présent, ça avait été compliqué parce que le déplacement coûte cher », explique la présidente du jury, Vanina Ehu.
Du 21 novembre au 1er décembre, quatre groupes sont attendus pour cette première, trois des États-Unis et un de Londres. Ils se présenteront dans une toute nouvelle catégorie dédiée, « Mehura Manihini ». L’un d’eux est la troupe Te Pura o te Rahura’a, de Marilou Ubaldo Lafon.
Cette dernière explique avec enthousiasme : « L’an dernier, j’ai vu le groupe de Mexico faire son exhibition. C’était beau à voir et c’est ce qui m’a décidée à emmener notre groupe participer pleinement à la compétition Hura Tapairu cette année. » Marilou Ubaldo Lafon est la directrice de Spark of Creation Studio (Soc Studio) et la fondatrice en 2006 de la troupe Te Pura o te Rahura’a qui enseigne à San Francisco les danses hawaiiennes et tahitiennes.
Depuis douze ans, elle voyage en Polynésie et participe à des échanges culturels et des stages de danse à Tahiti et aux États-Unis. En 2017, son assistante, la danseuse Shanna Pineda, a remporté le championnat du monde de danse tahitienne, dans le cadre du troisième concours ‘Ori Tahiti Nui au Méridien à Punaauia.
Voilà le groupe Te Pura o te Rahura’a inscrit pour la première fois officiellement comme compétiteur au Hura Tapairu : « Nous sommes impatients de participer au Hura Tapairu. Cela fait plusieurs années que j’y assiste au Grand théâtre. J’adore voir les groupes. Donc c’est vraiment excitant pour nous de monter sur scène avec des groupes tahitiens. Même si nous ne concourons pas dans la même catégorie, simplement le fait de partager la même scène et ressentir la passion de la danse tahitienne, c’est une expérience très forte », explique Marilou Ubaldo Lafon.
Un défi financier
La troupe organise même un déplacement massif : « Le Hura Tapairu c’est 20 danseurs et danseuses, mais nous nous déplaçons à 40 danseurs et danseuses, et 5 musiciens, pour participer à la compétition en solo ‘Ori Tahiti Nui, et au Hura Tapairu. C’est une expérience formidable pour mon groupe et tous mes danseurs. Et pouvoir juste regarder les performances des groupes tahitiens est aussi quelque chose qui nous fait nous déplacer », assure la chorégraphe américaine.
Le déplacement a été un défi financier. Chaque danseur paie son billet d’avion. La troupe a organisé une soirée Bingo en septembre pour réunir des fonds : « Mais maintenant, c’est payé ! Donc c’est bon, nous arrivons ! »
Quant à savoir ce que l’équipe de Marilou Ubaldo Lafon prépare pour le concours, elle l’explique ouvertement elle-même : « Notre thème pour le Hura Tapairu Manihini est « Te Reo ». C’est la « voix » qui nous appelle à expérimenter l’amitié à Tahiti. C’est la « voix » qui continue à nous appeler en Polynésie et à nous enseigner tant de choses au sujet de la langue et de la culture. »
PRATIQUE
Hura Tapairu 2018
Du 21 novembre au 1er décembre
Grand théâtre de la Maison de la culture
www.huratapairu.com – 40 544 544
4 groupes en « mehura manihini »
Quatre troupes étrangères sont inscrites dans la catégorie « mehura manihini » : Te Rahiti Nui dirigée par Janice Minabe à San Diego, Tamariki Manuia de Camille et Tommy Tualaulelei à San Francisco, Te Pura o te Rahura’a de Marilou Ubaldo Lafon à San Francisco et London Hula de Krysten Resnick, basé à Londres.
28 groupes en « mehura »
La catégorie la plus courue accueille 28 groupes de Polynésie française, notamment tous les groupes inscrits pour leur première participation. Les groupes dans la catégorie « mehura » doivent présenter une danse « sur le rythme ou tempo dit « mehura » (équivalent au hula hawaiien) et ses déclinaisons : bossa, swing, kaina… » (article 15 du règlement).
Venez découvrir Ahura’i, Ahutoru nui, Anapa uira, Heihere Moorea, Hia’ai, Hinearii no Moorea, Hura-atea, Huratini, Ia ora te hura, Manohiva Mehura, Manureva Nui, Natihei, Ori here, Ori marara, Piihau, Potii mehura, Potii ori no Moorea, Ravatea, Tahiti ia ruru-tu noa, Tahiti ia ruru-tu noa mehura, Tamarii na taa motu e pae, Tapairu no Fakarava, Te honoraa, Te natiraa, Tematahira, Te-Rë-nui-here, Te ui taure’a nö Orofara, Toa Mataroa, Vaheana, Varua nui.
7 groupes en « tapairu »
La catégorie la plus attendue, « tapairu », accueille 7 groupes : Hinearii no Moorea, 3 formations de la troupe Hitireva de Kehaulani Chanquy, Ia Ora te Hura, Manahau Tahiti, et Manohiva. Ces 7 troupes doivent présenter un spectacle en deux parties : un ‘ötea et un ‘aparima.
Concours facultatifs
Parmi ces groupes, 7 sont inscrits pour le concours facultatif en duo « ‘apipiti ‘aparima », 3 pour le concours facultatif en duo « ‘apipiti ‘otea » et 4 pour le concours facultatif réservé aux musiciens « pahu nui ».
Tenantes du titre
Le groupe Tamariki Poerani avait remporté le grand prix du Hura Tapairu en 2017 notamment grâce aux chorégraphies féminines de Poerani Germain et Reiarii Rochette. La troupe tenante du titre ne participe pas au concours cette année. En revanche, les deux cousines chorégraphes et lauréates l’an dernier se lancent avec une nouvelle formation, uniquement féminine, Ia Ora te Hura. Et elles visent haut : leur troupe est inscrite dans toutes les catégories.
Tremplin
Inscrite dans la catégorie « mehura », la troupe Potii Ori no Moorea, tout juste créée pour ce Hura Tapairu, rassemble des agents de la commune de l’île sœur. Sa chorégraphe, Léticia Scablas, est une danseuse professionnelle, autrefois à Tahiti Ora ou Nonahere. « J’ai toujours été dans les autres groupes en tant que chorégraphe, dit-elle. Là, c’est peut-être le tremplin pour me décider à lancer une formation à moi. »