N°124 – Poursuivre l’œuvre de mémoire des Danielsson

 

Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel de la Polynésie – Te Piha Faufa’a TupunaDanielsson vie privee

Rencontre avec Robert Koenig, ami des Danielsson et membre de la Société des études océaniennes, et Cédric Doom, du Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel. Texte Elodie Largenton.

 

Le Hiro’a continue de vous faire découvrir une partie du fonds Danielsson, qui compte des milliers d’ouvrages, de documents, de photographies et de gravures exceptionnels. Un site Internet, arapo.org.pf, permet d’explorer quelques-uns de ces documents et d’en apprendre plus sur la vie de ce couple d’anthropologues qui s’est passionné pour la Polynésie française.

« Mon souci, c’est la mémoire, la continuité de la mémoire », martèle Robert Koenig. Avec sa femme Denise, il a côtoyé les époux Danielsson durant des années et se dit chanceux d’avoir compté parmi leurs amis. « Nous avons beaucoup d’admiration pour eux, ils étaient d’une générosité inouïe. Ils ont mis à notre disposition leur bibliothèque, presque tout ce que j’ai appris sur la Polynésie, c’est grâce à eux et chez eux », raconte-t-il. Installés en bord de mer à Papehue, dans la commune de Paea, Marie-Thérèse et Bengt Danielsson prêtaient non seulement leurs livres, mais ils recevaient aussi beaucoup de monde, permettaient aux gens de se rencontrer. « Ils nous ont permis de connaître beaucoup de personnalités du Pacifique et c’est grâce à cela que nous avons eu cette ouverture sur la région », témoigne Robert Koenig.

Mémoire vivante

Avant d’habiter à Tahiti, Marie-Thérèse et Bengt Danielsson ont séjourné aux Marquises. Des photos « très précieuses » de cette époque ont été tirées en plusieurs exemplaires pour qu’un maximum de personnes puisse en profiter. Ces documents sont ainsi visibles au Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel (SPAA) et au musée Gauguin, à Atuona, dans la Maison du jouir. De la même manière, les photos prises par le couple à Raroia, aux Tuamotu, sont consultables au SPAA et sur place, à l’école de l’atoll. Ce sont des « photos extraordinaires », signale Robert Koenig. Il se souvient d’être allé à Raroia avec le petit-fils de Thor Heyerdahl pour l’accueil du deuxième radeau du Kon-Tiki, c’est-à-dire Tangaroa. « On avait apporté des photos aux habitants, qui se sont précipités dessus. Ces documents étaient dispersés dans les livres de Marie-Thérèse et Bengt Danielsson et nous les avons remis à la population. C’était très émouvant de voir les gens se reconnaître, 50 ans plus tard. Je me rappellerai toujours ces enfants en train de regarder les photos du lagon de Raroia en 1950 avec des pirogues à voile. Ils ont dit « nous, on en veut une comme ça ! » C’est ça la mémoire, la mémoire vivante. » C’est ce qui pousse aujourd’hui Robert Koenig à travailler sans relâche pour mettre les trésors des Danielsson à disposition de tous.

Garder pour transmettre

L’idée est de poursuivre l’œuvre du couple illustre, qui voulait « sauvegarder pour transmettre ». Pendant des décennies, Bengt Danielsson a collectionné les livres, les cartes postales, les timbres… « C’était un collectionneur averti. Sa bibliothèque était certainement la plus grande bibliothèque privée du Pacifique », estime Robert Koenig. Sa curiosité insatiable l’a mené à découvrir des ouvrages rares dans le monde entier. « Quand il allait au Chili, par exemple, il se rendait chez le bouquiniste pour voir s’il n’y avait des documents qui pouvaient l’intéresser », raconte Robert Koenig. Il ajoute que les époux Danielsson ont constitué leur bibliothèque « à une époque où il n’y avait pas de spéculation pour les originaux et les vieilles éditions ayant trait au Pacifique. Jusque dans les années 1990, ces livres n’intéressaient personne, ils étaient accessibles ». Autre atout de Bengt Danielsson : Suédois, il parlait et lisait très bien l’allemand, l’anglais, et le français, ce qui lui permettait d’accéder à une somme conséquente de récits de voyage d’Européens. Enfin, comme Bengt Danielsson avait dirigé le musée royal de Suède, il pouvait s’appuyer sur un réseau solide de passionnés qui « se font confiance et se donnent des renseignements sur la disponibilité d’ouvrages dans le monde entier. C’est comme ça qu’on peut faire une collection », explique Robert Koenig. Le couple Danielsson avait cette volonté de collectionner, de garder, « mais pas pour eux », précise leur ami, il s’agissait de « garder pour transmettre ». Cette œuvre se poursuit aujourd’hui.

Arapo, « celle qui est éveillée la nuit »

Un site Internet baptisé Arapo, du tahitien ara (éveil) et (nuit, ténèbres), est dédié aux époux Danielsson et à leur travail en Polynésie française. Le logo complète la symbolique du titre : il s’agit d’une noix de coco sur laquelle est posé l’oiseau de Minerve, déesse grecque de la sagesse et de la connaissance. « Pour Hegel, cet oiseau est vraiment le symbole de la philosophie, il est éveillé quand tout le monde dort et il dort quand tout le monde est éveillé. C’est donc le mot que j’ai choisi, Arapo, qui veut dire « celle qui est éveillée la nuit », en mémoire de Marie-Thérèse », explique Robert Koenig. Ce site Internet regorge de trésors, de photos et documents anciens et de nombreux livres en téléchargement gratuit, dont l’intégralité du Mémorial polynésien. « C’est la base du site Arapo, il a été très souvent téléchargé par des étudiants, mais aussi par des militaires en France », raconte Robert Koenig, qui précise que « le titre du Mémorial a été choisi par les Danielsson en allusion aux Immémoriaux de Victor Segalen ». Pour accéder à ces ouvrages précieux, il suffit de demander un code au gestionnaire du site. Ce dernier précise qu’il s’agit d’un portail « vivant », qu’il veut « continuer à enrichir ».

Pratique

Les archives sont consultables au Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel, de 7h30 à 12h en semaine.

Le site Arapo : arapo.org.pf

+ d’infos au 40 41 96 01, [email protected]

 

 

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