N°126 – Les pierres lithiques racontent nos légendes

Service de la Culture et du Patrimoine (SCP) – Te pu no te ta’ere e no te faufa’a tumuLézard vue du haut

Rencontre avec Joany Hapaitahaa et Edmée Hopuu du Service de la Culture et du Patrimoine et Christiane Dauphin chargée de répertorier les pierres lithiques. Texte ASF. Photos SCP

 

Lézard, requin, baleine, chien, visage… Les pierres lithiques à valeur légendaire peuplent les îles de Polynésie. Dans le cadre du code de la valorisation du Patrimoine polynésien, un travail de classification est en cours. Dix pierres ont déjà été répertoriées en fin d’année 2017.

Dans le cadre du code du Patrimoine de Polynésie française, il a été envisagé de répertorier et de classer des pierres à valeur légendaire. Une première mission dans ce sens a eu lieu dans l’archipel de la Société avec l’identification de dix pierres lithiques légendaires situées à Tahiti, Moorea et Raiatea. Pour mener à bien cette enquête, il a fallu interroger les anciens et retrouver les sites qui sont très souvent situés chez des particuliers. Nombre de ses pierres sont connues de la population vivant à proximité.

Les lézards, des dieux

C’est sur la commune de Punaauia, sur un terrain privé à Taapuna, que Christiane Dauphin en charge de la classification, a pu par exemple identifier Ofa’i Mo’o Avera. Une pierre formée de deux blocs de plus de deux mètres de long pour l’un et représentant un lézard regardant vers la vallée. Selon les informateurs, il manque aujourd’hui le bloc de la partie centrale du corps. Seules la tête et la queue sont encore présentes et en bon état de conservation, la queue se trouvant à quelques mètres en aval. De nouvelles fouilles doivent être envisagées pour trouver le bloc manquant. Dans son ouvrage, Teuira Henry raconte que les lézards étaient les dieux pour la famille royale d’Oropa’a à Tahiti : « Le « mo’o avera », lézard à tête relevée et à queue fourchue que l’on trouve loin à l’intérieur de Taapuna, était l’émancipation de Tipa, le dieu guérisseur, il remplissait de crainte ceux qui le rencontraient (…) Lorsqu’un enfant royal de la maison naissait, les lézards lui étaient présentés et on les invoquait pour assurer une longue vie à l’enfant. Pomare II fut le dernier roi pour lequel cette cérémonie fut accomplie. »

Le chien protecteur

A Raiatea, c’est la pierre légendaire Pi’ihoro qui a été mise à jour après un nettoyage du site. Pi’ihoro est le chien protecteur, on retrouve des traces de chien dans d’autres îles comme à Huahine. Sur un terrain privé et difficile d’accès, la pierre a pu être préservée de l’homme. Selon les observations de Christiane Dauphin, ce rocher est la continuité d’un promontoire rocheux surplombant le site culturel de Taputapuatea et de la passe Ava Mo’a. Si l’on se reporte à la légende, le rocher a l’apparence d’un chien assis sur ses pattes arrière, la gueule relevée. De face, la partie basse laisse imaginer les deux pattes avant. De son promontoire, le chien observe le site culturel. Plusieurs versions existent sur le chien Pi’ihoro. Selon Elisabeta Punaa, de Opoa, certains soirs, lorsque les habitants traversaient le site religieux pour se rendre au temple, ils apercevaient le chien sur le rocher. Après chaque apparition du chien protecteur un événement se produisait sur un des marae de Taputapuatea.

Exploits de Maui

Toujours à Taputapuatea, une pierre posée sur un sol en pente, tout en longueur représente une baleine. Le site se nomme Ofa’i Tohora. Selon les témoignages, la pierre était autrefois plus en amont. Des intempéries ont rendu le sol glissant et le bloc se serait retrouvé à une vingtaine de mètres plus bas de son lieu d’origine. « Nous n’avons pas réussi à recueillir de légende pour cette pierre » précise Christiane. Les lieux légendaires ne représentent pas uniquement des animaux, ils racontent aussi les exploits de Maui. A Taiarapu Ouest, dans la vallée de Faaana, le Service de la Culture et du Patrimoine a pu établir plusieurs traces de ce dernier. La vallée étroite et peu profonde était le lieu de résidence de Maui, c’est ici qu’il cacha Hina lorsqu’elle fuyait son mari, l’anguille sacrée de la Vaihiria. Un peu plus loin, une grotte en forme de dôme est aujourd’hui inaccessible. Ses propriétaires l’ont murée afin de le protéger des éboulements possibles. C’est de cette grotte que serait parti Maui pour capturer le soleil. A quelques centaines de mètres, le bol et l’empreinte du premier pied de Maui ont été recouverts lors de l’aménagement de la route, en bord de mer. Dans son rapport, Christiane Dauphin explique que l’empreinte du pied est un des symboles du lancement des cordes pour attraper le soleil : « Le bol creusé dans le rocher, était rempli d’eau pour étancher sa soif. » La deuxième empreinte de pied a été localisée dans le lagon. Elle est matérialisée par un pâté de corail qui a la forme d’un pied (approximativement 80 m de long et 50 m de large). Au Pk 11,150, côté montagne, un rocher a été identifié. Il s’agirait du rocher qui a servi à Maui pour attacher le soleil. Une première corde réalisée à partir des cheveux de Hina a été fixée à Mahaena, la seconde sur un rocher de Vairao.

Disséminées dans toute la Polynésie, ces pierres lithiques à valeur légendaire sont la preuve des liens et des échanges qui existaient entre les différentes îles.

 

 

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