N°121 – L’Océanie française, le premier journal français de Tahiti

 

Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa’a tupunaL OCEANIE FRANCAISE N° 36-01C

 

Rencontre avec Michel Bailleul, docteur en histoire et intervenant au sein du Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel. Texte SF

 

 

Toutes les semaines, le Service Archivistique publie sur son site une série d’études épistolaires et bibliographiques concernant des livres et documents rares du fonds archivistique conservé. Ce mois-ci, Hiro’a vous fait découvrir une partie du journal L’Océanie française.

 

L’Océanie française est le premier journal en français paru à Tahiti. Hebdomadaire paraissant le dimanche, ce journal a été publié durant un peu plus d’un an, du 5 mai 1844 (n°1) au 28 juin 1845 (n°60). La Société des Études océaniennes a en sa possession 19 numéros tous numérisés par le Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel, et accessibles au public. Hiro’a vous présente la première page du numéro 36 daté du 5 janvier 1845. Ce document est accompagné de l’extrait d’un article montrant comment est relatée l’histoire locale, et de deux extraits de lettres adressées par le ministre des Colonies au gouverneur Bruat. Mais pour comprendre ces documents, il faut d’abord revenir sur le contexte historique.

 

Les débuts de la présence française
En 1842, après la « prise de possession » des Marquises par l’amiral Du Petit-Thouars, le gouvernement français envoie dans cette nouvelle colonie un gouverneur : Armand Bruat. Après un bref séjour dans la « Terre des Hommes », il arrive en novembre 1843 à Tahiti et devient Commissaire du Roi auprès de la Reine Pomare. Celle-ci, revenant sur son acceptation du Protectorat, se retire à bord de navires anglais avant de s’exiler aux Îles-Sous-Le-Vent. Commence alors une guerre qui se termine au début de 1847 lorsque la Reine revient à Tahiti et accepte le Protectorat.

 

Un journaliste providentiel

 

Edmond de Ginoux est lui aussi du voyage, il est venu de France avec Bruat. Il est, rapporte Michel Bailleul, passionné par les « sauvages » auprès de qui « il souhaiterait vivre pour mieux les étudier ». En attendant, il accepte le poste de Procureur du Roi que lui propose Bruat, lequel lui demande aussi de rédiger un journal. De Ginoux connaît le métier : il était journaliste en France dans l’opposition républicaine au Roi. Tirée à une centaine d’exemplaires par l’imprimerie lithographique du gouvernement, L’Océanie française se présente comme un journal manuscrit. Le lecteur peut y lire des arrêtés et des proclamations du Gouverneur, des nouvelles locales et de France, des traductions d’articles de journaux anglais sur les affaires de Tahiti, des « billets d’humeur » du rédacteur à propos des mensonges divulgués par la presse anglaise …

 

La diplomatie s’en mêle

 

Les propos hostiles aux Anglais déplaisent à ces derniers, qui ont toujours un ou plusieurs navires stationnés en rade de Papeete. Leurs plaintes arrivent à Londres.  « La diplomatie se met alors en marche. À Paris comme à Londres, on ne veut pas de conflit franco-anglais dans cette partie du monde », précise Michel Bailleul. Bruat a beau annoncer au Ministre qu’il va faire supprimer le sous-titre « Journal Officiel de Taïti » pour le remplacer par « Journal de Tahiti », le ministre des Colonies est mécontent. Il écrit le 25 octobre 1844 : « Mon intention est que vous supprimiez immédiatement la feuille en question […] et que vous renonciez à toute publication de cette nature ». Il se plaint par ailleurs d’être mal servi : le journal est connu à Paris et à Londres avant que lui-même ne le reçoive ! « Or il y est question de sujets sensibles : le conflit entre parti français (avec les Grands Chefs) et parti anglais (avec Pomare IV) va devenir une guerre, et Paris veut contrôler l’information », explique notre historien. Obéissant à l’injonction du Ministre, Bruat met fin à la publication. En septembre 1845, de Ginoux retourne en France.

 

Retrouvez … ces précieux documents, qui ne sont pas en bon état, sont consultables grâce à la numérisation faite par le Service des Archives

 

Vous aimerez aussi...