N°121 – Le mystérieux tiki se dévoile
Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Te Fare Manaha
Rencontre avec Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques du musée de Tahiti et des îles. Texte Elodie Largenton
C’est « l’icône polynésienne la plus galvaudée » comme le soulignent Tara Hiquily et Christel Vieille-Ramseyer, dans l’ouvrage Tiki, édité par le Musée et la maison d’édition Au vent des îles. Avec la contribution d’une dizaine de chercheurs, ils dressent « le portrait-robot » de tiki.
Après l’exposition, qui a attiré plus de 8 000 visiteurs au musée de Tahiti et des îles, l’ouvrage Tiki permet d’élargir encore la réflexion sur le sens et l’origine de cette icône qui reste en partie insaisissable. « On a cette espèce d’énorme puzzle avec beaucoup de pièces manquantes et on a travaillé très dur pour essayer de le compléter et de dessiner le portrait-robot de tiki », explique Tara Hiquily, co-directeur de l’ouvrage Tiki avec Christel Vieille-Ramseyer, consultante en valorisation du patrimoine. « Pour redonner du sens au tiki, l’ethnologie, la linguistique, la sociologie, l’archéologie sont tour à tour convoquées » par les auteurs. Ce qu’il faut comprendre, d’abord, c’est que « la statue n’est pas une fin en soi, elle fait partie de quelque chose de beaucoup plus large », souligne Tara Hiquily. « C’est une espèce d’emblème d’un mouvement culturel, politique, religieux qui s’est développé dans le monde polynésien à une époque largement postérieure à celle du peuplement », poursuit-il. Parfois qualifié de concept, tiki a « différents sens dans la société ». L’anthropologue Bruno Saura rapporte, dans l’ouvrage, que « dans nombre de récits polynésiens de l’origine, ce héros mythologique est le premier homme ». Le personnage « représente fondamentalement un principe de génération et d’engendrement ». Son confrère Serge Dunis le rejoint, quelques pages plus loin, en expliquant que « les tiki symbolisent la capacité humaine à se reproduire sur une seule et même terre envers et contre tout ». Il y a aussi « un sens ésotérique à tiki, qui est présent là où les statues existent et où le mythe existe : tiki désigne le sexe de l’homme », fait remarquer Tara Hiquily. L’ouvrage s’attache donc à mettre en évidence que toutes ces différentes significations sont les multiples visages sous lesquels se manifeste le concept tiki/Tiki, dont le dénominateur commun est la personnification de la force procréatrice.
Puissance unique
Si le portrait-robot de tiki se dessine, il reste une grande question : d’où vient-il ? « Sa présence est manifeste en Polynésie de l’Est, on le retrouve en Nouvelle-Zélande, aux îles Hawaii, aux Marquises, à Rarotonga, à Mangaia, aux Tuamotu et à Tahiti », liste l’anthropologue Edgar Tetahiotupa. En revanche, tiki n’a pas conquis le reste de la Polynésie. Il évoque alors, avec Tara Hiquily et Serge Dunis, d’éventuels « liens avec le continent sud-américain ». « Face à la faible quantité de preuves matérielles », cette piste est rejetée par certains chercheurs, reconnaît Tara Hiquily. Pour lui, « ce n’est pas grave, chacun détient probablement une part de vérité, mais maintenant, il faut peut-être croiser plus d’informations pour avoir la solution ». Certaines pièces du puzzle font donc toujours défaut. L’identité et la fonction des tiki se sont peu à peu perdues. Tiki n’est pas pour autant complètement vidé de sa substance. « Les Marquisiens ne croient pas tous au mana, mais une grande majorité continue de respecter les tiki anciens en raison de leur pouvoir qui était considéré comme magique », raconte l’anthropologue Emily C. Donaldson. « Le culte et les croyances du tiki ont totalement disparu, mais ce qui reste, c’est la crainte », complète Tara Hiquily. Cette icône qui « conserve une puissance unique » se dévoile donc dans cet ouvrage Tiki, déjà collector.
Pratique
L’ouvrage Tiki est disponible au Musée de Tahiti et des îles et en librairie. Prix de vente 4500 Fcfp