N°131 – Taputapuātea est désormais réglementé
Service de la culture et du patrimoine (SCP) – Pu no te ta’ere e no te faufa’a tumu
Rencontre avec Francis Stein, chef du projet Taputapuātea au Service de la culture et du patrimoine, Valérie Clément, adjointe au chef du Service de la culture et du patrimoine et juriste, et Meari Manoi, nouvelle gestionnaire du site Taputapuātea. Texte : Lucie Rabréaud. Photos : SCP.
Il y a encore quelques semaines, les visiteurs pouvaient s’aventurer sur le site de Taputapuātea comme ils le voulaient. Si les règles de respect et les interdits étaient plus ou moins sus, aujourd’hui ils sont écrits et approuvés par arrêté du conseil des ministres. Le site archéologique de Raiatea a désormais un règlement intérieur.
Depuis le 18 mai 2018, le site Tahua Marae Taputapuātea i Ōpōa, où se trouve le grand marae de Taputapuātea, est officiellement réglementé. Il est le premier site archéologique de la Polynésie française à posséder son règlement intérieur. Si aucune mesure n’est « extraordinaire », c’est une étape importante car elle permet au Service de la culture et du patrimoine « de mettre les choses au clair avec les représentants de la population locale », notamment le comité de gestion du site Taputapuātea, explique Valérie Clément, adjointe au chef du SCP et juriste. Auparavant, seules des préconisations étaient faites par les agents sur place concernant la gestion du site. Ce règlement intérieur, élaboré en partenariat avec le comité de gestion, devait assurer l’utilisation du site et sa préservation. Un équilibre parfois difficile à trouver entre les activités humaines susceptibles d’impacter le site archéologique et la vie même du site. Même si la majeure partie des visiteurs respectait le site, tous n’étaient pas conscients de sa fragilité et des notions de respect d’un marae. « Ne pas monter sur les plateformes est une question de respect mais aussi de préservation. Les pierres ne sont pas soudées entre elles, elles peuvent donc bouger et le site peut être détérioré. Les interdictions sont devenues officielles, elles sont posées par écrit. »
Interdiction de consommer de l’alcool ou de la nourriture
Après son inscription au Patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), les gestionnaires du site estiment probable que les visites augmentent, il est donc important d’informer officiellement les visiteurs. Le site est également classé comme monument historique de la Polynésie française depuis le 16 février 2017. « Le site Tahua-marae Taputapuātea i Ōpōa est un haut lieu culturel sacré, qui trouve ses origines dans les temps mythiques de la cosmogonie polynésienne. Symbole des valeurs humaines et spirituelles des Polynésiens de tout le Pacifique, c’est un espace cultuel de pèlerinage, un lieu séculaire d’apprentissage et de transmission, une place cérémonielle de rencontre et d’échange illustrant de manière exceptionnelle 1 000 ans de civilisation mā’ohi. Les monuments historiques, les vestiges archéologiques et légendaires, les lieux-dits emblématiques, les plantes qui composent cet espace, ont toute l’estime de la communauté locale pour l’authenticité des valeurs et du sens dont ils témoignent. Leur intégrité est par conséquent strictement protégée. Ici, la faune, la flore mais aussi le minéral, sont préservés et doivent être respectés. Certaines activités humaines, notamment culturelles et éducatives y sont les bienvenues, dans la mesure où elles s’exercent dans un profond respect des lieux et de son esprit, sans les dégrader, gêner autrui ni porter atteinte à la sécurité », peut-on lire en préambule de la réglementation intérieure.
Ainsi, il est interdit de pénétrer dans l’enceinte des marae, de marcher, s’asseoir, s’allonger sur les dallages et les murets, monter sur les autels (ahu), déplacer les pierres et des dalles de corail, graver, apposer des graffitis, prélever des éléments du site, réaliser des pique-nique, consommer de l’alcool ou de la nourriture… Les activités commerciales sont également interdites excepté l’organisation de visites guidées par les prestataires du secteur touristique. La plage Hitiraro est également réglementée : les activités commerciales, l’utilisation de haut-parleurs, les barbecue, la consommation d’alcool, les feux d’artifice, les graffitis, le naturisme, les nuisances sonores… sont interdits. Il est possible d’accoster mais seulement au niveau du ponton en bois et d’y organiser des activités festives ou des animations diverses après une demande d’autorisation spéciale d’occupation du domaine public (voir contacts ci-dessous). La protection de l’environnement fait également partie de la réglementation avec des interdictions concernant la faune et la flore : prélever des plantes, arracher de l’écorce, de la mousse, des lichens, grimper aux arbres, capturer des animaux sauvages, introduire des espèces végétales ou animales… sont strictement interdits. Ce règlement intérieur sera affiché en français, en anglais et en tahitien à l’entrée du site. Nul n’est censé ignorer la loi… Autre nouveauté : Meari Manoi a rejoint l’équipe du SCP pour exercer les fonctions de gestionnaire du site. Elle assurera le secrétariat du comité de gestion et veillera au bon déroulement des futures missions scientifiques. Sa présence à Ra’iatea permet également la représentation du service auprès de l’ensemble des îles Raromata’i.
Encadré
Contacts
Service de la culture et du patrimoine à Taputapuātea, Ra’iatea
PK 31, côté montagne, Ōpōa
BP 3336 – 98736 Avera
Tél : 40 66 34 80
Email : [email protected]
Facebook : www.facebook.com/tahuamarae
Site web : www.culture-patrimoine.pf
Encadré
Meari Manoi : la nouvelle gestionnaire du site
Meari Manoi a 50 ans. Elle a déjà une longue carrière dans l’administration derrière elle : dix années passées au service de l’hygiène et de la salubrité publique, treize ans à l’enseignement primaire, puis six années à la DGRH où elle gérait la formation des agents de l’administration. Elle a été nommée gestionnaire du site Tahua Marae Taputapuātea i Ōpōa le 18 juin dernier. Originaire de Huahine par son père, elle se dit heureuse de revenir vivre dans les îles, un projet de vie qu’elle avait avec son compagnon et qui se réalise. Le poste qu’elle occupe est particulièrement riche car avec l’inscription au patrimoine de l’Unesco, le travail ne manquera pas. « Je ne serai pas enfermée dans un bureau, il y a beaucoup de contacts avec la population, c’est un poste avec de nombreuses ouvertures. » Son installation a été accompagnée par le chef de projet et la responsable des aménagements du Service de la culture et du patrimoine et elle a rencontré le maire de la commune et son équipe, puis a été présentée aux Sages, dévoilant sa généalogie. « Ils m’ont répondu que j’étais rattachée à ce marae. Ça a été une véritable surprise d’entendre ça. J’en ai encore des frissons. Je me suis sentie apaisée et encouragée. C’était une rencontre mémorable, très forte. Si je suis ici aujourd’hui, ce n’est pas un hasard. Le fait d’être sur ce site permet de prendre l’ampleur des choses. Il y a quelque chose de fort qui nous lie au site et qui nous appelle », explique-t-elle.