N°130 – Taputapuatea chanté au Heiva 1986
Traduction de Lora Teiva et Natea Montillier Tetuanui, du Service de la culture et du patrimoine.
Le Heiva i Tahiti est l’occasion de célébrer sa terre et ses richesses. Une occasion saisie en 1986 par les Tamari’i Uturoa, qui ont chanté à la gloire de Taputapuātea sur la scène de Vaiete. Cette année-là, le groupe de Raiatea a obtenu le 1er prix orchestre et le 2e prix Hura tau.
Hīmene rū’au
Hava’i1 e, ‘o ‘oe o te pū e
O te pū o te haupahu nui e
E otu tei tai To’erau2 roa ra.
E taura’a ia nō te manu ‘ ōtaha3 e
Tamari’i Uturoa4 ti’a mai ni’a ra
‘A tere i te pū ta’urua nei.
Hau’a ‘urifā nō te moana mai e
‘O Hava’i te fenua
O te pū ho’i ‘oe nō te fe’e ra
‘Ua toro ho’i tō ‘oe hanahana e
Nā Ari’i e vau nō Hava’I
Nā ‘āvei toa e vau nei e.
– Teie te io’a
Teie te io’a o te mau ‘āvei5,
‘o Teiva, Feufeu, Nunaaehau,
‘o Manavataia, Huriaiterai, Teataotu,
Paieotefauroa ‘o Teraipuatata.
Teie mai nei (te) Tamari’i ‘Uturoa e
Tei ni’a te tahua Vaiete6 e
‘āfa’i mai nei te mau pehepehe
Nō tōna ‘āi’a Hava’i e,
Te tōmite e, ‘a hi’o tei au te mana’o e.
Eaha ra e, o ta’u e mauruuru.
E aha ra e, tā’u māuruuru e
Nāna e fa’a’ore roa, i te taiā e.
Hīmene rū’au
Oh Hava’i, tu es le centre
Le centre de la dynastie du grand tambour
La pointe est au nord-est
C’est là que se posent les frégates
Les enfants de ‘Uturoa se lèvent
Allez au cœur de la fête.
L’odeur des marées vient de l’océan
Hava’i est la terre
Tu es le centre de la pieuvre.
Tu étends ta gloire
Les chefs de Havai’i sont huit
Les tentacules sont huit aussi.
Voici les noms
Les noms des tentacules :
Te-iva, Feufeu, Nuna’a-e-hau,
Mānava-taiā, Huria-i-te-ra’i, Te-ata-o-Tū,
Paieotefauroa ‘o Teraipuatata.
Voici les enfants de ‘Utu’roa
Sur la place Vai’ete
Qui apportent les chants
De son île natale Havai’i
Le jury, regardez ce qui vous est agréable
Et ainsi je vous remercie.
Et ainsi je vous remercie
Regardez attentivement et laissez vos craintes se dissiper.
TAMARI’I UTURO A
Heiva i Tahiti 1986 – Office territorial d’action culturelle
1 Ancien nom de l’île de Raiatea.
2 Vent du Nord. Il provoque généralement d’importantes chutes de pluie.
3 Frégate du Pacifique – Fregata minor.
4 Commune principale de Raiatea et chef-lieu des îles Sous-le-Vent.
5 Tentacules d’une pieuvre. Mais ici, c’est surtout une référence à la pieuvre mythique Tumu-ra’i-fenua (Lire Tahiti aux temps anciens de Teuira Henry). Voir le texte écrit pour l’Unesco (dossier Taputapuātea), à partir de la page 44. Appelées aussi Nā-Papa-e-Va’u.
6 Place de Papeete.
« Tumu-Ra’i-Fēnūa», la matrice primordiale, le Mythe-Mère
Par Hiriata Millaud, ethnolinguiste,
Il se nomme Tumu-Ra’i-Fēnūa, en lui est le pouvoir de la création, la puissance du divin, l’essence génératrice de la vie et de la mort. Il est le Mythe primordial et originel (tumu) qui préside à la raison existentielle de toute chose et de tout être. (…) Il est le Mythe du divin (ra’i) qui conte la naissance de ‘la race sacrée des immortels toujours vivants’. (…) Il célèbre le rite (tapu) qui rend toute chose et tout être intangible, inviolable, inaliénable. Il engendre les dieux (atua) salvateurs et impitoyables aux pouvoirs immensurables. Il est le Mythe qui génère et régénère tous les êtres et toutes les choses qui constituent le monde en mouvance perpétuelle (he’e-nū/fēnūa) des femmes et des hommes mā’ohi. Il trace et retrace les mille et une routes d’expansion océanique (he’e). Il insuffle dans les cœurs et dans les esprits les valeurs primordiales, de vie (ora), d’humilité (ri’i), de respect (tura), d’amour (ipo), de partage (tau’a), de bonté (maita’i), de paix (hau) et de joie (‘oa’oa). (…)
Il est Tumu-Ra’i-Fēnūa. En lui veille l’ombre silencieuse ; en lui sommeille la lumière toute-puissante ; en lui demeure l’essence vitale primordiale. Tel est le « Mythe-Mère » fondateur et tridimensionnel : il est intangible et inviolable, quand bien même trouve-t-il sa représentation matérielle, sensible et compréhensible dans une entité unique qui est le « Site-Mythe » ou « Vā-Na’ana’a-rahu-ao », le « Paysage Culturel » ou « Vā-Pariāfēnūa », « l’espace Civilisateur » ou « Vā-Mō’a », dont le cœur sanctifié (tapu) consacre et civilise (tapu) aux confins (ā-tea) du Grand Océan de Hīvā. »