N°123 – Les trésors du fonds Danielsson

Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel (SPAA)- Te Piha Faufa’a Tupuna3Fi-011-z3-Volontaires tahitiens pour l'expédition de raiatea d'après une photo de M. AGOSTINI 1843 ou 1846

 

Rencontre avec Jean-Christophe Shigetomi, auteur du livre Tamari’i Volontaires, les tahitiens dans la seconde guerre mondiale, Michel Bailleul, historien, et Liline Laille, responsable du Département des archives publiques et privées

 

 

Le fonds Danielsson constitue la collection la plus complète, la plus ancienne, mais aussi la plus variée des archives de la Polynésie française. Ce trésor unique a été durant plus de 35 ans patiemment réuni par le couple Marie-Thérèse et Bengt Danielsson. Le Hiro’a a décidé de vous en faire découvrir une infime partie…

4 000 ouvrages, fascicules, pamphlets, tirages à part, procès-verbaux, annuaires, journaux, revues, manuscrits, rapports, microfilms… Ces œuvres écrites dans douze langues différentes, datant pour les plus anciennes des premiers explorateurs de la Polynésie, et pour les plus récentes des années 80, sont toutes relatives à l’histoire, la culture, l’art, la littérature, la flore et la faune des cinq archipels qui forment la Polynésie française. La collection de Bengt et Marie-Thérèse Danielsson, un couple d’ethnologue réputé pour ses travaux, est le fonds le plus important et le plus riche que possèdent les archives du Pays qui en a fait l’acquisition en 1987.

Des aito partis à la guerre

Parmi ces trésors, on retrouve des dessins comme celui des volontaires tahitiens. Jean-Christophe Shigetomi, auteur du livre Tamari’i Volontaires, les Tahitiens dans la seconde guerre mondiale, s’est confié pour le Hiro’a sur l’histoire de ces aito polynésiens partis à la guerre. « Lorsque les E.F.O (ndlr les Etablissements français d’Outremers) ont rallié la France libre, 1000 tahitiens se sont engagés pour poursuivre la lutte auprès des Anglais. Seuls 300 d’entre eux ont quitté Tahiti le 21 avril 1941 dans les rangs du 1er contingent. Les autres Tahitiens libres sont restés à Tahiti pour sa défense face à un péril d’invasion japonaise. Ces 300 volontaires tahitiens renforcés des Néo-calédoniens vont ainsi constituer le bataillon du Pacifique », explique ce passionné qui, grâce à un travail de fourmi, a collecté et légendé les photographies concernant ces volontaires tahitiens. Poussés par l’héritage patriotique de leurs aînés durant la Grande Guerre, mais aussi par l’exaltation de partir à l’aventure, une centaine de marins, une quinzaine d’aviateurs, une dizaine de parachutistes, puis les volontaires du bataillon vont ainsi participer à la seconde guerre mondiale. De nombreux Tahitiens vont également s’engager dans d’autres corps comme le génie, le train et les forces australiennes, néo-zélandaises et américaines. Enfin, de jeunes garçons natifs de Tahiti vont rejoindre les forces françaises de l’intérieur (FFI). Si certains sont très jeunes – ils cacheront d’ailleurs leur jeune âge afin de partir – la plupart sont âgés de vingt à quarante ans, d’autres sont des Poilus de la guerre 14-18. Malheureusement, le 5 mai 1946, à la fin de la guerre, seuls 72 des volontaires tahitiens vont retrouver leur île, les autres étant tombés en Libye à Bir Hakeim, en Egypte à El Alamein, ou encore en Italie et en Provence. Certains décèderont de maladie. Ce dessin qui dévoile des volontaires tahitiens, récupéré par le couple Danielsson, est un témoignage précieux de l’histoire de la Polynésie française.

 

Une affaire complexe

 

Autre trésor, autre histoire de la Polynésie. Le fonds Danielsson contient deux photographies de l’affaire Kong Ah, du nom d’une société commerciale. La première dévoile le portrait de Ji Paléon. « Né en Chine en 1900, ce négociant arrive à Tahiti en 1911 et devient président du Kuo Min Tang, une association chinoise, en 1928 », explique Michel Bailleul, historien et intervenant au Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel. Condamné à deux ans de prison pour complicité de banqueroute, l’homme sera incarcéré à la prison de Papeete en 1934 avant d’être expulsé du territoire en 1937 suite à l’affaire Kong Ah. Une affaire qui débute avec la faillite de cette entreprise, spécialisée dans l’exportation du coprah et dirigée par un Chinois. Elle est alors mise en liquidation judiciaire en février 1933 jusqu’en 1934. « Cette liquidation se fait de manière frauduleuse avec des complaisances coupables de la part de certains membres de l’administration coloniale », souligne l’historien. Cette affaire compromet l’ensemble des notables de la colonie ainsi que le gouverneur en personne. Très complexe, elle mêle à la fois malversations, diffamations, magouilles en tout genre, et met en cause aussi bien les Français blancs que les demis, les Chinois, le monde du commerce et l’administration. La seconde photographie montre cette fois l’arrestation d’Emmanuel Rougier par deux gendarmes. L’homme qui dirige « Le courrier du Pacifique », journal édité à San Francisco aux Etats-Unis, et nommé syndic de la faillite de la société Kong Ah, est lui aussi visé dans cette affaire. L’homme tente de pourchasser les fraudeurs mais non sans arrière-pensée politique. Il prétendra être alors victime d’un attentat mais l’opinion publique murmure que cette tentative d’assassinat serait montée de toutes pièces par l’accusateur en question. Ainsi, en 1935, il est arrêté et condamné à deux ans de prison pour recel de documents administratifs avant d’être expulsé du territoire. A l’époque, cette affaire complexe fait grand bruit en Polynésie et dévoile le déchirement à l’intérieur des milieux popa’a et demis, quelques années avant le ralliement des Etablissements français d’Outremers à la France Libre. Ces deux photographies sont le témoignage d’une époque, d’une société, des liens et des conflits entre les communautés de ce territoire d’Outremers. Un trésor à (re) découvrir pour ainsi enrichir sa connaissance de l’histoire de la Polynésie française.

 

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Ces documents et toutes les archives consultables au Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel.

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