N°130 – Hitireva fait vibrer les pierres au marae Arahurahu
Rencontre avec Kehaulani Chanquy, chef de groupe et chorégraphe de Hitireva, et Nels Labbeyi, conceptrice et créatrice des costumes du groupe. Texte : Élodie Largenton.
Après Temaeva, Tamariki Poerani, Toakura et O Tahiti E, c’est au tour du groupe Hitireva, mené par Kehaulani Chanquy, de se produire au marae Arahurahu tous les samedis du mois de juillet. Plus de 120 artistes, dont 80 danseurs, prendront possession de cette scène si particulière pour faire parler les pierres.
Elle avait annoncé qu’elle ferait une longue pause après sa victoire au Heiva en 2016, mais Kehaulani Chanquy a heureusement changé d’avis, elle est déjà de retour avec son groupe Hitireva. « Je pense que tout le monde dit ça au lendemain du concours, on est saturé, fatigué d’avoir travaillé sans relâche, d’avoir essayé de maintenir une troupe d’artistes. La tension est forte quand on est en compétition, il y a des bruits de couloirs et même si on n’essaie de ne pas y prêter attention, ça touche quand même », explique la chorégraphe. Le surlendemain, la passion de la danse l’emporte et Kehaulani décide donc de s’attaquer à un nouveau défi : se produire cinq samedis de suite sur le marae Arahurahu. Contrairement à ses prédécesseurs, Kehaulani a décidé d’embarquer de nombreux danseurs dans l’aventure : ils seront près de 80 à occuper l’espace. Si elle a préféré développer son thème au marae plutôt qu’à To’atā, cette année, c’est par désir d’aventure. « Le Heiva, je l’ai goûté à plusieurs reprises, j’ai fait toutes les petites entrées que la scène pouvait m’apporter… J’avais envie de faire autre chose », explique-t-elle. Et le thème choisi pour le spectacle colle au lieu, aux pierres du marae : E parauparau te ‘ōfa’i.
L’orchestre est installé « au cœur du public »
Comme toujours avec Jacky Bryant, à qui la chef du groupe Hitireva fait appel depuis son premier spectacle, le thème est abstrait. « Ce n’est pas une légende ni une revendication politique, il s’agit de transmettre des choses un peu oubliées », précise Kehaulani. Au marae, on va réentendre cette « parole éternelle » des pierres, « le son du caillou » qui doit continuer à résonner. Plusieurs tableaux sont proposés, avec un tailleur de pierres, un penu qui sert pour la préparation du ra’au tahiti ou du popoi et que l’on retrouve sur l’affiche du spectacle, ou encore ‘ōfa’i honu, cette pierre tortue sur laquelle sont gravés des pétroglyphes, sans oublier la pierre de mesure et la pêche aux cailloux. « Valorisons ces échanges, la parole de ces pierres qui ne parlent pas, mais qui portent une histoire, qui ont uni et nourri un peuple » : voilà le message du spectacle de Hitireva, explique sa chef, heureuse de partager ce thème et cette histoire avec ses danseurs.
Kehaulani ne veut pas se contenter de les faire danser, elle veut qu’ils « apprennent, qu’ils s’imprègnent de ces coutumes, et qu’ils ressortent de cette expérience un peu plus complets ». Elle-même se réjouit de ses échanges avec Jacky Bryant, qui « partage ses connaissances sans juger ». La chorégraphe met en avant son équipe ; « la réussite d’un groupe est toujours le fait de plusieurs personnes », souligne-t-elle. Pour ce spectacle, elle a réuni ses collaborateurs habituels en novembre pour s’assurer qu’ils la suivraient ; « je leur ai dit que je ne partirais pas toute seule ! » se souvient-elle. Avec leur soutien, elle a donc travaillé à faire de ce texte E parauparau te ‘ōfa’i un spectacle d’une heure. Côté musique, Teha Kaimuko, le leader et chanteur du groupe Verua, a composé trois ‘aparima. Quant aux percussions, on ne pourra pas les manquer : à la manière des chefs de groupes qui l’ont précédé au marae, Kehaulani apporte sa touche, son innovation, elle place l’orchestre entre deux tribunes, « au cœur du public ».
Des costumes « roots » qui nous plongent dans les temps anciens
« Ça a l’air tout déchiré, tout froissé, eh bien c’est le but ! » lance Nels Labbeyi, la créatrice des costumes, en brandissant une longue bande de tissu effet tapa. Avec Kehaulani Chanquy, elle a préparé six costumes « bruts, très roots, non apprêtés ». Il n’y a pratiquement pas de couture, mais de savants pliages qui permettent d’habiller les danseurs tout en les laissant libres de leurs mouvements. « Il faut qu’on transporte tout le monde à l’époque des temps anciens, qu’on se rapproche au plus près de ce qu’ils portaient », explique Nels. Et comme il n’y avait pas de fer à repasser à l’époque, il a fallu trouver des techniques pour froisser des kilomètres de tissus.
À côté de ces tenues, on trouve dans la costumerie de Hitireva des kilos de faux cheveux. « Les danseuses n’ont que deux à trois minutes pour se changer, donc j’ai préféré travailler avec des cheveux artificiels plaqués, mais elles auront aussi leurs cheveux naturels relâchés », précise Kehaulani, qui voulait « un effet seins nus » et que toutes ses danseuses aient la même coiffure.
Pour le costume en végétal frais, deux éléments ont été pris en compte : le respect du thème et la préservation de l’environnement. « Les pauvres fleurs sont prises d’assaut en période de Heiva, alors on essaie d’utiliser des feuillages ou des fleurs qui ne sont pas dévalisés, on ne va pas courir après des tipanie ou des auti », souligne la chef de groupe. Cela permet aussi de soulager un peu les danseurs, qui ont cinq représentations et pour beaucoup, pas de terrain sur lequel planter ces végétaux très recherchés au mois de juillet.
Pratique
• Samedis 7, 14, 21, 28 juillet, et le samedi 4 août, à 15h45
• Marae Arahurahu, à Paea (PK 22,5 côté montagne)
• Tarif unique : 2 000 Fcfp
• Billets en vente à Radio 1 Fare ute, dans les magasins Carrefour (Arue/Faa’a/Punaauia), et sur www.ticket-pacific.pf
+ d’infos : 40 50 14 14/40 43 41 00, www.heiva.org/www.conservatoire.pf
Réalisé par le groupe Hitireva, ce spectacle est produit par le Conservatoire artistique de la Polynésie française, Te Fare Upa Rau, avec le soutien du ministère de la Culture.