N°122 – Une formation pour professionnaliser les artisans
Service de l’Artisanat Traditionnel (ART) – Pu ‘ohipa rima’i
Rencontre avec Laetitia Galenon-Liault, chef du Service de l’Artisanat Traditionnel. Texte SF
L’initiative est inédite sur le territoire. Le Service de l’Artisanat Traditionnel en partenariat avec un organisme a mis en place une formation afin de professionnaliser les artisans du fenua et d’attirer les jeunes vers ce métier d’avenir.
C’est une première au fenua. Du 7 août au 20 septembre derniers, une petite dizaine d’artisans en devenir ont participé à une formation bien particulière. Financée par le Service de l’Artisanat Traditionnel à hauteur de 1 493 600 Fcfp, cette formation a été prodiguée par l’organisme SOI/Tupuna Kultur. L’objectif : mener les artisans, qui ont jusqu’alors l’habitude de travailler en famille ou en association, vers l’entreprenariat. Mais aussi attirer les jeunes vers ce secteur parfois méconnu. « L’idée est de professionnaliser ces artisans afin de développer ce secteur sur les marchés locaux mais aussi internationaux, explique Laetitia Galenon-Liault, chef du service. C’est à la fois un travail sur la création d’entreprise mais aussi sur la matière première qui doit respecter l’environnement. Nous avons voulu également rajeunir la moyenne d’âge des artisans, aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, car ce métier a un avenir dans l’économie du Pays, les jeunes doivent se l’approprier ! ».
Rassurer pour mieux se lancer
Pour cette première formation, dix personnes ont répondu présentes mais seules six sont allées au bout. La formation n’étant pas rémunérée, ce sont les plus motivés qui sont restés jusqu’à la fin. Parmi les stagiaires, cinq femmes déjà engagées dans des associations d’artisanat et un homme, patenté dans le domaine du numérique. La moyenne d’âge : une trentaine d’années. Tous, à leur manière, ont souhaité faire cette formation afin de comprendre comment se lancer dans le métier et se professionnaliser. Sur les 190 heures prodiguées, 90 sont dédiées à la théorie et 100 à la pratique. C’est Brenda Tihoni, responsable de la formation, qui en a eu la charge de la première partie. Au programme : procédure fiscale, économie, marketing. Cette partie, essentielle pour se lancer dans le secteur, apporte les clés aux artisans de demain pour mieux gérer leur patente et leur entreprise. « Souvent, ouvrir une patente fait peur aux artisans. Cette formation permet donc de les éclairer, les rassurer, de « dédiaboliser » et vulgariser cette partie administrative perçue généralement comme un véritable parcours du combattant », explique Laetitia Galenon-Liault. C’est une manière de dire aux artisans de demain : n’ayez pas peur et lancez-vous ! ». Ce type de formation a pour objectif de changer les mentalités de l’artisanat, véritable économie pour le Pays.
Apprendre et se perfectionner
La formation n’a pas comme unique but de former à l’entreprenariat, elle se veut aussi un apprentissage et un perfectionnement du savoir-faire. Adélina Hanere a proposé pour sa part 100 heures de formation sur la pratique de l’artisanat traditionnel. Sensibilisation à la faune et à la flore du fenua, techniques de fabrication, animations, sorties découvertes… Les jeunes artisans n’ont pas arrêté durant ces six semaines de formations. Ils sont allés à Moorea pour rencontrer les artisans de l’île et ainsi s’inspirer des différents secteurs d’activités. Ils se sont rendus aussi dans des hôtels pour animer des ateliers, mettre à profit leurs œuvres et se lancer dans la vente. Autre paramètre important de cette formation : la cohésion de groupe. L’idée : travailler par groupe sur une œuvre. Un premier groupe s’est attelé à réaliser un oiseau fait sur la base des matières des cinq archipels de la Polynésie française. On y trouve ainsi du pae ore, des plumes, de la vannerie, etc. Les artisans en formation ont souhaité à travers cette œuvre symboliser l’envol, un élan vers de nouveaux horizons. La deuxième œuvre, réalisée par un autre groupe, est un tableau. Coquillages des Tuamotu, fibre teintée en bleue représentant la mer, roseau de Rapa, graines des Marquises… A l’instar de l’oiseau, on y retrouve les matières premières des archipels du fenua. Ce magnifique tableau a été offert au centre Heimanava, situé à Taunoa, qui accueille des personnes atteintes de trisomie 21. Quant à l’oiseau, il sera vendu pour permettre de financer le déplacement des stagiaires à Rapa en 2018. « Ce voyage est important pour mieux connaître les techniques de vannerie, particulières à cette île des Australes », souligne Laetitia Galenon-Liault.
Un suivi pour accompagner
Ces nouveaux artisans seront par ailleurs suivis tout au long de l’année par la responsable de la formation Brenda Tihoni, un soutien de taille pour les aider à aller au bout de leur projet. « Avec l’imposition, les démarches administratives, il est souvent difficile d’aller au bout. Les artisans savent créer mais la gestion de leur affaire est beaucoup plus compliquée pour eux. Il est donc essentiel de les suivre et les soutenir ». En attendant, au vu de la réussite de cette première édition, le Service de l’Artisanat Traditionnel travaille déjà sur une deuxième session pour une formation prévue dans le courant de l’année 2018. Alors n’attendez plus, et lancez-vous !
Portrait des stagiaires
Cécilienne Ah Sing : Présidente de l’association artisanale de Faa’a « Les mains agiles » et membre active de la fédération « Rima ve’ave’a », Cécilienne travaille principalement le patchwork et souhaite aussi se développer dans la confection de linge de maison.
Sheila Tamarino : Secrétaire de l’association artisanale « Punarei » de Faa’a et membre active de la fédération « Rima ve’ave’a », Sheila travaille la vannerie et souhaite dispenser des formations dans ce domaine.
RauanaTautahi : Présidente de l’association artisanale « Te pito o te henua » de Mahina, Rauana participe avec sa belle-mère aux activités artisanales de l’association. Elle souhaite se perfectionner dans la vannerie et la couture.
Mireille Teuruarii : Présidente de l’association artisanale « Te rima ihiora » de Arue, Mireille travaille principalement la couture et la confection de bijoux traditionnels. Elle a pour projet de confectionner des tenues.
Vainui Barsinas : Membre de l’association « Kaka’e » de Rapa, Vainui travaille et maîtrise la vannerie. Elle souhaite se spécialiser dans la confection de robes de mariée et ses accessoires en matières premières locales.
Tunui de Vals : Stagiaire patenté dans le domaine du numérique, notamment dans le e-commerce pour la vente de produits artisanaux, il a intégré la formation afin de vivre et mieux connaître les travaux des artisans.
+ d’infos : au 40 54 54 00ou sur le site www.artisanat.pf