N°133 – Visite guidée du grand marae Taputapuātea par le pasteur Vernier
Service de la culture et du patrimoine (SCP) – Pu no te ta’ere e no te faufa’a tumu
Rencontre avec Francis Stein, responsable du département Valorisation et diffusion, et membre de l’équipe projet Taputapuātea au Service de la culture et du patrimoine. Texte : Élodie Largenton.
Un film de la collection « Hiro’a, notre mémoire » permet de replonger dans l’ambiance qui régnait dans les années 1920 sur le site archéologique et historique Tahua-marae Taputapuātea i Ōpōa. Dans ce document de valeur, le pasteur Henri Vernier partage ses souvenirs d’enfance à Ra’iātea et raconte une des versions de l’histoire de ce site sacré.
Recueilli en 1982, ce témoignage précieux est conservé au service du patrimoine archivistique et audiovisuel de la Polynésie française ; il est la propriété de l’Église protestante ma’ohi, qui a permis au SCP d’en avoir une copie, grâce à l’accord de la secrétaire générale, Céline Hoiore. C’est un document qui donne un aperçu du visage du site dans les années 1980 — de nombreux cocotiers plantés au XIXe siècle pour l’exploitation du coprah ont remplacé la végétation indigène et typique des anciens sites sacrés qui recouvrait Taputapuātea autrefois. Il nous permet aussi de remonter plus loin en arrière, à travers les souvenirs du pasteur Henri Vernier. Né à Papeetē en 1913, c’est à Ra’iātea qu’il a grandi avant de partir faire ses études en France, et de revenir en Polynésie française en tant que pasteur.
Au début de ce film de Marc E. Louvat, Henri Vernier raconte avoir découvert le marae Taputapuātea quand il avait 5 ou 6 ans, avec son père, qui était aussi pasteur. « Nous habitions à ce moment-là à ‘Uturoa, et mon père m’emmenait quelques fois avec lui en pirogue ; nous étions venus ici dans cet emplacement qui n’était pas du tout comme aujourd’hui. […] Autrefois, ce marae était dans un état assez pitoyable, mais il était entouré d’immenses arbres ; des hotu en particulier, des ‘ōrā, et il y avait une ombre épaisse tout autour, qui lui donnait un aspect mystérieux. Quand on entrait ici, on sentait déjà un petit peu ce passé avec ces vārua, n’est-ce pas… » Des esprits « qui trottent, qui allaient un peu partout, qui voltigeaient dans les arbres », et qui lui font peur à l’époque.
Un marae qui suscite la crainte
Revenu sur le site des décennies plus tard, le pasteur constate que « les choses ont beaucoup changé », que « plusieurs choses » ont été reconstituées, qu’on s’est « occupé de ce marae ». Malgré tout, Henri Vernier note que peu de personnes viennent se promener sur place : « Ce sont plutôt les touristes qui connaissent ce marae, ou les ethnologues. Il semble qu’il y ait encore une petite appréhension, pour les gens du pays, à venir sur ce marae. »
Le pasteur raconte ensuite l’une des versions de l’histoire du site, en soulignant à quel point le marae d’Ōpōa avait acquis une renommée dans toute la Polynésie orientale. « Aujourd’hui, sur cette pointe de Fa’ati’apiti (‘Ati’apiti) toujours ventée par les alizées, il ne reste que les ruines de ce que furent autrefois ces grands marae. Pourtant ces ruines sont encore très significatives », estime Henri Vernier. Le récit de l’homme de foi se termine par la conversion de Tamatoa au christianisme, en 1818.
+ d’infos : le site du SCP www.culture-patrimoine.pf, et le site du service des archives [email protected]