N°132 – Se soigner avec le ‘ori tahiti

Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau132 - Pour vous servir - Projet culture-santé CAPF©CAPF-bis

Rencontre avec le Dr Bruno Cojan, responsable du département des programmes de prévention de la Direction de la santé, et Frédéric Cibard, chargé des relations publiques et de la communication du Conservatoire artistique de la Polynésie française. Texte : Lucie Rabréaud.

 

Le sport et la culture soigneraient-ils aussi bien que les médicaments ? Une expérience va être menée en 2019 pour lister tous les bénéfices de la pratique du ‘ori tahiti sur des personnes malades.

La culture ferait-elle du bien ? Évidemment que oui ! « L’art lave notre âme de la poussière du quotidien », a dit Pablo Picasso. Quand le Dr Bruno Cojan, responsable du département des programmes de prévention de la Direction de la santé, est venu rencontrer la direction du Conservatoire artistique de la Polynésie française, l’entente a été immédiate. L’idée est de proposer la pratique du ‘ori tahiti aux personnes atteintes de longue maladie. Une première expérience pilote « Maita’i sport-santé » a été menée entre novembre 2017 et juin 2018 avec différentes disciplines : remise en forme, qi qong, natation, athlétisme, aviron, basket, karaté, et multi-activités. Elle a démontré les bienfaits du sport. 155 patients ont pris part à l’expérience. Tous présentaient différentes pathologies : obésité, diabète de type 2, hypertension artérielle, maladies cardio-vasculaire, cancer ou broncho-pneumopathie chronique constrictive, avec parfois pour certains d’entre eux une perte d’autonomie. « Il s’agissait de tester le dispositif, explique Dr Bruno Cojan. Nous avons donc proposé des sports dans lesquels des activités physiques adaptées étaient déjà existantes. » Le résultat de cette expérience pilote montre des améliorations de tous les indicateurs : perte de poids, diminution du tour de taille et de hanche, baisse de l’IMC, des scores physiques et mentaux qui s’améliorent, gains de force, d’équilibre, de souplesse, d’endurance et surtout, les participants notent un mieux-être général. Certains ont même arrêté leurs traitements médicamenteux.

La culture a sa place dans la santé

L’expérience Maita’i sport-santé passe à une nouvelle étape : celle de la culture. En partenariat avec le Conservatoire, la Direction de la santé va mener des recherches sur les bienfaits du ‘ori tahiti pour les personnes atteintes d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, de cancer ou de broncho-pneumopathie chronique constrictive. Il s’agit de détailler tous les bénéfices apportés par la pratique du ‘ori tahiti à travers différents critères (lire ci-contre). « L’idée est d’analyser la danse tahitienne et de comprendre comment elle peut venir en bénéfice par rapport aux pathologies. C’est faire l’analyse biomécanique du ‘ori tahiti et savoir ce qu’on peut en attendre. » L’étude sera menée à l’exemple de celles qui ont servi à élaborer le MédicoSport santé. Ce document, publié par le Comité national olympique et sportif français, liste à ce jour 55 disciplines en indiquant leurs bienfaits et les protocoles à suivre suivant les pathologies des pratiquants. Cette recherche sur le ‘ori tahiti va être menée courant 2019. Pour le Conservatoire, c’est « une expérience très particulière », explique Frédéric Cibard. « Nos professeurs vont avoir devant eux des patients, les cours seront donc taillés sur mesure pour le cas de chacun. Nous devons réussir à les sortir de leur sédentarité. Si ces personnes sont peu sensibles à l’effort sportif, peut-être le seront-elles à l’effort culturel ? »

La finalité est de pouvoir proposer aux personnes atteintes de pathologies graves des activités physiques adaptées pour lesquelles elles ont un attrait. « Les maladies non transmissibles touchent essentiellement un public défavorisé. C’est parmi ce public-là que l’on retrouve la population polynésienne. On ne retrouve pas vraiment les demis, ni les Chinois, ni les popa’a. En théorie, cette population polynésienne est celle qui est la plus proche de la culture polynésienne. Quand ces personnes reviennent vers la pratique sportive, elles vont vers les choses qu’elles connaissent et qui les animent au plus profond d’elles-mêmes. Qu’est-ce qu’elles connaissent bien ? Pour les hommes, c’est plutôt le va’a et pour les femmes, la danse tahitienne », explique le Dr Bruno Cojan. La va’a et la danse tahitienne pourraient ainsi faire partie des disciplines du Maita’i sport-santé. On peut même imaginer que le bénéfice sera encore plus grand car les personnes reprendront une activité physique et se reconnecteront avec leur culture. « C’est une expérience pilote inédite qui va être menée : c’est passionnant ! » s’enthousiasme le Dr Cojan. Pour le Conservatoire, c’est aussi une façon d’envoyer un message important : la culture a sa place dans la santé. En métropole, depuis la loi du 26 janvier 2016, l’activité physique et sportive est reconnue comme une thérapie non-médicamenteuse, elle peut donc être prescrite sur ordonnance. Un jour peut-être en Polynésie, un médecin prescrira des séances d’activité adaptée en ‘ori tahiti

 

 

Le dictionnaire du sport : le MédicoSport santé

Aujourd’hui, 55 disciplines ont été listées dans le MédicoSport santé élaboré par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ce guide destiné aux professionnels de santé et du sport donne les informations générales, les caractéristiques, les bénéfices physiologiques et psychologiques, les intérêts thérapeutiques, les risques et un avis médical, les contre-indications, des différentes pratiques sportives. Ainsi, pour chaque discipline, plusieurs critères ont été évalués : l’intérêt psychologique avec les interactions sociales, le bien-être psychique, la gestion du stress et la relaxation ; les fonctions cognitives avec l’orientation spatio-temporelle, la mémoire, l’apprentissage, l’analyse de situation et la prise de décisions, la concentration ; le système musculo-squelettique avec la souplesse et la mobilité articulaire, la sollicitation mécanique du squelette, l’endurance musculaire, la masse et force musculaire ; et enfin la condition physique générale avec la coordination motrice, l’adresse et la précision, la proprioception*, l’équilibre statique et dynamique, la vitesse, l’endurance. Notés entre un et trois, ils donnent une idée précise de ce que chaque discipline apporte au pratiquant, de ce qu’elle permet d’améliorer physiquement et psychiquement.

* La proprioception désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps.

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