N°127 – L’art de la coiffe

 

 

Service de l’Artisanat Traditionnel (ART) – Pu ‘ohipa rima’i1

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Rencontre avec Maureen Taputu, artisane de Rurutu. Texte et photos SF

 

Maureen Taputu est une artisane originaire de Rurutu, aux Australes. A l’occasion du concours du salon Te Rara’a, à l’Assemblée de Polynésie française, elle a présenté une coiffe valorisant les différents tressages de son île.

 

Elle a l’artisanat dans la peau. Maureen, 44 ans, savait déjà tresser un chapeau à peine âgée d’une dizaine d’années. C’est sa maman qui lui a tout appris. Dès le plus tendre âge, elle l’a regardée faire. « Aujourd’hui encore, j’apprends avec elle, on fait le travail ensemble, c’est un travail de famille, confie l’artisane.Sauf pour la coiffe du concours ! J’ai voulu la faire seule mais ma mère continue de m’inspirer beaucoup ». Maureen a eu trois jours pour créer un chapeau qui devait mettre à l’honneur le tressage lors d’un concours du salon Te Rara’a, qui s’est déroulé en mars dernier à l’Assemblée de Polynésie française. Originaire de Rurutu, Maureen a souhaité développer une dizaine de tressages. Ainsi, on retrouve le upe’a qui a la forme d’un filet, le opu, plus arrondi, le onionio en forme de dents de requin, le taamuamu qui permet d’attacher, le uaaroti en rose, le tioioi qui ressemble à un point carré, le panapa, tressage le plus simple et le plus utilisé, et enfin, le panapiti, les tresses double. « Il y a plein d’autres tressage mais je ne pouvais pas tous les mettre », explique Maureen qui a mis deux jours à élaborer et faire les tressages pour sa coiffe. Ce n’est d’ailleurs que le dernier jour du concours, soit le troisième jour, qu’elle a imaginé la forme de son chapeau. Une forme originale, arrondie et sublimée par les matières utilisées.

 

Un savoir-faire

 

L’un des grands plaisirs de Maureen dans l’artisanat est de travailler la matière première de son île : le pandanus et le bambou vert. Le pandanus est la matière la plus utilisée pour son chapeau mais avec des teintes différentes. Le pandanus blanc qui est cuit à l’eau, celui plus sombre qui est plus ordinaire et le pandanus teint avec la couleur du aito. Mais le travail le plus difficile a été celui du bambou vert. « Il y a une préparation particulière », confie l’artisane prête à livrer ses secrets de fabrication. Avant tout, il faut couper le bambou à la bonne saison, c’est-à-dire en avril/mai. Ensuite, il faut le séparer en faisant des traits et éplucher la peau verte avec un couteau spécial. Après avoir ouvert ces morceaux de bambou, place au découpage avant d’enlever les différentes couches. « On doit attacher les côtés et baigner dans de l’eau de mer entre deux semaines et un mois maximum. Il faut que ça s’imprègne !, souligne Maureen qui poursuit son explication, Il faut éplucher la peau pour mettre la colle et laisser sécher au soleil le temps nécessaire ». Tout un savoir transmis par la maman de Maureen. Grâce à ce savoir-faire, l’artisane a trouvé la force de quitter son travail pour se lancer entièrement dans l’artisanat. « Maman disait toujours que l’artisanat est important. Aujourd’hui, je suis contente d’avoir suivi cette voie, on ne s’ennuie pas à la maison, c’est un revenu supplémentaire, et cela permet de mieux connaître notre matière première. J’ai fait un choix de vocation, je ne regrette rien bien au contraire. L’artisanat, c’est une passion, c’est une raison de vivre ».

 

Transmettre et partager

 

Cette passion, Maureen souhaite la transmettre à ses filles. Mais elle sait que cela reste difficile : aller chercher la matière première, apprendre les divers tressages, réfléchir pour créer, tout un processus qui demande une certaine patience. « Quand on est jeune, on est impatient. Mes filles, par exemple, connaissent le tressage mais ne sont pas suffisamment patientes pour s’attarder. » Sa cadette de 19 ans a pourtant commencé à tresser un chapeau à seulement 10 ans. Si aujourd’hui, elle s’investit dans l’artisanat, cela reste difficile à allier avec l’école. Son aînée de 20 ans, elle, sait confectionner des paniers. « Elle continue d’apprendre mais on doit toujours être derrière, confie Maureen fière néanmoins de la pratique de ses filles.Il est important de transmettre aux enfants car ensuite on peut partager avec les autres. Je ne veux pas garder pour moi ce que je sais faire. » C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait lors du concours du salon Te Rara’a : partager son savoir-faire. En dévoilant une coiffe aux multiples tressages, elle a ainsi montré tout le talent et la richesse des artisans de Rurutu. « J’ai eu beaucoup de retours positifs, certains visiteurs voulaient même l’acheter. Mais, moi, au départ, je voulais que ce chef-d’œuvre aille à la présidente de l’association Ta Rara’a car elle est très coquette, je voulais lui faire plaisir ». En plus d’être talentueuse, Maureen est aussi généreuse. Elle a bien là toute l’âme d’une artiste.

 

Pour contacter Maureen Taputu :

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