N°131 – Le CMA en visite aux Marquises
Centre des métiers d’art (CMA) – Pu Ha’api’ira’atoro’arima’i
Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des métiers d’art et Tokainui Devatine, enseignant en histoire et civilisation polynésiennes au CMA. Texte : Lucie Rabréaud. Photos : CMA.
Depuis une vingtaine d’années, les habitants de Ua Huka fêtent la journée de l’autonomie et organisent en parallèle une fête de la sculpture. L’occasion de décerner les prix des meilleurs artisans de l’île et d’enrichir les collections du musée municipal des premiers prix des catégories en concours. Pour la première fois, la direction du Centre des métiers d’art est venue assister à la remise des prix et aussi discuter de formations.
Il y avait beaucoup d’animation en ce week-end prolongé de la fête de l’autonomie, le 29 juin, sur le site Tetumu de l’île de Ua Huka. Bernard Chimin, le tavana hau de l’archipel des Marquises, représentant le Pays, Thierry Humbert, le chef de la subdivision administrative, représentant l’État, Nestor Ohu, le maire de la commune et son conseil municipal, Estelle Berruyer, chargée de mission aux affaires culturelles auprès du secrétaire général du haut-commissariat, Viri Taimana le directeur du Centre des métiers d’art, Tokainui Devatine, enseignant au CMA et Géraldine Le Roux, anthropologue et commissaire d’exposition, tous étaient présents parmi la population de l’île. Les couleurs de la République, de la Polynésie française et des Marquises ont été hissées sous les différents hymnes nationaux et les talentueux artisans marquisiens ont été félicités pour leur travail. Car, en effet, cette fête de l’autonomie s’accompagne depuis une vingtaine d’années d’une fête de la sculpture. Les participants ont plusieurs semaines pour reproduire un objet ancien en bois et la journée pour tailler une sculpture en pierre. En 2017, les organisateurs avaient pris contact avec le Centre des métiers d’art pour avoir les mesures d’un tambour marquisien conservé au Musée de Tahiti et des îles qu’ils souhaitaient faire réaliser à l’occasion du concours annuel. Des expérimentations pour retrouver le tressage exact des fibres de coco ont de plus été menées au CMA pour aider à la reproduction de cette pièce. Cette année, le Centre a de nouveau été sollicité pour avoir les mesures exactes, images inédites et informations à propos d’une pièce ancienne se trouvant cette fois au Linden Museum de Stuttgart. Le lien entre les organisateurs du concours de Ua Huka et le CMA s’est ainsi noué et non seulement les Marquisiens ont invité les représentants à la remise des prix, mais ils souhaitaient aussi parler avec eux de formations.
« Partout en Polynésie il y a des talents ! »
Ce déplacement a donc été l’occasion d’observer de près la qualité du travail des sculpteurs marquisiens et de parler de la diffusion des diplômes du Centre des Métiers d’Art à Ua Huka. « L’idée est de développer les formations en sculpture et en gravure chez eux, explique Viri Taimana. On veut aussi aller plus loin et imaginer des interactions, faire connaître l’art marquisien. » Si la question des formations est abordée, elle reste pour le moment une équation difficile à résoudre avec des sculpteurs qui ne peuvent transmettre leur art en école car ils n’ont pas les diplômes d’enseignant. En attendant qu’une solution soit trouvée, les arts traditionnels sont fêtés et transmis en famille. Jean-Baptiste Tepea, premier prix pour la reproduction de la pièce ancienne en bois, a également reçu le troisième prix en pierre. Le jeune homme de 33 ans s’est vu proposer par le Centre des métiers d’art de venir passer à Tahiti son brevet des métiers d’art (un diplôme niveau bac). Jean-Yves Teikihuavanaka a reçu le premier prix pour la sculpture en pierre. Les pièces qui reçoivent les premiers prix lors de ce concours de la sculpture sont toutes conservées au Musée de Ua Huka qui se trouve sur le site Tetumu. « Ce centre culturel existe depuis 2013 et les communes de la Polynésie devraient s’en inspirer », estime Tokainui Devatine, impressionné par le travail du conseil municipal de l’île. D’ailleurs, Nestor Ohu, le maire, n’a pas hésité à retrousser ses manches et a lui-même participé au concours de sculpture sur pierre. « On a beaucoup apprécié ce qu’ils ont mis en place et eux-mêmes étaient heureux de recevoir le directeur du CMA », précise Tokainuia Devatine. Les femmes de Ua Huka ont également participé à un concours de coiffes et de parures confectionnées en graines et en plumes. « Partout en Polynésie il y a des talents ! » conclut Tokainuia Devatine. Il reste à leur permettre d’être visibles et ainsi de pouvoir reconnaître les meilleurs d’entre eux pour une meilleure continuité de nos cultures.
Légendes :
Les dix premiers prix pour la reproduction de la pièce ancienne.
Jean-Baptiste Tepea a reçu le premier prix pour la reproduction de la pièce ancienne en bois et le troisième prix pour son tiki en pierre.
Nestor Ohu, le maire charismatique de Ua Huka, a également participé au concours de la sculpture sur pierre.
La pièce ancienne était un plat à kava marquisien qui a été donné au Linden Museum à Stuttgart en 1912 par Carl Scharf qui l’avait probablement acquis à Tahiti ou aux Marquises entre 1897 et 1900. Il était le co-propriétaire de la compagnie Scharf & Kayser à Hamburg en Allemagne. Celle-ci avait une extension aux Marquises.
Les travaux des diplômés visibles au centre jusqu’à la rentrée
Il reste quelques semaines pour admirer les travaux des élèves qui ont obtenu leur diplôme fin juin : Orama Nigou (félicitations du jury), Richard Barri (félicitations du jury), Tafetanui Tamatai (félicitations du jury), Léon Tamata (mention très bien), et Ludovic Tchong (mention très bien).
Leurs œuvres sont exposées dans l’enceinte du centre, avenue du Régent Paraita, à Papeete.
+ d’infos : 40 43 70 51, www.cma.pf, page Facebook Centre des Métiers d’Art de la Polynésie française